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Et les palmes vont à....Koh Samui !

Publié le 11 mai 2010 par Evangeline
J'adore le cinéma. Pas de doute là-dessus, d'ailleurs un de mes tous premiers  jobs était projectionniste dans une petite salle d'Art & Essai en province. 20 heures de boulot déclarées (en fait plutôt une bonne cinquantaine non rémunérées) pour un salaire TTC de 1200 Francs par mois. (Mâches bien ta tranche de jambon hebdomadaire quand tu auras payé le loyer de ton studio de 1000 Francs). C'était la bonne époque de TUC (pas les biscuits apéro, non, les contrats "jeunes", ceux qui partaient du principe qu'en-deça de 25 ans, on a un estomac et des besoins réduits). 
Je travaillais pour une chaîne d'Art & Essai dont les dirigeants s'en foutaient plein les fouilles en faisant bosser leur "TUC" jour et nuit : on étaient "polyvalents", quand on avait fini la dernière projection vers 1h du matin, on attaquait le ménage des deux salles du ciné. On avait alors la chance de d'aller se coucher vers 2h30 du mat' quand on était pas de corvée de collage d'affiche dans la région où on pouvait facilement y passer la nuit...On peut se dire, "pas grave, on a le droit à la grasse mat' dans ce genre de boulot", ben non, la journée il y avait la distribution de la petite "gazette" du cinoche dans les boîtes aux lettres des environs, petite séance de ménage et le montage et démontage des films 2 fois par semaine.
Tout ça aurait bien pu me dégouter du cinoche à vie. Franchement, les conditions de boulot étaient loin d'y être idylliques et un de mes meilleurs amis en a fait les frais en se pendant dans ce même cinoche : il était le seul vrai salarié de la boîte, avait fait ce job toute sa vie et venait de recevoir sa lettre de licenciement. 
Un job, en province dans les années 80 n'avait pas grand-chose à envier à notre belle époque actuelle. Quand on en perdait un, surtout dans un domaine aussi largement représenté que celui-ci et pour quelqu'un comme lui qui ne savait faire que ça, on avait des perspectives d'avenir plutôt limitées,  il y avait de quoi déprimer pour de bon.
Pendant que nous autres TUC trimions pour nos salaires de misères, nos "chefs" ces magnifiques représentants de l'Art & Essai nous faisaient l'honneur d'une visite de temps à autre pour nous "encourager à retrousser nos manches dans ce secteur difficile". Ils en bavaient, eux, à Paris entre deux dîners avec Frédéric Mitterrand (à l'époque acteur majeur de l'exploitation cinématographique d'Art & Essai mais aussi gestionnnaire merdique) et toute l'intelligentsia pârisienne...
Eux, les dirigeants de cette chaîne d'Art & Essai se réclamaient haut et fort comme étant des gens de gauche (la gauche caviar, bien entendu...).
Ayant créé une association loi 1901 pour l'exploitation de leurs salles, cela leur permettait d'embaucher leurs fameux "TUC" entièrement payés par la municipalité. (Qui avait, soit dit en passant largement contribué à la restauration du fameux cinéma afin qu'une chaîne aussi "prestigieuse" puisse venir s'y installer).
Bref, ils disposaient d'une équipe de "petits jeunes" s'accrochant comme des fous à leur premier salaire et qui se dépensaient sans compter pour garder leur job. Dans nos contrats, on laissait la possibilité "à discrétion" à l'employeur de rajouter aux salaires (qu'ils ne payaient donc pas de leur poche) une petite prime de 500 Francs mensuelle...dont je n'ai jamais vu la couleur.
Bref, dans ce magma d'injustice, de droits bafoués et de rabaissement de l'être humain, j'en retire un truc bizarrement positif. (Moi qui ne suis pourtant pas une adepte du verre à moitié plein).
Il y a un truc qui m'a éclaté plus que tout, un truc que j'ai adoré et qui, 25 ans plus tard est toujours aussi clair dans mon esprit : la salle de projection.
Quand on avait finalement monté le film sur le projecteur (avec toutes ces circonvolutions un peu mystérieuses), on regardait par la petite lucarne qui donnait sur la salle, avec toutes ces têtes qui dépassaient des fauteuils et ce grand écran blanc devant, et là, un bouton pour éteindre la salle (les formes dans le noir se redressaient plus ou moins dans leur siège, trouvaient une position confortable) et hop ! on "lancait" le film.
Dans la petite cabine, on appuyait sur un petit bouton pour avoir une arrivée son et on pouvait profiter du spectacle ou vaquer à ses occupations avec pour fond sonore le bruit du projecteur et le son du film en question...et ça, c'était magique.
Il fallait rester là pendant toute la durée, des fois que le film casse et ça arrivait pas mal ! Vite démonter le film du projo, le mettre sur la table de montage, recoller le tout, remonter le film et le relancer pendant que les spectateurs s'énervaient un peu. C'est là que j'ai enfin appris ce qu'étaient ces petits repères que l'on voit encore dans des vieux films, ces petites croix blanches qui apparaissent à intervalles réguliers : l'endroit où deux bobines sont collées ensemble.
J'adorais ça, monter et démonter les films, une fois par semaine. Certains étaient tellement amochés qu'ils n'étaient qu'une suite de morceaux de scotch qui avaient toutes les chances de casser à la projection (étant salle Art & Essai on se récupérait souvent de bien vieilles copies)...ça rendait le truc marrant.
La video du jour... 
J'imagine qu'elles ont bien changé nos salles de projection à l'heure actuelle. J'en sais rien et je ne veux pas savoir, c'était juste un boulot qui avait sa petite part de magie.
Il y avait un truc marrant à faire, on pouvait enregistrer la bande son du film sur cassette (hé oui, c'est vieux !!) et je l'ai fait pour pas mal de films à l'époque (aujourd'hui on me taxerait de piratage, j'imagine). Les films, quand ils me plaisaient, je les regardais à chaque séance et ensuite, les connaissant pratiquement par coeur, je me repassais, à la maison, les bandes sons. Je n'avais pas de télé, c'était mon option ciné à la maison ! C'est sûrement pour ça que je suis incollable sur un paquet de musiques de films, j'ai appris à y faire gaffe et surtout à les apprécier à leur juste valeur. Pour certains, j'entends trois notes et je sais de quel film il s'agit...une vieille habitude !
Du coup, je suis aussi incollable sur pas mal de dialogues...
 
