Le gérant d'une société exploitant un hôtel-restaurant a fait l'objet d'une vérification de comptabilité par l'administration fiscale qui a mis en lumière différentes irrégularités, d'où le déclenchement de procédures de redressement au titre de la TVA et de l'impôt sur les sociétés. Cependant, alors même que ces redressements furent finalement annulés par les juridictions administratives - du fait notamment d'un rapport d'expert indépendant relevant qu'il n'y avait pas " de graves irrégularités dans la tenue de cette comptabilité " mais seulement des " zones floues et obscures " -, la procédure pénale initiée par le directeur des services fiscaux compétent pour diverses infractions afférentes aux irrégularités comptables se solda par une condamnation à quatre mois d'emprisonnement avec sursis.
La Cour européenne des droits de l'homme rejette l'allégation de violation du droit à un procès équitable (Art. 6) en confirmant que la dualité de procédure juridictionnelle - administrative et judiciaire - ne se heurte pas, par principe et en ce domaine, aux exigences conventionnelles (v. Cour EDH, 3 e Sect. Dec. 11 janvier 2000, André Le Meignen c. France, Req. n° 41544/98). En effet, il est d'abord souligné que " rien n'empêchait le requérant, représenté par un avocat aux Conseils, de produire le rapport [de l'expert] devant la Cour de cassation, qui n'a rendu son arrêt que le 6 octobre 2004, soit près de trois mois plus tard " (§ 61 - il semble d'ailleurs que la Cour ait effectivement " eu connaissance de ce rapport ").
Plus encore, le " principe de l'égalité des armes " devant les juridictions pénales (§ 62) a été respecté car le requérant a eu la possibilité de " discuter contradictoirement les accusations portées contre lui devant deux degrés de juridiction, sous le contrôle ultime de la Cour de cassation " (§ 69) et le juge pénal ne s'est pas fondé " uniquement sur les conclusions du rapport de vérification de l'administration fiscale " pour prononcer la condamnation (§ 65-67). Enfin, la juridiction strasbourgeoise constate que " la procédure administrative et la procédure pénale sont indépendantes et ont des objets et finalités différents " puisque " le juge administratif est le juge de l'impôt, [... et] le juge pénal est le juge de la fraude " (§ 71).
Dans le prolongement de cette appréciation, non inédite dans la jurisprudence européenne (§ 72), il est constaté que le juge administratif avait à répondre à une " question différente de celle posée au juge pénal " (§ 73) et que ce dernier a suffisamment justifié sa décision de condamnation, " rien ne permet[tant] d'affirmer qu'[il] serait arrivé[...] à une conclusion différente " s'il avait été en possession du rapport d'expert (§ 74).
Dès lors, " le seul fait que la juridiction pénale a[it] statué sans connaître les conclusions de l'expert n'a pas placé ce dernier dans une situation de net désavantage " (§ 74), d'où l'absence de violation de l'article 6 par la France (§ 75).
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Actualités droits-libertés du 11 mai 2010 par Nicolas Hervieu