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Rapport du CAT sur la France: le rapport sur la France rendu public (Observations générales, CAT, 44ème session)

Publié le 15 mai 2010 par Combatsdh

Une version “avancée et non éditée” des observations finales du Comité contre la torture (CAT) des nations unies sur la France a été mise en ligne sur le site du Haut commissaire aux droits de l’homme des nations unies et fait l’objet de communiqués des ONG sur leur site (RAIDH, OIP).

Il s’agit du rapport périodique de la France examiné par le CAT, au titre de sa mise en oeuvre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (article 19), à l’occasion de sa 44ème session les 27-29 avril 2010 à Genève (voir CPDH 25 avril 2010).

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On notera en particulier les préconisations s’agissant de la définition et la pénalisation de la torture - et de rendre cette incrimination imprescriptible - ainsi que les recommandations spécifiques sur les étrangers et les demandeurs d’asile - qui devraient satisfaire l’ACAT, Amnesty international, l’Anafé, etc.

Définition de la torture
13. Tout en reconnaissant le fait que la législation pénale de l’État partie incrimine les actes de torture ainsi que les actes de barbarie et de violence, et prenant acte des éléments jurisprudentiels relatifs à l‘incrimination des actes de torture qui ont été portés à son attention, le Comité demeure préoccupé par l’absence d’intégration, dans le Code pénal français, d’une définition de la torture qui soit strictement conforme à l’article premier de la Convention. (Article 1er)
Le Comité réitère sa recommandation précédente (CAT/C/FRA/CO/3, para. 5) demandant à l’État partie à intégrer dans sa législation pénale une définition de la torture qui soit strictement conforme à l’article premier de la Convention. Une telle définition répondrait d’une part à l’impératif de clarté et de prévisibilité en droit pénal, et à la nécessité, sous la Convention, de distinguer les actes de torture commis par un agent de la fonction publique, ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite, des actes de violence au sens large, commis par des acteurs non étatiques. Le Comité réitère en outre sa recommandation d’ériger la torture en infraction imprescriptible.

Non-refoulement
14. Tout en prenant acte des informations fournies au Comité par l’Etat partie, selon lesquelles ces chiffres seraient en baisse par rapport à l’année 2008, le Comité reste préoccupé du fait que 22% des demandes d’asile présentées en 2009 auraient été traitées sous la procédure dite prioritaire, qui n’offre pas de recours suspensif contre un refus initial de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Le demandeur peut donc être renvoyé vers un pays au sein duquel il risque la torture, et ce avant que la Cour nationale du droit d’asile ait pu entendre sa demande de protection. En l’absence de données chiffrées relatives aux requêtes introduites contre une mesure d’éloignement pour cause de risque de torture, ainsi qu’au nombre d’annulations de mesures d’éloignement prononcées par le juge administratif sur la base de l’article 3, le Comité n’est pas convaincu que la procédure prioritaire offre des garanties suffisantes contre un éloignement emportant un risque de torture. (Article 3)
Le Comité recommande que l’État partie instaure un recours suspensif pour les demandes d’asile placées en procédure prioritaire. Il recommande également que les situations couvertes par l’article 3 de la Convention fassent l’objet d’un examen des risques approfondi, notamment en assurant une formation adéquate des juges aux risques de torture dans les pays de renvoi et en procédant de manière systématique à des entretiens individuels à même d’évaluer le risque personnel encouru par les demandeurs.
15. Tout en notant avec satisfaction que, suite à l’entrée en vigueur de la loi du 20 novembre 2007, les demandeurs d’asile se trouvant à la frontière disposent désormais d’un recours suspensif contre le refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile, le Comité est préoccupé du fait que le délai imparti pour présenter une telle demande est très court (48 heures), que la langue dans laquelle il doit être présenté est obligatoirement le français, et du fait que le juge administratif ait la possibilité de rejeter le recours par voie d’ordonnance, privant ainsi le demandeur de la tenue d’une audience au cours de laquelle il puisse défendre son recours, ainsi que des garanties procédurales telles le droit à un interprète et à un avocat. (Article 3)
Le Comité recommande que les recours qui peuvent être engagés suite à une demande d’asile présentée à la frontière fassent l’objet d’une audience permettant au demandeur sujet à un éloignement de faire une présentation effective de son recours, et que celui-ci soit assorti de toutes les garanties procédurales essentielles, notamment le droit à un interprète et à un conseil.
16. Le Comité est par ailleurs préoccupé par les difficultés spécifiques rencontrées par les demandeurs d’asile se trouvant au sein d’un lieu privatif de liberté comme un centre de rétention, qui doivent présenter leur demande dans un délai de cinq jours à compter de la notification de ce droit, en vertu du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Un tel délai n’est pas compatible avec la nécessité imposée aux demandeurs de présenter un dossier crédible établissant un risque en cas de retour, ce qui implique, entre autre, la collecte d’éléments probants, de témoignages ou autres pièces dans leur pays d’origine. (Article 3)
A l’instar du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) suite à sa visite en France, effectuée du 27 septembre au 9 octobre 2006, le Comité recommande à l’État partie d’accorder un délai adéquat, ainsi que toutes les garanties procédurales essentielles à toute personne retenue en Centre de rétention administrative, et souhaitant déposer une demande d’asile, tout en veillant à ne pas indument prolonger la durée de sa rétention.
17. Depuis ses dernières observations et recommandations, le Comité demeure préoccupé par les dispositions de la loi du 10 décembre 2003 introduisant des notions d’ « asile interne » et de « pays d’origine sûrs », qui ne garantissent pas une protection absolue contre le risque de renvoi d’une personne vers un État où elle risquerait d’être soumise à la torture. Ceci est corroboré par l’absence d’information précise quant aux sources documentaires retenues pour l’établissement d’une liste de pays d’origine « sûrs », et aux échéances de révision d’une telle liste. Par ailleurs, il est intéressant d’observer que selon l’OFPRA, le taux de reconnaissance de la qualité de réfugié, ou l’octroi de la protection subsidiaire pour des personnes originaires de dits « pays d’origine sûrs » avoisinait les 35% en 2008. (Article 3)
Le Comité réitère sa recommandation, à l’effet que l’État partie prenne les mesures idoines pour s’assurer que les demandes d’asile de personnes provenant d’États auxquels s’appliquent les notions d’ « asile interne » ou de « pays d’origine sûrs » soient examinées en tenant compte de la situation personnelle du demandeur et en pleine conformité avec les dispositions de l’article 3 de la Convention.

