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On devient des anciens en prenant de l’âge… Tous, mais pas partout pareil. En France, nous préférons nous dire des aînés discrets, alors qu’en Afrique, les vieux seraient des sages aux avis écoutés.
Des hommes et des femmes du Sahel séjournent chaque printemps chez des paysans en Pays de la Loire. Paysans eux aussi, ils observent et comparent. Pas seulement les productions, aussi les modes de vie. Avec eux, j’ai eu le plaisir d’en discuter. Entre autres, des maisons de retraite... Ils n’admettent pas qu’en France les vieux parents ne résident pas chez leurs enfants. Chez eux, au Burkina, les jeunes générations se disent heureuses et honorées d’avoir à la maison leurs anciens. Ils en sont la mémoire et la sagesse : « Un vieux qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle»
Pourquoi ces différences ? A nos amis Africains, je dis que chez nous les maisons de retraite n’existent que depuis quelques décennies. Dans ma jeunesse des années 50, on parlait encore d’hospices (rares) accueillant des personnes seules et sans ressources. Nulle famille ayant quelques moyens n’aurait voulu y voir ses vieux parents.
Quand même ceux-passaient généralement leurs jours chez des enfants vivant et travaillant à la campagne. Les paysans étaient alors encore nombreux…Je n’ai pas souvenir d’en avoir vus chez ceux partis travailler en ville. Ca se comprend. Pour pépé et mémé le dépaysement aurait été difficile dans un logement citadin guère adapté. Tandis que dans les maisons de ferme, pas très confortables certes, se trouvait assez d’espace pour accueillir tout le monde. Y vivaient parfois des familles très élargies avec grands-parents, voire oncles et tantes restés célibataires, autour d’un ou même plusieurs ménages agriculteurs et leurs enfants. Ceux-ci étaient élevés par un peu tout le monde, souvent les grands-parents. Tout le monde contribuait au travail selon ses possibilités et on trouvait encore le moyen d’accueillir pendant les vacances petits et grands citadins de la parenté.
N’idéalisons pas. Tout n’allait pas pour le mieux avec nombre d’occasions de conflits. La décohabitation – mot à la mode dans les années 1970 - était fort souhaitée par les jeunes paysannes. Alors les maisons de ferme ont copié celles des villes, confortables mais faites pour accueillir papa, maman et leurs enfants.
Les générations se sont séparées. Tant que les plus âgés ont la santé suffisante pour vivre chez eux, ça va mais l’entrée en maison de retraite est souvent un drame. De plus en plus accueillantes, elles sont pourtant « poubelles à vieux » pour certains résidants.
Dans nos quartiers, on voudrait « vivre et vieillir » au mieux dans une inter- génération harmonieuse. Comment concevoir des lieux mêlant au bénéfice de tous plus ou moins jeunes et plus ou moins vieux ? Pour l’instant, on cherche.
Ce que j’ai vu trop brièvement en Afrique montre que dans la campagne sahélienne, les familles élargies existent encore. Tous leurs membres s’y trouvent –ils à l’aise? Et qu’en est-il en ville ? J’aimerais que ceux qui connaissent ou ont connu ces situations disent comment ils les vivent ou les ont vécues.
Jean-Marie Charrier, journaliste , Vendée , France