Ne dites pas à ma mère que c’est la rigueur, elle croit que l’euro et sa retraite sont sauvés… Il y a des mots, des phrases, des expressions qu’il vaut mieux éviter d'écrire ou de prononcer si on tient à conserver ses géniteurs en vie, au moins jusqu’à la prochaine canicule, laquelle n’est à l’évidence pas prévue pour demain.
On appelle ça des tabous. N’importe quel enseignant-chercheur en anthropologie sociale vous le confirmera : même dans nos sociétés postindustrielles, on ne rigole pas avec les tabous sauf à prendre le risque d’être exclu de la tribu, de voir l’audience de son blog partir en fumée comme un vulgaire volcan islandais ou, pire, d’être privé de (vraie) galette-saucisse jusqu’à la fin de sa désormais pitoyable existence.
C’est pourquoi, « Restons Correct ! » a le plaisir d’annoncer aujourd’hui à ses derniers lecteurs que, contrairement au réchauffement climatique, la rigueur ce n’est pas pour demain. Pas question de désespérer les lecteurs de 20Minutes.fr ou les maisons de retraite. Il s’agit simplement d’un ajustement des mesures exceptionnelles prises pour faire face à la crise dans la perspective, imminente comme chacun peut d’ores et déjà le constater, d’une reprise fulgurante de notre sacro-sainte économie sociale et administrée.
Evidemment aussi, comme ces enfoirés de Chinois qui doivent être les derniers au monde à n’avoir pas encore vu leurs caisses se vider comme un quelconque puits de pétrole américain dans le golfe du Mexique refusent de contribuer, va falloir que tout le monde s’y mette.
Josette, Marcel, les d’jeunes, les vieux, les nouveaux pauvres et même les anciens riches : tout le monde va devoir payer, quitter l’abri douillet de sa p’tite niche fiscale, rogner un chouïa sur ses avantages acquis au prix d’homériques et anciennes luttes sociales, bref se serrer un cran de plus, mais provisoirement, la ceinture pour sauver notre grandissime modèle social et notre illustrissime Pacte Républicain.
Paraitrait même qu’on pourrait demander aux retraités de cotiser pour leurs retraites, ce qui montre que non seulement tout le monde serait mis à contribution mais qu’en plus l’imagination technocratique est bel et bien au pouvoir.
Cela rappellera aux plus fins lettrés la désolante aventure du Sapeur Camember qui, chargé par le sergent Bitur d’enterrer les déchets ménagers du colonel dans la cour de la caserne, ne sait pas quoi faire de la terre du trou qu’il a creusé à cet effet sauf, comme le segent le lui ordonne, à creuser un second trou pour y enterrer la terre du premier…
Cette crise, nous dit-on ici ou là, marquerait la défaite du politique sur les forces obscures de la finance et de l’économie mondialisées. Franchement, si c’est bien le cas, c’est plutôt une bonne nouvelle car, au rythme où le politique creuse des trous dans la cour de notre caserne nationale, restera bientôt plus de place pour y planter nos choux.