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12ème livraison

Publié le 24 octobre 2007 par Coquenart
Le souvenir de l’immense bain de sang qui avait marqué ces festivités était encore trop présent pour que je puisse me méprendre. La Saint-Barthélémy ! Je compris brusquement quel goût amer devait avoir le souvenir des fastes du Louvre pour la mémoire de mon maître. Je me tus, confus d’avoir réveillé de tristes pensées.
Nous avions suivi notre guide, tout le temps qu’avait duré cette brève conversation, et nous avions franchi la porte centrale de l’aile ouest, puis pénétré dans la salle basse des Suisses, chargés de la garde du roi. Ceux que nous avions aperçus dans la cour faisaient partie des cent hommes préposés au service d’ordre et d’apparat dans les escaliers et les cours, et c’est pour cette raison qu’on les appelait les cent-suisses. Nous gravîmes ensuite l’escalier Henri II, et nous entrâmes dans la somptueuses grande salle dont mon maître venait de me parler.
Je me souviens de l’effet que me fit cette pièce quand nous y pénétrâmes. Ses dimensions imposantes m’échappèrent tout d’abord, mas je compris vite à la foule des courtisans qui s’entassaient ici que nous devions être dans un lieu d’apparat. J’appris plus tard de la bouche de mon maître qu’en l’absence de fêtes ou de cérémonies, l’endroit servait de salle des pas perdus, nom poétique donné à l’endroit où les courtisans traînent, s’affairent, discutent, ourdissent les intrigues les plus compliquées, s’interpellent et colportent les ragots les plus récents. A cette époque, le nom de la duchesse de Beaufort, Gabrielle d’Estrées, était sur toutes les lèvres, tandis que celui de la belle Corisande sombrait dans l’oubli. Avait-elle encore la faveur du roi ? Et si oui, pour combien de temps ? Toutes ces importantes questions agitaient la foule.
A l’aspect des toilettes riches et chamarrées côtoyant celles, beaucoup plus sobres, des bourgeois, je compris vite que l’arrivée de mon maître devait passer relativement inaperçue : un homme en habit noir devait facilement se fondre dans la masse. En effet, tout un chacun pouvant pénétrer au Louvre et avoir accès au roi, nous nous trouvions plongés au milieu des gens venus pour affaire comme des simples curieux, des provinciaux en visite à Paris, comme des gazetiers à l’affût du moindre ragot.

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