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Takavoir (1)

Publié le 10 mai 2010 par Philippe Thomas

Takavoir , c’est un festival de films réalisés avec un bête téléphone portable. Première édition réussie samedi à Niort, « ville qui bouge » selon le slogan : la petite salle du Cac était comble pour la projection des quinze films sélectionnés sur les 76 en lice… Pour un utilisateur quelconque de portable comme je le suis (d’ailleurs mon mobile est trop obsolète pour filmer !), l’affaire tenait de la gageure mais ce fut une petite révélation. Oui, on peut arriver avec ce matériel à la fois simple et sophistiqué à fabriquer de vrais petites œuvres, pas toujours des chefs d’œuvre certes, mais de vraies petites unités cohérentes. On était loin des images crapoteuses, pixélisées, mal cadrées, tranches de vécu sans queue ni tête voire crades happy slapings, qui circulent encore parfois sur le net ou dans les cours de récré. C’est sans doute un nouveau genre, avec de fortes contraintes de format, un genre fait de débrouille, de sens de l’observation et d’esprit ludique.

Je suis donc arrivé juste à temps pour de belles images prises dans un bain pour femmes sur fond de musique arabe. Des chairs offertes mais sans impudeur, des seins généreux de femmes mûres, des massages aux gestes souples, des mains qui protègent les tétons sous le jet d’eau, des pieds briqués énergiquement. L’eau qui ruisselle sur les peaux cuivrées, la musique lancinante , la blouse blanche de la kiné aspergeant la table de massage… Une lumière qui caresse les formes et les couleurs… Une bien belle évocation, entre documentaire et poésie. Ensuite, je me souviens d’assez fastidieuses images d’un téléphone promené en voiture et ramassant à travers la vitre des images d’arbres, de fils électriques, de bouts de ciels, de campagne morne. Tantôt le téléphone dans le sens de la marche, tantôt braqué en arrière… Bof, bof, bof…

Une autre série de ces petits films ne m’a pas laissé un souvenir impérissable. Justel’histoire d’une fille impitoyablement suivie et arrosée par un petit nuage de pluie obstiné. Evidemment, cette météo toute personnelle lui pourrit la vie et notamment son rapport à autrui… Pour le reste, j’avoue avoir un peu somnolé. Il faut dire qu’en visionnant successivement pas mal de ces short movies (durée comprise entre 26 secondes et 7 minutes trente), on éprouve vite une sorte de saturation. S’ajoute à cela la multiplicité d’œuvres pas toujours bien remarquables, parfois de l’ordre de l’exercice de style ou de l’expérimentation. Au terme de l’avalanche d’images que représente une série de ces petits films, la mémoire fait son travail sélectif et, quels qu’aient pu être l’agrément ou l’ennui éprouvés dans l’immédiateté du visionnement, à la fin on a oublié purement et simplement une bonne partie d’entre eux…

Ainsi, après la projection du best off qu’est la sélection du jury, j’avais totalement zappé rien moins que le lauréat du Grand Prix, Big Wolf. J’interroge mes voisins : eux-aussi n’en avaient gardé aucune trace mémorielle ! Bon… Il est vrai qu’il fut le premier présenté sur les quinze. Heureusement qu’il fut à nouveau projeté à l’issue de la proclamation. Vite vu, vite oublié… Telle semble la limite inhérente à cet art bref du film téléphonique. Car la qualité technique de Big Wolf était nettement au-dessus du lot : réalisé en stopmotion à partir d’un stock de 2500 photos prises au téléphone, il était le seul du genre et révélait le pointu savoir-faire de son auteur. D’ailleurs, les explications du lauréat au moment de la remise des prix m’ont fait penser à un brillant étudiant en remettant encore une couche même après avoir reçu les félicitations du jury ! La décision du jury composé de professionnels était somme toute logique. Pourtant, la prouesse technique me semble aussi indéniable que la recette du film s’avère simplette –et court les rues sur le Net : un zapping de belles images sur sauce musicale agréable et branchée. Le produit est propre, bien léché même, mais effectivement vite vu, vite oublié… Et j’avoue que je n’ai pas bien compris pourquoi cette collection de paysages urbains hivernaux s’intitulait « Big Wolf » , faudra qu’on m’explique, je n’ai pas vu la bête… Et quand je lis dans le synopsis qu’il s’agit d’une « sorte de voyage initiatique visuel » je me marre : ce genre de formule passe-partout trahit surtout l’embarras du zigue qui a rédigé !

(à suivre…)


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