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Comment j’ai visité une usine Renault

Publié le 10 mai 2010 par Ecosapiens

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Attention, ceci n’est pas un publi-reportage ! Cette précision liminaire effectuée, il me faut encore faire une digression qui portera sur quelque chose que je connais particulièrement bien… moi ! Qu’on me pardonne cette parenthèse nombriliste, je la juge utile pour bien comprendre que le billet qui suit pourra être jugé trop sarcastique. Ce n’est pas son but. Je m’efforce d’être impartial. Et je sais que parfois, l’honnêteté intellectuelle peut être blessante. Voici donc la parenthèse. J’ai appris de la bouche d’un véritable journaliste (plusieurs fois cité sur ce blog d’ailleurs) qu’il ne faut jamais rencontrer ses ennemis. Pour la simple raison qu’un jour où l’autre, on est amené parfois à les rencontrer et que si l’offense est connue, on est tenté de vouloir se faire pardonner. Pire encore, les gens en vrai, sont souvent sympathiques et on en vient à se demander pourquoi on a eu la dent si dure alors que ce sont de francs camarades le temps d’une soirée. Le phénomène n’est pas nouveau et atteint son paroxysme dans les forums virtuels par exemple, où les internautes peuvent se lâcher (souvent pour le pire d’ailleurs) parce qu’ils savent qu’ils ne verront jamais la personne qu’ils offensent.

Moralité, pour un simple eco-sapiens comme moi, mieux vaut garder ses distances. Je dis cela avec d’autant plus d’expérience que nombre de mes camarades d’école d’ingénieur exercent leur besogne parmi les entreprises les plus infréquentables à mes yeux. Mais ils sont mes amis…

Fin de la parenthèse. Encore pardon !

Un jour, nous recevons un coup de téléphone. Une agence de communication souhaite organiser une rencontre entre blogueurs écolos influents -quel honneur !- et l’usine Renault de Maubeuge, qui s’inscrit dans une démarche environnementale sur deux fronts :

  • l’optimisation écologique du site de production et, perlinpinpin,
  • le lancement de la future voiture électrique Made in La Marque Au Losange.

Bon, nous sommes à Marseille, ca se passerait à la frontière belge. On a donc décliné poliment l’invitation, trouvant que la géographie de l’Hexagone pouvait se révéler bien pratique par moment… Et puis et puis… et puis j’ai été tanné pour tenter l’aventure. Cédant donc à la curiosité et à l’appel improbable du nom de Maubeuge, j’ai donc accepté en m’assurant de deux conditions. Primo, qu’en retour on ne serait pas obligé d’écrire quelque chose. Secundo, que si l’on écrivait, on avait le droit de casser du sucre. Tout ceci m’a été confirmé.

Dubitatif, me voici donc Gare du Nord, un lundi matin de Paris. Dans le train (1ère classe, durée 1h40), je discute longuement avec le responsable communication de Renault. Je cherche à comprendre, j’essaie de percevoir le piège. Manifestement, il n’y en a pas. Ils adoptent, à juste titre selon moi, les techniques de communication à la mode, où l’on fait aussi appel à la communauté du web qui est capable aujourd’hui de créer une opinion, parfois un buzz, à moindre frais que des encarts énormes venant assombrir nos journaux et magazines… On parle de tout. Un peu de Renault. Un peu d’écologie. On parle de la conquête de l’Amérique. Je lui raconte les thèses Jared Diamond à la fois sur l’effondrement des sociétés mais aussi sur « pourquoi l’homme blanc a gagné ?» Ouf, moi qui ne connais rien aux modèles de bagnoles, je vais pouvoir m’en sortir !

Arrivée Maubeuge. Une flotte de trois Kangoo (le fameux ludospace, "véhicule idéal pour les primoaccédants à l’automobile car compromis entre utilitaire et familial") nous transporte de la gare à l’usine MCA. C’est là que Renault fabrique la Kangoo de A à Z. Pour une ville de 30 000 habitants, c’est 2400 salariés et sûrement des emplois indirects à rajouter. Bref, quand l’industrie automobile va mal, on imagine sans peine que la ville sombre dans la Sambre… Heureusement pour eux, l’usine va mieux par rapport à l’année dernière qui fut terrible. Au lieu des 200 000 véhicules produits chaque année, 2009 a atteint à peine 120 000 unités. Eux parlent de la crise économique. Moi je perçois les signes avant-coureurs du peak oil, ce fameux pic de production du pétrole. Bref, pour moi la crise économique est un symptôme et non une cause.