Accessoirement, le bon côté de ce travail, c'était de pouvoir (étant donné que nous avions les clefs) venir nous faire des petites séances privées entre potes au milieu de la nuit. Ca dégénérait parfois en méga fêtes à tout casser et c'était toujours jouissif, le lendemain de reprendre le cours normal des choses comme si rien ne s'était passé (on étaient des pros du ménage !!). Parfois, on y passait même la nuit entière, confortablement installés au premier balcon, au chaud...On ne s'est jamais fait chopper, un vrai petit miracle !
Si je repense à tout ça, c'est que le grand barnum du festival de Cannes va bientôt débuter. Cannes, je ne regarde pas, ça me gonfle ces séances d'auto-congratulations et le fric qui coule à flot.... et à 10.50 Euros la séance (hors 3D, j'ai vu que certains avaient payé près de 15 Euros pour voir Avatars !!), ça fait des années que je n'ai pas remis les pieds dans un cinéma.
Et puis pour être tout à fait honnête, au cinéma, le mec de devant qui fait 1.92m, celui d'à côté qui bouffe son pop-corns la bouche grande ouverte et les deux pétasses derrière qui commentent, c'est pas mon truc. Moi je suis très DVD (même prix qu'une séance si je sais attendre un peu), mon fauteuil maison confortable, la VO si j'ai envie avec ou sans sous-titres, la touche pause quand j'ai besoin, un bel écran large 16/9ème, mon caoua ou toute autre boisson sympa à portée de main, mon chat sur les genoux et pour le même prix un ou deux amis qui partagent la séance...c'est tout simple le bonheur !  

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