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Hugo Chavez: la paradoxale défaite des néoconservateurs

Publié le 05 décembre 2007 par Willy

Des opposants à Chavez fêtent la victoire à Caracas dimanche soir (Jose Gomez/Reuters)

Dans quel camp est la déception après la victoire du non à la réforme constitutionnelle préconisée par Hugo Chavez? Avec près de 51% des voix et 4,5 millions de voix, l’opposition vénézuelienne profite à la fois de la démobilisation des Chavistes qui étaient sur le pont depuis neuf ans et d’une stratégie légaliste impulsée par Teodoro Pettkoff, ancien ministre du gouvernement de droite de Rafaël Caldera.

A l’extérieur du pays, un certain nombre de détracteurs du président Chavez doivent pourtant être embarrassés. Leur schéma de pensée les avait incités à présenter ce référendum comme "joué d’avance" et comme une étape dans la "dérive totalitaire" du "dictateur populiste". A-t-on déjà vu un dictateur perdre une élection à 300000 voix? A ce compte, beaucoup de pays aimeraient avoir un dictateur comme Hugo Chavez!

Pas de nouvelle étape dans la Révolution bolivarienne

Les raisons de la défaite de la gauche vénézuélienne sont multiples. D’abord, les Vénézuéliens sont très satisfaits de la Constitution de 1999. Il est rare de parcourir un pays dans lequel les plus humbles peuvent citer les articles de leur Constitution et les invoquer face aux autorités locales pour faire respecter le droit social, environnemental ou les libertés individuelles.

La Constitution "bolivarienne" de 1999 avait été abrogée par Pedro Carmona lors de son éphémère coup d’Etat d’avril 2002. L’opposition d’alors vouait aux gémonies ce texte constitutionnel, censé donner le pouvoir aux "singes", c'est-à-dire aux noirs et aux pauvres (qui sont souvent curieusement les mêmes).

Le pays est d’ailleurs plutôt satisfait de son sort: 42% des Vénézuéliens pensent que la situation présente est meilleure qu’il y a deux ans, 23% pensent qu’elle est identique et 31% pensent que la situation s’est détériorée. Dans ce contexte, il était audacieux de la part d’Hugo Chavez de vouloir proposer d’aller plus loin…

D’autant que la première préoccupation des citoyens vénézuéliens est, pour 51% d’entre eux, l’insécurité, endémique il est vrai. La réforme de la police (divisée depuis le gouvernement Carlos Andrés Pérez en plus de 110 polices locales) devrait, théoriquement, permettre d’y remédier mais, en attendant d’éventuels progrès, les citoyens ont appliqué un principe de précaution: pas de nouvelle étape dans la Révolution bolivarienne sans avoir réglé les problèmes concrets des citoyens…

Les modérés sortent de leur réserve

Près de 58% sont néanmoins satisfaits de l’état du pays, on pourrait donc se demander pourquoi le non l’a emporté… Un indice permet de saisir ce qui s’est passé ce dimanche 2 décembre au Venezuela: le taux de "modérés" dans la société a bondi de 6 points en un an quand celui des "chavistes" et des "anti-chavistes" a décru sensiblement.

La position du Général Baduel, longtemps proche de Chavez, défenseur de la Constitution de 1999 mais hostile à l’actuelle révision, a encouragé ces "modérés" à rester chez eux. Dans le même temps, les chavistes, mobilisés en permanence et un peu las, se sont moins rendus aux urnes pour une élection qui leur semblait acquise… L’opposition s’est, quant à elle, puissamment mobilisée.

On peut voir le processus social au Vénézuela comme un lent processus de pacification des relations internes après des siècles d’économie coloniale et de domination d’une caste blanche. Voilà au moins une "révolution" qui ne fait pas couler le sang… De quoi faire peur à plus d’un!

Savonarole déconfit

Qui est perdant en effet? Hugo Chavez a perdu le référendum, c’est indéniable et, au fond, ce n’est pas grave pour lui ni pour son pays. Mais ses détracteurs du Nord sont eux-mêmes embarrassés. Une gauche radicale de gouvernement au pouvoir, ce n’est pas forcément la dictature! Cette démonstration électorale gêne ceux qui professent une inébranlable foi dans une vision néoconservatrice du monde.

Les "néocons" ont en effet des airs de Savonarole déconfit. Pour eux, il ne peut y avoir de soutien critique à Chavez puisque, par amalgames, ils n’hésitent pas à le comparer à Ahmadinejad (au motif que des accords industriels ont été signés entre l’Iran et le Vénézuela), expliquant ainsi que Chavez est antisémite (donc nazi). Ce faisant, quelqu’un qui manifeste son soutien à la Gauche vénézuelienne ou qui critique l’hyper-puissance américaine devient un nazi qui s’assume plus ou moins…

Cette vision manichéenne du monde, professée par d’anciens gauchistes passés à droite (André Glucksmann en France notamment) dont la violence verbale laisse pantois, doit faire place à l’analyse et à la critique. Analyse de l’évolution de l’Amérique latine, cet "extrême-Occident" qui vit joyeusement et crânement sa nouvelle insoumission au Nord. Critique du rapport malsain et de l’inconscient colonial que nous entretenons toujours ici, en Europe, avec le Sud… Le temps des colonies est fini. Au Sud, tout le monde le sait. Au Nord, on feint encore de l’ignorer…

Par Gaël Brustier (Chercheur en sciences politiques) 04/12/2007


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