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Robin Hood - The untold story of the man behind the legend

Par Ashtraygirl

Robin HoodC'est une fan (à défaut d'être une experte) du hors-la-loi qui écrit ces lignes. Loin d'avoir approché toutes les adaptations du mythe (je m'apprête d'ailleurs à palier à certaines lacunes), j'en ai vu, si ce n'est l'essentiel, la partie la plus populaire: celle qui porte en héros un voleur au grand coeur réfugié dans la forêt, archer de grand renom, dérobant aux riches pour nourrir les pauvres, fidèle à Richard Coeur de Lion, le roi "légitime", en butte avec l'emblématique sheriff de Nottingham et farouchement opposé à ce fat de prince Jean (qui a dit la vision Disney? 'Tention!).

Aussi, lorsque Ridley Scott a repris les rênes de la légende anglaise la plus connue (et aimée) au monde, j'avoue avoir eu des sueurs froides. A fortiori lorsque la bande-annonce a débarquée, telle un miroir à peine voilé de Gladiator, transposé au Moyen-Âge. Non pas que je doute du bonhomme, généralement maître de son sujet et des reconstitutions historiques à couper le souffle, mais Kingdom of Heaven m'avait laissé un arrière-goût très amer, et je redoutais de voir cette amertume ternir également l'un des héros chéris de mon enfance.

Pourtant, en dépit de toutes mes craintes, et portée malgré tout par un sacré enthousiasme à l'idée de découvrir "autre chose", force m'est de constater le double tour de force réalisé par Ridley Scott: celui de transfigurer positivement la légende, et celui de me faire changer d'avis sur son film en cours de visionnage... Un fait suffisamment rare pour être souligner et qui, d'emblée, confère à ce Robin Hood remanié un statut tout particulier à mes yeux.

Robin Hood
D'emblée, le message est sans équivoque: il ne s'agit pas là d'une énième adaptation du mythe flattant son pendant justicier et bravache. D'ailleurs, sur ce point, la punchline est claire: "Découvrez les aventures d'un homme qui devint une légende". Il s'agit ici non pas de revenir sur l'âge d'or du célèbrissime hors-la-loi, mais bien au contraire sur ce qui l'a conduit, historiquement, à ce statut de marginal au service du peuple. L'ambition première du tandem Ridley Scott/Russell Crowe (qui co-produit) est d'éloigner la légende de son image provinciale et romancée au possible, pour mieux en restituer la portée historique. En résumé, ils se sont mis en tête de légitimer le héros, et de lui octroyer un passé réaliste, à tel point que l'on pourrait attester de son existence à l'échelle de l'histoire. En cela, le Robin de Scott s'approche plus d'un Hereward le Wake (personnage ayant réellement vécu) que d'un fanfaron en collant et capuchon jouant un peu trop de la fléchette. Le pari, bien qu'osé, porte ses fruits sur la longueur (et il en est question, de longueur!). Cette vocation au réalisme est effectivement à double tranchant.

D'une part, leur approche de l'histoire les condamne presque assurément de perdre d'emblée - ou en cours de route - les fans du Robin de Disney, par exemple, à supposer que ceux-ci refusent de démordre de leurs acquis. Car, si les noms sont conformes à la "tradition", leurs porteurs s'en trouvent parfois forts malmenés, voire "mélangés" (fait que l'on ne saurait repprocher ici sans craindre de voir sa crédibilité vasciller, tant le mythe de Robin lui-même est sujet à de nombreuses et parfois improbables interprétations) par rapport au postulat de base. Ainsi, on aura droit, entre autres "modifications", à un Richard Coeur de Lion (Danny Huston) plutôt détestable, loin de son image de roi idyllique et adulé, tandis que Robin prend le nom de Longstride et qu'un autre que lui se prévaut du nom de Loxley (procédé qui se justifie plus que largement par la suite). Des changements qui, je l'avouerais, m'ont profondément déconcertée au début du film, me plongeant dans une sorte de morose expectative, tandis que je me persuadais intérieurement que la suite allait fatalement me déplaire...

