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"In treatment"

Publié le 13 mai 2010 par Coline

Petite pause parmi les jeux et la téléréalité pour parler cette fois-ci d'un genre télévisuel que j'affectionne : les séries. Celle qui occupe en ce moment pas mal de mon temps, c'est In treatment (En analyse, dans sa traduction française). Petite révolution dans le paysage des séries américaines au moment de sa sortie début 2008, In treatment ne se contente pas seulement d'innover par son thème (la psychanalyse), mais aussi par sa forme.
In treatment : vous n'avez pas les moyens de vous payer une psychanalyse ?

Une petite révolution formelle
Chaque épisode dure environ 25 minutes et consiste en une séance d'analyse par le psychothérapeute Paul Weston avec un de ses patients, dont on suivra l'évolution tout au long de la saison. La première saison (que je suis en train de terminer) est basée sur un cycle de cinq séances (4 patients, puis la propre séance du psychothérapeute) qui se répète et s'enchaîne comme les semaines se suivent.
En premier lieu, on ne peut que souligner la performance des acteurs, souvent excellents et particulièrement émouvants, dans des rôles et des dialogues d'une grande subtilité. On notera bien sûr le génial Gabriel Byrne (Usual Suspects) dans le rôle du psy, Dianne Wiest, assez fascinante en psychothérapeute retraitée, mélange de douceur maternelle et de dureté, également tutrice de Paul Weston, ainsi que Mia Wasikowska, bien plus saisissante ici que dans le récent (et fade) Alice aux pays des merveilles de Tim Burton.
Mais là où la série innove véritablement, c'est dans sa forme : le rythme est lent, quasiment sans ellipses, respectant en quelque sorte la durée réelle d'une séance (plus exactement divisée par deux), la caméra est plutôt statique, captant les regards et les ruptures avec beaucoup de finesse, la musique ne se fait entendre que pour clore les épisodes, et les silences sont courants et essentiels, le nombre de lieux est très limité (le cabinet de Paul, celui de Gina et quelques autres autour de la maison), et la plupart sont refermés sur eux-mêmes, à la limite du huis-clos... On peut d'ailleurs noter ici le rôle de la fenêtre du cabinet de Paul, ainsi que l'importance donnée à la météo, permettant justement d'éviter l'étouffement. Quoi qu'il en soit, on est à l'opposé de la plupart des séries américaines actuelles.
Et il faut le reconnaître : le résultat est absolument passionnant, virtuose et aussi addictif que n'importe quelle série construite sur un suspense sans cesse renouvelé.
Si l'on s'attache différemment aux personnages, certains nous touchant plus que d'autres, toutes les histoires gardent de l'intérêt en ce qu'elles se recoupent et sont de toute façon démêlées communément par Paul Weston, au cours de sa propre séance avec le Dr Gina Toll (Diane Wiest).
L'évolution des patients est intelligemment pensée parce qu'elle n'est à aucun moment pressée : lente et irrégulière, elle semble obéir aux propres règles de chacun des patients et non à une cohérence scénaristique qui se centrerait autour du rythme ou du personnage principal. L'histoire familiale et le couple de Paul Weston, sa femme et ses enfants sont d'abord complètement ignorés avant d'être eux aussi très progressivement intégrés à la narration (la première véritable conversation avec ses enfants n'arrive par exemple pas avant le 30e épisode), et de venir enrichir le propos, en même temps que Paul s'ouvre par bribes à l'un ou l'autre de ses patients.

In treatment : vous n'avez pas les moyens de vous payer une psychanalyse ?

Cinq leçons sur la psychanalyse
Mais à cette brillante construction fictionnelle s'ajoute une autre dimension plus théorique : l'introduction à la psychanalyse. La plupart d'entre nous, moi y compris, sommes remplis de préjugés à l'égard de la psychanalyse, animés par la peur de l'inconnu (que se passe-t-il véritablement dans le cabinet d'un psy ?) et de son effet (faire ressortir des douleurs refoulées ne va-t-il pas me rendre encore plus malheureux ?). Mais ici (et c'est selon moi, peut-être la plus grande force de cette série), chacun de ces préjugés, chacune des critiques que l'on peut imputer à la psychanalyse, chaque peur est manifestée et formulée à un moment ou un autre par l'un des personnages. Et sans cesse, les personnages semblent se remettre en question sur leurs a priori, autant que Paul semble douter, interroger sa méthode et sa légitimité, sans certitudes mais avec une véritable tension entre qui il est réellement et son rôle professionnel.
De même, l'éventail de personnages étant tellement bien pensé qu'ils nous fournissent une sorte de palette magnifique des névroses humaines et des schémas psychanalytiques de base (transfert sexuel, accusation du psy, refoulement, complexe d'oedipe...) dans laquelle on finit forcément par se retrouver à un moment ou à un autre. Et en questionnant leur inconscient, les personnages nous questionnent également.
Là où la série prend véritablement la forme d'un cours ou tout une moins d'une réflexion sur la psychanalyse, c'est lorsque Paul se retrouve face à Gina, et que leur discussion prend la forme de débats sur les méthodes utilisées, les buts recherchés, confrontant leur vision de la psychanalyse, mettant Paul dans un double questionnement : celui du patient qui tout à coup reproche à Gina ce dont ses patients l'accusent lui-même, et celui du psychothérapeute incapable de laisser à quelqu'un aux méthodes et aux théories différentes des siennes le soin de sa propre analyse.
La série a une sorte de double effet sur moi : d'une part, elle m'initie véritablement à la psychanalyse, non pas comme un divan mystifié mais comme l'enchaînement d'une réflexion, d'un certain nombre de méthodes de questionnement et de réflexion (à tel point que bien souvent, j'essaie d'anticiper la question suivante de Paul Weston) ; d'autre part, il est évident que l'attachement aux personnages et l'universalité des questionnements (les situations étant différentes, les questionnements peuvent se recouper pourtant) aidant, on ne peut rester indemne devant cette série.
On peut la rejeter pour sa forme ou son fond, la voir comme un objet étranger et distant auquel on ne prend pas part, ou la faire sienne, laisser une part de notre intimité s'y révéler et des questionnements nouveaux se propager en nous, un peu comme si nous entamions une psychanalyse par procuration. Il s'agit tout bonnement pour le spectateur, comme pour chacun des personnages de la série, d'accepter ou de refuser la thérapie.

In treatment : vous n'avez pas les moyens de vous payer une psychanalyse ?

In treatment, USA
Créé par Hagai Levi
Produit par Mark Wahlberg
Initialement diffusé sur HBO
2 saisons, 78 épisodes
Saison 2 actuellement
diffusée sur Orange Cinemax
du lundi au vendredi à 8h30,rediffusion des cinq épisodes
de la semaine le dimanche à 16h.
A noter : la version américaine est très largement inspirée de la série israélienne à succès de Hagai Levi, Betipul.


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LES COMMENTAIRES (1)

Par  Directactu
posté le 14 mai à 16:41
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j'adore cette série, ça fait deux ans que je la suis, c'est mon analyste et formateur qui me l'avait conseillée

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