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Paso Doble n°176 : De la supériorité du modèle britannique

Publié le 13 mai 2010 par Toreador

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Par Toréador | mai 13, 2010

A los cinco de la tarde…

Le scrutin clegg

Les élections législatives britanniques viennent de montrer qu’il n’y a point de vérité absolue sur la nature d’une démocratie. En effet, du fait de ce qu’on appelle « la loi du cube* » du scrutin majoritaire à un tour, la relation entre le nombre de sièges au Parlement et le nombre de voix est très distendue. Les conservateurs disposent de 305 sièges (36,01% des voix), les travaillistes 258 sièges (29%) et les libéraux démocrates de 57 sièges (23% des voix).

Contrairement aux Français, les Britanniques ont un système de scrutin qui repose sur une injustice flagrante, puisqu’il met l’accent davantage sur la constitution d’une majorité stable au Parlement que l’exacte représentation des partis par rapport à leurs voix respectives. A la proportionnelle « pure », les conservateurs auraient eu 234 sièges, les travaillistes 189 et les libéraux-démocrates 150 sièges. Il aurait fallu exactement la même alliance que ce que David Cameron et Nick Clegg ont négocié pour réunir la majorité au Parlement.

Gordon Brown à la bataille de Cameron

Vous allez me dire : dans ce cas, la proportionnelle n’est-elle pas plus juste ? Je ne pense pas qu’elle soit plus efficace, et ce pour plusieurs raisons :

1/ Au final, Nick Clegg, qu’il ait 57 ou 150 sièges, a obtenu une influence déterminante dans le gouvernement. Les idées libérales-démocrates ont été notablement intégrées dans le pacte gouvernemental (notamment l’idée d’un référendum pour changer le système de scrutin…).

2/ Il n’y a que 3 grands partis en Grande Bretagne, mais ils sont beaucoup plus hétérogènes que chez nous. Qu’importe finalement la dénomination : c’est comme si le FN et l’UMP étaient le parti Tory ; le Front de Gauche, le PS, le PC était le Labour ; l’aile droite du PS, le Modem et le Nouveau-Centre étaient le parti libéral-démocrate. Il y a plus de députés extrémistes en Grande Bretagne qu’en France. La réduction du nombre de partis permet donc, paradoxalement, de représenter un éventail plus large d’idées que le système français qui élimine les petits partis, lesquels se retrouvent hors du Parlement.

3/ La constitution de la majorité britannique a été rapide parce que Clegg était clairement « la force d’appoint » et ne pouvait prétendre à devenir lui-même Premier ministre. A l’inverse, avec 150 ou 200 sièges, il aurait vraisemblablement imaginé pour lui-même un tel avenir, ce qui aurait finalement conduit à un Parlement ingouvernable. D’ailleurs, ce que je dis est déjà sujet à caution car il est vraisemblable que les électeurs se seraient comportés différemment s’ils avaient pensé que Clegg pouvait prendre la majorité.

Non, ce qui frappe en définitive, ce n’est pas tant le caractère très déformant du système de scrutin, mais plutôt le fait que les Partis respectent la volonté populaire. Gordon Brown n’a pas essayé de gagner au Parlement ce qu’il avait perdu dans les urnes en tentant de constituer aussitôt une majorité avec Clegg. Il a attendu que les discussions patinent pour proposer une alternative, puis s’est retiré pour que cette option aboutisse. C’est d’une élégance démocratique rare, qui démontre la supériorité évidente de nos voisins d’Outre-Manche. Il est vrai que nous ne pratiquons la démocratie que depuis un peu plus d’un siècle.

* Loi de James Parker Smith, 1909 : « Si le rapport de voix entre deux partis A et B est égal à A/B, alors, avec le scrutin majoritaire à un tour, le rapport de sièges sera égal à A3/B3″. Le rapport Voix des Conservateurs/Voix des Lib-Dem est égal à 1,56. Le rapport de sièges est de 5,4. On notera que (0,36) x (0,36) x (0,36) = 0,046 et que (0,23) x (0,23) x (0,23) = 0,012. 0,046/0,012 = 3,8. La réalité est allée au-delà de la loi du cube.
Tags: élections britanniques 2010, David Cameron, First pass the post, Gordon-Brown, Gouvernement, Labour, Lib-Dem, Loi du carré, Loi du cube, Nick Clegg, Proportionnelle, Scrutin majoritaire à deux tours, scrutin majoritaire à un tour, Tory

Sujets: Paso Doble | 2 Comments »

2 réponses “Paso Doble n°176 : De la supériorité du modèle britannique”

  1. h16 Says:
    mai 13th, 2010 at 14:22

    Billet intéressant : je ne connaissais pas la loi du cube, et tes autres réflexions sonnent juste.

  2. Toréador Says:
    mai 13th, 2010 at 14:40

    Cela fait longtemps que je n’aime pas la proportionnelle !

Commentaires


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