Le pétrole, justement on a des idées dessus chez Renault. « Enfin !»,  diront les mauvaises langues. Eh oui car en 2011, l’usine de Maubeuge devrait sortir des Kangoo électriques, ce qui serait alors le premier utilitaire accessible et électrique. Je confesse que n’étant pas partisan de la voiture, je m’emballe peu pour ce genre d’annonce. Car une fois le peak oil périmé, on regardera du côté du peak lithium. Je rappelle qu’il n’existe que deux principales mines de lithium. Au Pérou (convoité par Bolloré et Mitsubishi mais Morales tient bon…) et au Tibet. Et que le prix du lithium a été multiplié par 10 en cinq ans.

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Bon, c’était plutôt secret défense la Kangoo électrique ZE, donc je ne vous fournis que l’image « publique»,  si vous voulez voir à quoi ca ressemble.

Allez hop, pendant ce temps, j’enfile un casque, un gilet jaune, des chaussures de sécurité, des lunettes de protection et on s’engouffre dans l’usine.

Tolerie : on découpe et on modèle les plaques d’acier.

Emboutissage : on soude les parties métalliques pour faire une « caisse».

Peintures : vous imaginez n’est-ce pas ?

Montage : on clipse et on visse tous le mobilier : la sellerie, le tableau de bord, et tout à la fin les roues.

Chaque jour, ce sont 340 tonnes d’acier qui s’engouffrent et qui ressortent sous forme de 630 Kangoo disponibles sous « 4 modèles et 200 colorants disponibles, sans compter les finitions spécifiques sur mesure selon l’envie du client» . Ces chiffres ne m’émeuvent pas car au fond de moi, j’ai comme l’envie de colmater cette fuite d’animaux à quatre roues, deux élytres et une antenne. Je repense au « pas de côté» qu’on pourrait faire avec Gébé.

Ici, il convient d’ouvrir une nouvelle parenthèse pour ceux qui seraient choqués que l’on puisse ainsi dénigrer la voiture. Eh oui, dans cette civilisation automobile, quoi de plus blasphématoire que de pester contre ce fort efficace engin ! Voici. Quand on y pense, en tant qu’objet, la voiture est une des plus belles inventions du génie humain. Avec un litre de liquide visqueux (huile… ou pétrole) on peut déplacer une tonne sur 20 km sans se fatiguer. Essayez de tirer une tonne sur 20 km avec juste une bouteille d’eau… Mais en tant que pratique individuelle, la voiture est une aberration. On l’utilise pour tout et n’importe quoi. On finit par se déplacer sans savoir pourquoi. On finit au bout du compte par planifier le territoire en fonction d’elle, rendant du coup ces déplacements inévitables. Et la boucle est bouclée. En quarante ans, nous voici embourbés dans la civilisation automobile. On ne devrait garder que les véhicules type pompiers, ambulances et utilitaires. Supprimer les autoroutes, rapprocher les lieux de travail des lieux de vie, lutter contre l’évidence qu’une voiture se possède et demander plutôt qu’elle se partage. D’autres en parlent mieux que moi et l’on peut donc fermer cette parenthèse.

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Revenons à l’usine. Nous voici plongé au milieu d’un ballet fantastique et devant lequel je n’avais jamais pensé que l’on puisse être ému. Celui des robots. On se croirait à Jurassic Park. Tels des animaux au cou de girafe, les petits robots viennent mordre grâcieusement la tôle, provoquant parfois des feux d’artifice magiques. Parfois, on a l’impression que deux robots dansent le tango. Je me suis fait la réflexion qu’il existait peut-être désormais des ecosystèmes composés de machines. Je me suis aussi rappelé ce constat de Heidegger qui se demandait si la machine n’avait pas dompté l’homme pour qu’il l’améliore sans cesse et assure sa reproduction…

J’ai tous les chiffres sur l’usine ! Je ne vous assomme pas avec… mais l’idée à retenir est celle-ci. Entamée il y a une dizaine d’année, la politique environnementale a permis de réduire drastiquement la consommation d’eau et d’énergie ainsi que les rejets de COV (composés Organiques volatils). Les chiffres sont sidérants (en plus d’être sidérurgiques…). Energie -30%, eau -65%, COV -70%, rejets atmosphériques -40%. Tout cela en 10 ans. D’où la question qui fâche : cela veut-il dire qu’avant, l’usine était franchement crado, en tout cas insouciante ? Ou alors est-ce vraiment le top qu’on puisse faire et du coup on se dit qu’il reste peu de progrès à faire ?

