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Mali : retour sur la libération de Pierre Camatte

Publié le 07 mai 2010 par Roman Bernard
1. Libération de Pierre Camatte et de quatre islamistes
L’otage français Pierre Camatte a finalement été libéré par l’Aqmi, le mardi 23 février, après trois mois de détention dans le nord du Mali (région de Kidal). Cette prise d’otages se solde, en définitive, par une victoire de l’Aqmi, puisque celle-ci, en échange de la libération de Pierre Camatte, a obtenu de Bamako (et donc, indirectement, de Paris), la remise en liberté de quatre islamistes (2 Algériens, 1 Burkinabé et 1 Mauritanien), jusque là détenus pas les autorités maliennes. Pierre Camatte semble avoir été retenu en otage par le groupe de l’Algérien Abdelhamid Abou Zeïd, responsable de l’assassinat du touriste britannique Edwin Dyer. L’ex-otage français est arrivé le jeudi 25 février à l’aéroport militaire de Villacoublay (Yvelines), en provenance de Bamako.
2. Enlèvement et conditions de détention
Pierre Camatte, responsable de l’ONG Icare, a donc été enlevé le 26 novembre 2009 à Menaka, dans le nord-ouest du Mali. Ses ravisseurs sont venus le chercher dans sa chambre, la nuit, vraisemblablement sur la base de renseignements obtenus grâce à des complicités locales. Pierre Camatte a résisté et a été roué de coups. Il a par la suite été détenu dans le désert dans des conditions particulièrement difficiles, laissé sans soins, abandonné à lui-même dans des conditions alimentaires et d’hygiène épouvantables, sous la menace explicite et répétée d’assassinat par balles ou par égorgement. Enfin, de manière particulièrement soudaine, un rendez-vous a été fixé dans le désert avec des agents de sécurité maliens auxquels l’otage français a été remis.
3. Une « bande de fanatiques », des « fous dangereux »
Pierre Camatte a décrit ses ravisseurs comme une « bande de fanatiques », des « fous dangereux persuadés de détenir une vérité, une seule vérité, et qui veulent par la contrainte, faire admettre cette vérité à tout le monde ». Les ravisseurs, dont 70 à 80 % n’avaient guère plus d’une vingtaine d’années, voire moins, ont aussi, à plusieurs reprises, tenté de convertir leur otage.
4. Un échec pour la France et le Mali
En déclarant qu’il n’y avait eu « absolument aucune contrepartie financière » et en remerciant le gouvernement malien pour avoir, en acceptant la libération de quatre islamistes qu’il détenait, permis de « passer à côté d’une catastrophe », le secrétaire d’État français à la Coopération, Alain Joyandet, n’a-t-il pas essayé de noyer le poisson ? En admettant qu’il n’y ait effectivement eu aucune contrepartie financière, force est de constater que le Mali, de toute évidence sous la pression de Paris, s’est vu contraindre par l’Aqmi de libérer quatre islamistes, ce qui a d’ailleurs eu pour effet de provoquer de vives tensions diplomatiques entre le Mali, l’Algérie et la Mauritanie. De fait, parmi les détenus libérés figuraient deux Algériens dont Alger demandait l’extradition. Si l’on ne peut que se réjouir de la libération de Monsieur Camatte, il faut bien admettre que la visite éclair, à Bamako, de Nicolas Sarkozy, qui a loué le « courage » et l’ « humanité » de son homologue malien, Amadou Toumani Touré, laisse quelque peu perplexe, car, de toute évidence, l’on a clairement cédé au chantage terroriste. La « catastrophe » n’a donc pas été évitée, loin s’en faut.
5. Pierre Camatte, humanitaire ou agent de la DGSE ?
Est-ce également pour camoufler cet échec que l’on a monté en épingle les spéculations médiatiques concernant l’appartenance supposée de Pierre Camatte à la DGSE ? Ou s’agit-il d’un énième cafouillage médiatique ? Le site web Bakchich.info a affirmé, le jeudi 25 février, que Pierre Camatte était un agent de la DGSE qui « travaillait sous couverture », ce qui a été immédiatement démenti par un porte-parole de l’Élysée. En fait, la circulation de cette pseudo-information semble relever d’une mauvaise compréhension d’une audition du coordinateur national du renseignement à la présidence de la République, Bernard Bajolet, effectuée durant le mois de janvier, à l’Assemblée nationale. Au cours de cette audition du 27 janvier 2010 devant la Commission de la Défense nationale et des forces armées de l’Assemblée, le député socialiste Guillaume Garot avait interrogé M. Bajolet à propos des informations qu’il pouvait transmettre concernant le nombre et la situation des agents des services français actuellement retenus en otages. Évoquant la totalité des Français alors retenus en otages et non les seuls (éventuels) agents de la DGSE, M. Bajolet avait alors précisé : « Nous avons actuellement huit otages. Un au Mali, Pierre Camatte, quatre au Soudan, un en Somalie et deux en Afghanistan ». Certains ont semble-t-il compris –ou voulu comprendre- que la totalité des huit otages français (sept depuis la libération de Pierre Camatte) faisait partie de la DGSE.
6. Libération d’une Espagnole et d’une Italo-Burkinabée
À l’heure où nous nous préparions à boucler cette revue de presse, nous apprenions que, d’après l’agence de presse italienne Ansa, un groupe terroriste se présentant comme une branche d’Al Qaïda en Afrique du Nord, aurait libéré deux des otages qu’il détenait au Mali. Il s’agirait d’une citoyenne espagnole et d’une citoyenne italienne d’origine burkinabé.
Éric Timmermans
Sources :

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