Zones d’attente
25. Tout en prenant acte des efforts entrepris par l’Etat partie pour améliorer la situation des zones d’attentes, notamment aéroportuaires, notamment à travers la création d’un groupe de travail ministériel sur la question des mineurs dans ces zone d’attente, le Comité demeure néanmoins vivement préoccupé par l’annonce, via le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité du 31 mars 2010 de l’extension des zones d’attente à toutes les frontières de l’Etat partie lorsque des étrangers arriveront à la frontière en dehors d’un point de passage frontalier, assujettissant par conséquent ces personnes en attente à un régime dépourvu des garanties procédurales applicables hors de ces zones, notamment en ce qui concerne le droit de voir un médecin, de communiquer avec un conseil, et d’être assisté d’un interprète. (Articles 11 et 16)
Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les conditions de vie en zone d’attente soient conformes aux exigences des articles 11 et 16 de la Convention, en veillant particulièrement à épargner les mineurs d’actes de violence, en assurant la séparation stricte des mineurs des adultes, et en veillant scrupuleusement à ce que chaque mineur bénéficie obligatoirement de l’assistance d’un administrateur ad-hoc, et que toute procédure de renvoi garantisse la sécurité des mineurs, en tenant compte de leur vulnérabilité et du respect dû à leur personne. Par ailleurs, l’Etat partie est encouragé à ne pas étendre les zones d’attente actuelles, et d’être particulièrement attentif à la mise en oeuvre et au suivi des recommandations du CGLPL suite à ses visites des zones d’attente existantes.