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D'autre part, cette quête de "réalisme" va bien evidemment de paire avec un contexte historique convaincant. Si, pour nombre de spectateurs, certaines entorses à l'histoire ne causeront pas grand chagrin, et si, de toute évidence, les scénaristes ont bossé leur histoire, les anachronismes, eux, ne manquent pas non plus (je ne citerais que le point le plus frappant, ayant causé beaucoup d'émoi, à savoir les fameuses "constructions" flottantes lors du débarquement sur les côtes anglaises, qui évoquent, avant l'heure, un 6 juin 1944). Je ne suis indéniablement pas suffisamment calée sur cette période chaotique pour me prononcer quant à la pertinence des alliances et autres hauts-lieux mis en avant dans le film - tout au plus puis-je assurer que le premier tronçon se déroulant à Châlus est exact, à quelques raccourcis près - mais je peux en revanche me prononcer quant à l'habileté avec laquelle tout ceci nous est présenté comme véridique (ou, du moins, crédible). Avec le brio d'un Dan Brown, le scénario - a priori maintes fois retouché par maintes petites mains, Brian Helgeland en tête - pioche de-ci de-là dans ce que cette tranche du Moyen-Âge offre de plus foisonnant, et nous tisse sur mesure une intrigue à la fois prenante, divertissante... et dont on jurerait que les faits rapportés sont parfaitement cohérents.

C'est la grande force de ce récit aux accents épiques: ancrer une légende dénuée de contexte solide dans un contexte politique tendu, parfaitement ancré dans le réel: l'intrigue se situe, à l'échelle de l'histoire, à l'accession au trône de Jean (Oscar Isaac), tandis que la révolte gronde en raison des finances déplorables du pays, affaibli par trois croisades coûteuses, et que les barons se liguent peu à peu contre la couronne, réclamant la signature d'une charte limitant ses droits sur le peuple. Tout ceci est rigoureusement exact, et confère à l'histoire - fictive - de Robin une dimension inédite, plus mature, plus accessible, plus palpable. Et, tandis que le contexte s'étoffe, le personnage de Robin, lui, change du tout au tout.

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Habitués que nous sommes à l'image de fanfaron dérobant au nez et à la barbe des autorités les richesses de la couronne pour les redistribuer aux pauvres tout en faisant le malins avec ses joyeux compagnons, ce Robin-ci a de quoi désarçonner. Sans comparaison douteuse - elle est assumée, pleinement, par Ridley Scott - Robin tend ici vers le Maximus de Gladiator. Grosso modo: mêmes idéaux, époques différentes. Robin Longstride est un homme complexe, affublé d'un passé - peut-être un rien rébarbatif - douloureux, archer d'exception au service du roi, homme d'action qui n'agit qu'après mûre réflexion, leadership en sourdine et airs de vieux loup solitaire... ce qui ne l'empêche pas de se traîner de joyeux drilles - conformes, eux, à ce qu'on en sait, bien qu'un rien sous exploités - sur la route. Rusé mais honnête, courageux mais pas naïf, Robin Longstride a pour lui cette virilité sobre, posée, propre à Russell Crowe, qui incarne brillamment le bonhomme, malgré ses 45 printemps. Son relatif mutisme, ses convictions et sa force tranquille font que l'on adhère à son périple, aussi tortueux soit-il, captivés et conquis.

Je ne fais pas partie de ceux qui doutait de la crédibilité de Russell Crowe sous les hardes du hors-la-loi, malgré sa belle quarantaine. En revanche, je m'inquiétais beaucoup plus de Cate Blanchett. Pourtant, mes craintes se sont bien vite envolées devant le charisme tranquille de celle qui métamorphose Marianne en une femme d'exception, sorte d'avant-gardiste en son temps, image patinée d'une femme d'action dans un monde gouvernés par les hommes. Elle est sublime, et convaincante. Le lien - inédit celui-ci, consacré par un Max

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Von Sydow en grâce - qui se tisse entre Robin et elle est, lui aussi, fort subtil, construit lentement et sûrement, dans une ébauche de romance ténue, qui n'empiète nullement sur le reste, se fondant parfaitement dans le reste de la trame qui, elle, se perd en complots de cour et embuscades.

