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Proposition de correction du sujet sur « Persépolis ». Arguments et énonciation

Publié le 08 mai 2010 par Sheumas

NB : ce devoir, en même temps que l’exploitation d’un film donnait l’occasion de travailler à la fois sur le motif de l’énonciation et sur celui de l’argumentation, motif à acquérir progressivement pour la troisième.

« Percez police ! »

Il y a des films qu’il faut aller voir ! On en sort comme éclairés… « Persépolis » est l’un de ces films ! Et puis, pour une fois que les parents pourront penser à peu près la même chose que vous, n’hésitez pas à les mettre dans le coup ! Peut-être même qu’à l’avenir, ils prêteront davantage d’attention à vos choix en matière de cinéma !

Le film raconte avec humour et distance ironique le parcours autobiographique d’une femme indépendante élevée dans un milieu intellectuel dans l’Iran du Chah. « Marjie » n’est alors qu’une enfant, mais déjà se développe en elle un farouche esprit de liberté. La fameuse auteure de BD à l’esprit sarcastique qu’elle est devenue est déjà un témoin politique à l’esprit vif et caustique ! Si vous ne savez rien de ce grand pays au destin mouvementé qu’est l’Iran, alors c’est le moment de vous instruire ! Marjane Satrapi retrace avec précision les événements historiques qui ont secoué son pays. Essayons de déblayer le terrain ! Le Chah, tyran sanguinaire est enfin bousculé par la révolution, la « république » islamique va pouvoir se mettre en place et laisser le champ libre à l’Espoir… Mais méfions-nous des espoirs politiques trop vite foulés au pied ! Peut-être connaissez-vous la chanson de Brassens intitulé « le Roi »… Elle annonçait en 1977, juste avant la chute du régime : « Il est possible au demeurant / Qu’on déloge le Chah d’Iran / Mais il y a peu de chances qu’on / Détrône le roi des cons ! ». En effet, force est de constater avec Marjie, qu’au tyran succèdent les tyrans et que, sous couverture religieuse, les libertés sont une fois de plus bafouées. C’est même pire ! L’adolescente qui ne supporte pas le voile, qui n’a pas sa langue dans sa poche et qui a elle aussi ses idoles (Iron Maiden en Iran !) est en danger… Ses parents le savent bien et son franc-parler l’expose directement à la répression. C’est pour cette raison qu’elle quitte son pays pour se rendre en Autriche où elle continue sa formation et son émancipation.

Le grand mot est lâché ! Il est cher à Marjane Satrapi comme à toutes celles d’entre vous qui ne supportent pas l’humiliation d’une société machiste ! Le film fait réfléchir à l’émancipation de la femme dans tous les pays mais aussi sur toutes les formes de violence qui accompagnent un régime fondé sur la dictature. Plus de vingt ans de drame sont reparcourus par le film, du régime du Chah à celui des ayatolas en passant par les purges civiles, la guerre meurtrière contre l’Irak de Saddam Hussein (plus d’un million de morts), la terreur que fait régner la république islamique… La famille de Marjane est touchée au cœur, le grand-père fusillé par la police du Chah, l’oncle Anouche à son tour exécuté par les hommes du nouveau régime. Pas de doute, vous êtes maintenant incollable en matière d’histoire et de sociologie iraniennes !

Mais revenons à vos passions d’enfance ! Vous aimez sans doute la BD, et vous avez raison ! Il en existe de tous les genres… « Persépolis » est un film d’animation et vous prendrez un réel plaisir au graphisme du dessin. Inspiré de la bande dessinée de l’auteur, il est expressif et varié. Il réinvestit des tableaux prestigieux comme ceux de Folon, de Friedrich, de Picasso ou de Munch… Alors vous apprécierez dans ce film les multiples clins d’œil que l’ancienne étudiante en art qu’est Marjane Satrapi adresse au spectateur. Revisitons avec elle « le cri », « Guernica », « Voyageur contemplant une mer de nuages », et les peintures de Folon. A un moment du film, lorsque Marjie revient dans son quartier, une bombe a explosé. Vision d’horreur… La petite fille pousse un cri d’angoisse, cri que le peintre Munch, dans le tableau du même nom, a su traduire dans cette oeuvre qu’il faut absolument connaître. L’horreur est également présente dans la vision des massacres perpétrés par Saddam. Explicitement, l’image recompose les traits du célèbre tableau de Picasso « Guernica » que vous avez déjà forcément vu au moins une fois en cours d’histoire. C’est cette violence que rejette la famille de Marjane et particulièrement l’oncle Anouche qui, dans sa jeunesse, avait collaboré à la constitution d’une petite république en Azerbadjan, entreprise réduite à néant par le régime... Anouche doit alors s’exiler et franchir de hautes montagnes du haut desquelles il médite, « voyageur au-dessus d’une mer de nuages ». Ce tableau de Friedrich renforce, s’il en est besoin, l’impression romantique que dégage la figure de l’oncle aux yeux du spectateur et de la petite fille.

Comme son oncle, Marjie a de l’ambition ! Autant en politique qu’en amour ! Et c’est un des moments les plus savoureux du film. Les garçons qu’elle aime ne sont en effet pas à la hauteur de ses attentes, et la malheureuse vole de désillusions en désillusions. Cette impression d’innocence contrariée est parfaitement rendue par les citations des tableaux de Folon qui nourrissent chacun des épisodes de ses idylles. Les amants de Marjane sont de piètres individus qui la font tomber de haut. A chaque fois, l’Amour (et le dessin !) la fait décoller, et à chaque fois la déception la laisse s’écraser. Mais pas de chichis ! Le thème de la tromperie est toujours traité avec un humour décapant : ainsi, la caricature de Marcus, qui apparait au début de la romance comme un délicat petit prince, est particulièrement réussie et le discours qui déconstruit la romance fait de lui un abominable petit monstre !

Peut-être vous reconnaîtrez-vous là-dedans ! En tout cas, Marjane Satrapi n’a rien épargné pour toucher le jeune spectateur ! Et on se demande ici, à la rédaction, si elle n’a pas tourné ce film spécialement pour les ados ! Il faut voir de quelle façon elle raconte sa propre adolescence lorsqu’elle force le trait. A travers une série de gros plans sur les différentes parties de son corps soumis à la tyrannie de l’organisme, elle inspecte avec justesse les mutations de sa silhouette et de son visage. L’une des étapes de sa métamorphose en belle jeune fille passe même par la citation d’une figure horizontale de « Guernica », ce qui, une fois de plus, est signe de distance ironique.

Décidément, empressez-vous d’aller voir ce film ! Croyez-moi, tout comme l’élégante et géniale Marjane Satrapi, vous rentrerez chenille et en vous en sortirez papillon !

Exercice : relevez les arguments. Relevez les indices d’énonciation.

Illustrations (2) [1600x1200]


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