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  • A noter aussi les recommandations sur la disparition de la CNDS et la création du Défenseur des droits

Droit de porter plainte
33. Le Comité demeure préoccupé quant au mode de saisine de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), qui ne peut être saisie directement par une personne ayant fait l’objet de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants, mais uniquement par l’entremise d’un parlementaire, du Premier ministre ou du Défenseur des enfants. (Article 13)
Le Comité recommande que l’État partie prenne les mesures nécessaires permettant la saisine directe de la CNDS par toute personne qui prétend avoir été soumise à la torture ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant sur tout territoire sous sa juridiction, conformément aux dispositions de l’article 13 de la Convention.
34. Le Comité est soucieux des conséquences de la création, par la réforme constitutionnelle de 2008, d’un “Défenseur des droits”, dont le projet de loi organique prévoit que celui-ci intègrerait les missions du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Il semble également envisagé qu’à terme, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) puisse également être amené à disparaitre, puisqu’il pourrait lui aussi être intégré à la nouvelle institution. (Article 13)
Le Comité invite l’Etat partie à prendre les mesures nécessaires visant à assurer le fonctionnement effectif et non-interrompu, d’une part, du mécanisme de contrôle institué sous le Protocole facultatif à la Convention (CGLPL), ainsi que celui des autres instances indépendantes complémentaires qui, outre leur rôle de médiation, assurent une fonction essentielle de contrôle du respect des droits, et veillent ainsi au respect de l’application de la Convention, avec chacune une expertise particulière.

Dès qu’elles s’en sont rendus compte, les ONG françaises ont immédiatement réagi en publiant des communiqués se félicitant de ce rapport très critique à l’encontre de la France.

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m_r1_c1.1273867898.gifTASER : LA FRANCE FLINGUEE PAR LE COMITE CONTRE LA TORTURE DES NATIONS UNIES

Paris, le 10 mai 2010

Le Comité contre la torture des Nations Unies, un organe composé d’experts indépendants qui surveille l’application de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants par les États, vient de rendre publiques ce jour ses observations finales vis-à-vis du Gouvernement français.

Dans ses conclusions, le Comité contre la torture des Nations Unies se dit « particulièrement préoccupé par l’annonce faite par l’Etat partie de sa volonté d’expérimenter l’usage du Pistolet à impulsion électrique  (« PiE », parfois appelé « Taser ») au sein des lieux de détention ».

Rappelant l’arrêt du 22 septembre 2009 du Conseil d’Etat saisi par RAIDH qui avait interdit l’usage du Taser par la police municipale, « le Comité relève en outre un manque d’information précise quant aux modalités précises de son utilisation, sur le statut des personnes l’ayant déjà utilisée, ainsi que sur les précautions spécifiques, telles la formation et l’encadrement du personnel concerné ».

Le Comité contre la torture réitère ainsi « sa préoccupation, selon laquelle il s’inquiète de ce que l’usage de ces armes peut provoquer une douleur aigüe, constituant une forme de torture, et que dans certains cas, il peut même causer la mort ».

Apprenant dans le cadre des échanges entre la France et le Comité contre la torture qu’un nouveau dispositif réglementaire est actuellement en cours de rédaction afin d’autoriser de nouveau les policiers municipaux à être dotés de Taser en dépit des décisions et observations des deux plus hautes instances administrative française et onusienne, RAIDH réitère sa volonté de voir limiter l’usage de cette arme aux seules unités d’élite de la police et de la gendarmerie. RAIDH s’interroge sur l’acharnement du Gouvernement français à vouloir manifestement violer les recommandations du Comité contre la torture.

RAIDH, le Réseau d’Alerte et d’Intervention pour les Droits de l’Homme, actuellement poursuivi par l’entreprise SMP Technologies Taser France pour « dénigrement de l’image et la marque Taser » et « dépassement des limites de la liberté d’expression »*, pour avoir exprimé des propos similaires se sent conforté dans son analyse. RAIDH passera en procès le 2 juin prochain devant  la Cour d’appel de Paris. 

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L’ONU condamne sans appel les orientations de la politique pénitentiaire française

Le Comité contre la torture des Nations-Unies vient de rendre ses observations finales. La sévérité de appréciations formulées sur la situation carcérale française marque un désaveu cinglant de la politique pénitentiaire mise en oeuvre depuis le dernier examen (2005) et consacrée par la loi du 24 novembre 2009. Les autorités françaises avaient déclaré que leur politique serait « exemplaire » en matière de droits de l’homme. Ils leur appartient de se conformer sans délais aux engagements internationaux de la France, en s’abstenant notamment de mettre en oeuvre les dispositions de la la loi pénitentiaire qui apparaissent contraires au droit international. L’OIP demande en conséquence que le processus d’élaboration des décrets d’application de la loi, actuellement en cours d’examen par le Conseil d’Etat, soit interrompu pour prendre pleinement en compte les observations du Comité contre la torture.

