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Se laver les mains : mille et une vertus psychologiques

Publié le 17 mai 2010 par Loreline123

Dans les religions, un lien semble clairement établi entre pureté morale et physique, avec le rituel du hammam et les ablutions avant et après les prières dans la religion musulmane, ainsi que l’eau bénite et le baptême pour la religion chrétienne. En revanche, qu’en est-il réellement de l’aspect scientifique de cette pratique ?

Se laver les mains : mille et une vertus psychologiques

crédit photo : gabyu

1ère étude :

En septembre 2006, deux chercheurs, Zhong et Liljenquist, se sont intéressés à l’interprétation empirique de « l'effet MacBeth » (expression employée par les psychologues et faisant référence à l'héroïne de Shakespeare qui n'a de cesse de se laver les mains pour tenter d'effacer les traces de sang laissées par ses crimes). Ce phénomène psychologique consiste à éprouver le besoin de se laver les mains après avoir commis un crime ou une faute grave.

Pour vérifier ce phénomène, les deux chercheurs ont organisé une série de tests où les patients étaient invités à se remémorer un événement honteux de leur passé, une faute morale dont ils se sentiraient responsables. Puis, croyant participer à un test sur la mémoire, il leur a été demandé d'aller au supermarché et d'acheter les articles d'une liste de courses qui leur avait été présentée. Ils ont alors observé que les individus se dirigeaient d’abord vers le rayon hygiène et entretien, cherchaient du savon ou du gel douche, avant d'orienter leurs pas vers les autres rayons du magasin. Ils ont ensuite voulu savoir si se laver les mains permettait effectivement une sorte d’apaisement psychologique. Pour ce faire, ils ont joué sur un ressort connu de la culpabilité : le besoin de compenser une mauvaise action par une bonne afin de soulager sa conscience.

Ils constatèrent alors que 70% des personnes ne s’étant pas lavé les mains ont accepté de faire une bonne action (aider un étudiant dans le besoin), contre seulement 40% des personnes s'étant lavé les mains après avoir avoué une faute morale. Se laver les mains reviendrait donc à se laver de sa culpabilité, et le second groupe aux mains lavées aurait ainsi déjà déchargé une partie de sa conscience, ressentant donc moins le besoin d’effectuer une bonne action.

2nde étude :

Une seconde étude, publiée en février 2007, menée par une équipe de chercheurs de l’Ecole de psychologues de l’Université de Plymouth, touche au pardon. Les chercheurs se sont intéressés aux jugements moraux portés sur autrui. Ils mirent alors en évidence que des personnes confrontées – par vidéos interposées – à des actes répréhensibles (la falsification de CV, le vol d'argent trouvé dans un portefeuille, un acte de cannibalisme pour survivre après un accident d'avion, un acte de zoophilie…) avaient tendance à porter des jugements moins sévères après s'être lavé les mains ou même seulement après avoir entendu dans la conversation les mots « pur », « laver », « propre » ou « immaculé ». Se laver les mains ou faire référence à la propreté influencerait donc aussi le jugement moral et permettrait de plus facilement pardonner ou « passer l’éponge » justement !

3ème étude :

Une dernière étude, publiée le 7 mai dernier dans la revue Science et menée par deux psychologues de l'université du Michigan Spike Lee et Norbert Schwarz, porte sur un phénomène bien connu en psychologie : la « dissonance cognitive », un état d'inconfort psychologique assez répandu qui conduit généralement des personnes ayant dû faire un choix à renforcer inconsciemment les arguments en faveur de ce choix pour se convaincre et se rassurer. Les deux chercheurs ont donc essayé de savoir si se laver les mains pouvait aussi avoir une influence hors de tout jugement moral ?

Concrètement, 40 étudiants croyant se soumettre à un test sur des produits de consommation, eurent à choisir et à trier par ordre de préférence 10 pochettes de CD parmi les 30 qui leur étaient présentées. Puis, les participants ont été invités à évaluer un savon liquide. Les uns en jetant simplement un œil sur l'emballage, les autres en testant réellement le produit. Puis les participants ont été à nouveau confrontés aux 10 CD qu'ils avaient choisis pour réévaluer la qualité de leur sélection. Conclusion, aucun n'a changé vraiment d'avis mais ceux qui ne se sont pas lavé les mains ont éprouvé le besoin d'en rajouter, d'affirmer leurs préférences pour les 10 CD choisis et d'accentuer le rejet des CD qu'ils n'avaient pas sélectionnés.

Pour confirmer ce résultat, une seconde expérience est conduite avec cette fois 80 étudiants qui, à l'issue d'un test consommateur sur 4 pots de confiture, se voient offrir à titre de remerciement d'en choisir deux parmi les quatre. Des lingettes leur sont alors proposées, certains devant se contenter de les regarder, d'autres pouvant les utiliser. Comme lors de la première expérience, ceux qui ne se sont pas lavé les mains vont juger les pots choisis encore plus positivement qu'ils ne l'avaient fait auparavant, comme si le fait de s’être lavé les mains permettait d’être plus sûr de ses choix.

Le lavage des mains le plus célèbre reste celui de Ponce Pilate en l'an 33 après Jésus-Christ. Procureur romain, il est soumis à un choix « cornélien » : grâcier le Christ ou Barabbas, l'un des deux larrons. Sa femme lui demande de libérer le premier mais la foule souhaite le crucifier. Face à cette alternative, la Bible raconte qu'il prit de l'eau, se lava les mains et déclara : « Je suis innocent de ce sang, c'est désormais votre affaire ». On peut donc supposer d’après ces trois études que sa conscience fût effectivement soulagée.

Pour aller plus loin : Article source, excellent dossier (comme à son habitude) de la cité des sciences ici. 


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