Mon plus grand regret quant à cette adaptation sera que de Frère Tuck (Mark Addy), Petit Jean (Kevin Durand), Will l'Ecarlate (Scott Grimes) et Alan A'Dayle (Alan Doyle), on n'aura que des bribes, succulentes, prometteuses, mais trop succinctes, qui trouvent leur apothéose dans LA séquence véritablement (je devrais dire "typiquement") "robinesque" du film: celle de l'attaque du convoi de grains. Un moment jouissif, trépidant et un rien nostalgique à la fois, qui aboutit sur une scène d'une exquise poésie. Quant au Sheriff de Nottingham (Matthew MacFadyen), pourtant bien amorcé, on doutera finalement de la nécéssité de sa présence, tant il passe au dernier plan. Quelle déception de ne pas assister à une vraie confrontation entre Robin et lui! A la place, on le verra affronter le méchant à la mode du moment (mais il le fait si bien): Mark Strong.

"Rise and rise again until lambs become lions"

Si l'on pourra, à l'image de ma critique, reprocher au film d'être long - longueur qui, pour ma part, s'est ressentie sans être désagréable tant j'étais DANS le film - tant dans son déroulé que dans la gestion de ses séquences (l'action pure est disséminée de façon assez inégale, en regard de ce qu'annonçait le teaser), et s'interroger sur la finalité de tout ceci, on ne pourra, en revanche, nier le savoir-faire avec lequel l'intérêt demeure aiguisé, jusque dans ses scènes les plus intimistes, ni la maestria déployée dans le rendu des batailles, vives, brutes, intenses, ou celui, quasi lyrique, des paysages de la côte sud de l'Angleterre. Un régal visuel qui ne se dément à aucun moment, et que justifie pleinement la densité du scénario qui, au terme de ses 2h20, laisse à penser malgré tout que tant de choses restent encore à voir. Et, si notre orgueil patriote (quel grand mot!) se verra au passage piqué au vif par les attaques cinglantes dont nous faisons (une fois de plus) les frais, tant narrativement que visuellement, je retiendrais à la place la musique harmonieuse et galvanisante de Marc Streitenfeld et le générique de fin, sublime panorama pictural du film. Avec aussi, ce léger pincement au coeur provenant de ce que le film s'achève, précisément, là où l'on voudrait qu'il (re)commence.

En résumé (et c'est nécéssaire, après tant de blabla), cette adaptation qui se veut LA seule, la vraie, l'unique en circulation sur le personnage de Robin des Bois, n'est certes pas un sans faute, mais défend avec conviction un point de vue inédit et passionnant sur la légende, lui redonnant, presque ironiquement, un sacré coup de jeune. Foisonnant, prenant, ce Robin Hood "historisé" (re)trouve une légitimité nouvelle, en même temps qu'il se (ré)approprie ses lettres de noblesse avec hargne et passion. La légende entre de nouveau dans la légende. Edifiant.


*Indice de satisfaction:

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 (+)

*2h20 - britannique, américain - by Ridley Scott - 2010

Robin Hood
*Cast: Russell Crowe, Cate Blanchett, Max von Sydow, Oscar Isaac, Mark Strong, Mark Addy, William Hurt, Léa Seydoux, Matthew MacFadyen, Eileen Atkins, Alan Doyle, Scott Grimes, Kevin Durand...

*Genre: Il était une fois...

*Les + : Un récit dense, structuré, étoffé, une reconstitution grandiose, un souffle épique ça et là, et la maturité d'un homme qui construit son histoire et celle de son pays... Grandiloquent mais passionnant.

*Les - : Quelques longueurs, quelques anachronismes, et une fin qui, si elle se justifie pleinement, laisse une sensation d'inachevé.

*Liens: Fiche film Allociné

   Site officiel

*Crédits photo: © Universal Pictures International


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