Voici les principales observations concernant le champ carcéral :

1) En premier lieu, le Comité contre la torture demande au gouvernement de « considérer l’abrogation » de la rétention de sûreté, qui permet l’enfermement illimité des condamnés à de lourdes peines à l’issue de l’exécution de celles-ci. « Outre la remise en cause flagrante du principe de légalité pénale » la mesure  est également « de nature à soulever des questions » au titre de l’interdiction des traitements cruels, inhumains ou dégradants, considère le Comité (§29). Plus globalement, ce dernier invite notre pays « à entreprendre une réflexion importante sur les effets de sa politique pénale récente sur la surpopulation carcérale », notant que le « recours accru à la détention » est le « corollaire direct » des « nombreuses lois pénales récentes, visant un durcissement des peines et une diminution de la récidive ». Il enjoint à la France « d’envisager un recours plus important à la substitution de peines non-privatives de liberté aux peines d’emprisonnement encourues en l’état actuel » (§24).

2) Le Comité remet fondamentalement en cause le choix du gouvernement d’instaurer des régimes de détention différenciés, relavant notamment que le système entériné par la loi pénitentiaire « emporte nécessairement des conséquences pouvant relever de l’arbitraire dans les conditions d’exécution de la peine. Il est ainsi possible d’imaginer qu’un traitement punitif disciplinaire, ou des privations d’accès à certains droits en détention, pourraient, par leur répétition, leur absence de justification, et/ou la façon arbitraire dont ils sont dispensés constituer des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » (§27). Ce faisant, le Comité rejoint les diverses instances nationales et internationales qui ont d’ores-et-déjà eu à connaître de ce système, qui constitue l’axe centrale de la réforme des prisons engagée par l’administration pénitentiaire. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, la Commission nationale consultative des droits de l’homme et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ont déjà dénoncé l’arbitraire ménagé au profit des services pénitentiaires par ce système et ses effets ségrégatifs.

3) La France est à nouveau fermement blâmée à raison du régime des fouilles corporelles intégrales des personnes détenues. Le Comité demande la mise en place de mesures de détection par équipement électronique « de façon à supprimer totalement la pratique des fouilles corporelles ». Dans l’immédiat, il demande « un strict contrôle de l’application du régime des fouilles corporelles, a fortiori les fouilles intégrales et internes, en veillant à ce que seules les méthodes les moins intrusives, et les plus respectueuses de l’intégrité physique des personnes soient appliquées » (§28).

4) S’agissant de l’introduction des pistolets à impulsion électrique en détention (appelés Taser), le Comité met le gouvernement en garde sur le fait que l’utilisation d’un tel matériel pourrait caractériser une « torture » et relève en outre « un manque d’information précise quant aux modalités précises de son utilisation » (§30).

5) Le Comité se déclare vivement préoccupé par « le nombre de décès par suicide en milieu carcéral » et par le fait que « plus de 15% des personnes détenues qui ont mis fin à leurs jours en 2009 subissaient une sanction en quartier disciplinaire ». Il demande en outre que l’isolement demeure une mesure exceptionnelle et limitée dans le temps, en accord avec les normes internationales (§26). 

6) Le Comité  demeure particulièrement préoccupé face à la persistance d’allégations qu’il a reçues au sujet de cas de « mauvais traitements qui auraient été infligés par des agents » à des détenus et à d’autres personnes entre leurs mains. Il demande que « chaque allégation de mauvais traitements imputable à des agents de l’ordre fasse promptement l’objet d’une enquête transparente et indépendante » (§§21/31/32). Il demande en outre des information sur les suites concrètes données aux travaux du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL).

7) A cet égard, le Comité a aussi exprimé ses craintes sur les conséquences de la création d’un “Défenseur des droits” et notamment sur la perspective que puissent disparaître les autres instances de protection des droits de l’homme en intégrant cette nouvelle institution. Il invite la France d’ assurer le fonctionnement effectif et non-interrompu du Contrôleur général, mais aussi des autres instances indépendantes complémentaires (Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité) « qui, outre leur rôle de médiation, assurent une fonction essentielle de contrôle du respect des droits, et veillent ainsi au respect de l’application de la Convention, avec chacune une expertise particulière » (§34).

Sources :

Comité contre la torture

Observations finales du Comité contre la torture  

Réponses de la France


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