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Rigueur dans la recherche : la grande désillusion

Publié le 18 mai 2010 par Monthubert

François Fillon, tirant prétexte de la crise grecque, vient d’annoncer qu’un emploi de fonctionnaire sur deux sera supprimé au CNRS l’an prochain. Cette annonce confirme les propos d’Eric Woerth du temps où il était ministre du Budget, qui avait déjà programmé une telle baisse.

Cette déclaration est à la fois catastrophique et incohérente.

Catastrophique, car la recherche souffrira nécessairement de cette baisse de son potentiel humain. Catastrophique, car le signal envoyé aux étudiants tentés par la recherche est clair : ne croyez pas que ce secteur soit destiné à progresser. Le résultat sera clair : une nouvelle baisse de l’attractivité de ces métiers qui devraient à l’inverse être promus, en tant que moteurs de la société de demain.

Mais cette déclaration est aussi incohérente avec les ambitions affichées de développer la recherche grâce au grand emprunt. En réalité, la nature du grand emprunt se dévoile peu à peu. Nous avions déjà montré que son ampleur n’est pas si importante que cela, car on ne touchera que les intérêts des sommes annoncées. Nous savions également que c’est un jeu à somme nulle, puisque le coût de l’emprunt (les intérêts) doit être compensé par des réductions budgétaires, comme l’avait annoncé Nicolas Sarkozy en décembre : « Les intérêts de l’emprunt seront compensés par une réduction des dépenses courantes dès 2010 et une politique de réduction des dépenses courantes de l’Etat sera immédiatement engagée ». Cela s’est traduit dès le mois de janvier par des annulations budgétaires dans la recherche et l’enseignement supérieur, alors que les fonds du grand emprunt ne seront pas attribués avant des mois. Et aujourd’hui, nous avons la confirmation qu’il y aura des suppressions d’emplois. Or comment peut-être faire croire qu’on va faire plus de recherche avec moins de gens ? A moins qu’il ne s’agisse d’augmenter le nombre de chercheurs précaires, qui est déjà beaucoup trop important…

La réalité, c’est que toutes les augmentations annoncées correspondent en réalité à des transferts d’un endroit à un autre. D’un point de vue global, la France était déjà en perte de vitesse : l’effort de recherche, mesuré en pourcentage du PIB consacré aux dépenses de recherche et développement, est passé de 2,23% en 2003 à 2,02% en 2008… Quand on regarde la recherche publique civile, l’effet est saisissant :

Rigueur dans la recherche : la grande désillusion

La situation est donc à l’opposé de ce que nous répétaient à l’envi nos gouvernants. Avec la rigueur, on peut s’attendre au pire.

Cette situation politique est consternante. La politique de rigueur est un cercle vicieux qui prend les économies au piège. C’est particulièrement dangereux quand elle s’attaque aux dépenses d’avenir : éducation et recherche notamment. Car ce qui est détruit aujourd’hui ne se reconstruira que très lentement et difficilement. Ceux qui auraient pu devenir nos futurs chercheurs, et qui aujourd’hui préfèrent d’autres voies à l’avenir moins bouché, ne reviendront pas. Les projets scientifiques qui n’auront pas été conduits parce qu’ils ne sont pas dans les priorités fixées par le ministère resteront à l’état d’idées avortées dans la tête de chercheurs dépités. Les lycéens qui se détournent des études supérieures où les chances de réussite sont trop hasardeuses, et les conditions de survie matérielle trop mauvaises, ne contribueront pas à l’élévation du niveau de formation de la France. On peut regarder par n’importe angle, cette politique est un désastre. Elle pourrait être évitée, en acceptant de toucher au bouclier fiscal, par exemple. Mais les intérêts de ses riches amis sont sans doute plus importants que ceux de la France.

Dès le lancement du Grand emprunt il y a six mois, Sarkozy avait averti : « Les intérêts de l’emprunt seront compensés par une réduction des dépenses courantes dès 2010 et une politique de réduction des dépenses courantes de l’Etat sera immédiatement engagée ».http://www.elysee.fr/president/root/bank_objects/09-12-14dossierdepresseEmpruntnational.pdf


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