Personnellement, avec les chiffres mis à ma disposition, j’ai réalisé que le principal poste impactant l’environnement, c’était la peinture. Et de loin ! Gourmand en eau (il faut laver, drainer la peinture en trop), rejetant des saletés chimiques (merci les métaux lourds de BASF, Dupont et PPG) et assez gourmand en énergie (il faut cuire les différents apprêts, les laques, la cire finale), on se demande pourquoi tant d’efforts pour avoir du rouge ou du bleu sur sa caisse. Bref, c’est la chose la moins « utile» qui endommage le plus. Mais il semble que sortir des voitures « gris acier naturel » ne soit pas envisageable au service marketing. Dommage.

On finit la visite par LA spécificité du site de Maubeuge : son collecteur d’eau de pluie. Bon c’est tout bête, au point qu’on se demande pourquoi ce n’est pas « la normalité». Mais soyons fair-play car je peux concevoir que faire adopter une telle nouveauté face à une inertie industrielle, ce doit être un travail de titan. Voilà, il y a 10 ans, ils ont décidé de collecter l’eau de pluie (en plus il paraît qu’il pleut souvent à Maubeuge), ce qui permet de subvenir à un tiers de leurs besoins. Pas négligeable donc. Allez, on peut être fier de ce colllecteur d’eau de pluie !

La visite est finie ! On a été plus que bien reçus par Jean Goutierre (le bien nommé, du coup !), responsable environnement du site. Sur le trajet du retour, au milieu du paysage brique qui dévoile ses charmes, je repense à une discussion que j’ai eue avec lui. Je lui disais qu’il fallait tout de même se poser la question du "faut-il toujours produire plus de voitures ?".

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Il était fort conscient du problème sociétal. Je crois que parmi certains esprits courageux du monde automobile on s’est fait à l’idée que ce ne sera plus comme avant. Comment pourra-t-on continuer à gagner de l’argent et employer des gens ? Ils y réfléchissent. L’idée qu’il puisse y avoir moins de voiture est envisagée. Si si ! En contreprartie, ils espèrent, je crois, que les déplacements augmentent. Inventer un modèle économique basé sur l’usage plus que sur l’objet ? Tout est possible pour sauver le soldat Auto.

Enfin, il m’a confié cette prophétie tellement limpide. L’informatique et le numérique remplacent petit à petit l’automobile. Une nouvelle civilisation s’installe, celle de l’Internet et des télécommunications. Aujourd’hui on feint de croire qu’elle pollue peu. Ca change. La consommation des serveurs, d'une requête sur Google. Dans quinze ans, mon fils m’interpellera et sera stupéfait que ma génération ait pu considérer comme normal le fait d’avoir chacun un ordinateur, un site internet, un compte Facebook, un Iphone et tutti quanti. Et comment nous avons pu, avec nos autoroutes de l’information, défigurer la planète sous prétexte d’accéder à tous les films en téléchargement illimité et instantané. Alors, Jean Goutierre me dit qu’il ne voudrait pas que les efforts de l’industrie automobile soient annihilés par l’appétit grandissant du tout numérique. Bien sûr, il y aura des «optimistes»  qui diront que les ordinateurs propres sont pour bientôt. Tiens, peut-être que mon fils sera invité à visiter une usine de semi-conducteurs verte et qu’il publiera, sceptique, une lettre manuscrite à ses amis pour faire part de ses doutes…

Fin du billet. Et, par souci de cohérence, fin du blog !


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LES COMMENTAIRES (1)

Par Matthieu
posté le 28 mai à 23:46
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Désolé mais il y a uen erreur flagrante dans l'artcicle : Tolerie : on découpe et on modèle les plaques d’acier. Emboutissage : on soude les parties métalliques pour faire une « caisse».

En effet, Tolerie et Emboutissage sont à permuter.

Cordialement,

Matthieu Picot