Le musée Despiau & Wlérick de Mont-de-Marsan est le seul musée de France consacré exclusivement à la sculpture figurative. Il décline jusqu'au 30 mai une exposition "au fil de l'eau", dans et au-delà de ses murs et de son magnifique parc, jusques dans des recoins originaux de cette ville bâtie sur trois rivières qui possède également de beaux lavoirs, de vivantes fontaines. L'entrée du musée est gratuite, on peut donc, en partant du magnifique donjon Lacataye, musarder quelques heures dans les rues, sur les ponts, dans des bâtiments publics comme par exemple au Conseil Général.
Voyage attachant, émouvant, vivant car l'eau est avant tout symbole de vie et de présence humaine. Voyage multiple. J'ai flâné dans le parc, de statue en statue en compagnie d'enfants d'une petite-moyenne section de maternelle, l'un d'eux disait que "c'était chouette" une statue posée au milieu de l'eau car "on la voit voit mieux dans le reflet", un autre devant Zadkine zozotait en disant qu'Ossip "montrait un "semin" dans le ciel avec un... espèce... de doigt", beaucoup, appliqués, dessinaient des croquis sur des carnets, les yeux perdus, plongés au plus profond de la patine du bronze pour bien la reproduire , merveilleux enfants-artistes...
J'aime profondément Charles Despiau et son frère d'âme Robert Wlérick, tous deux montois, amis, aux caractères sensiblement identiques. Ils ont laissé en douceur la force à Rodin, la sensualité à Maillol, pour porter la finesse, l'expression de l'âme, la vie intérieure, dans le coeur de la glaise. Ce sont des taciturnes, des indépendants farouches, ils feront pourtant partie de l'extraordinaire "bande à Schnegg", mais je parlerai peut-être un jour de cette équipe d'artistes-copains qui compta les frères Schnegg, Bourdelle, Jane Poupelet, François Pompon, etc. dans le Paris des années vingt.
Despiau me touche particulièrement, il refuse d'avoir des élèves mais il accueille avec un coeur immense ceux qui viennent près de lui. Prodigue par-ci, par-là conseil, encouragement. L'art, son art, est par essence même dur et obscur, la peine et le travail sont immenses pour arriver à l'oeuvre sculptée. Il dit, dans la pleine possession de son art, qu'il n'est pas un "maître", que chacun est son propre maître. Son oeuvre tombe dans un oubli total à sa mort en 1946 pour revenir pleine lumière un quart de siècle plus tard. Wlérick meurt de privations en 1944, il a fait siens très tôt les mots de son ami Pompon, s'y tiendra : "Quand vous avez un succès, enfermez-vous dans votre atelier et travaillez !"
Il faut aller à Mont-de-Marsan avant la fin du mois !