Où il est question de scolarisation, de socialisation et d'enfant qui grandit

Publié le 18 mai 2010 par Lamamandeguillaume

Dans quelques semaines Guillaume aura trois ans. En avril dernier j’aurais dû me rendre à la mairie puis à l’école du quartier pour l’y inscrire. Mais je ne l’ai pas fait.

Après avoir beaucoup réfléchi, on a décidé que ce n’était certainement pas le mieux pour Guillaume.

Bien entendu, on avait le « droit » de l’y inscrire. Et Guillaume aurait fait sa rentrée, comme tous les enfants de son age en septembre prochain, à temps très partiel très certainement et sous l’escorte d’un auxiliaire de vie scolaire, si les délais n’avaient pas été trop courts pour l’attribution. Ou il n’aurait pas fait sa rentrée, justement car pas d’avs et nous aurions dû, en attendant, trouver une solution, nous adapter, voire, nous bagarrer.

Mais j’avoue que j’ai du mal à imaginer Guillaume, ne tenant pas assis, ne parlant pas du tout, n’ayant aucune motricité fine, aller à l’école. Non pas que je pense qu’il n’a pas les capacités « intellectuelles » suffisantes, mais parce que je ne vois pas trop comment, un instituteur qui n’a reçu aucune formation spécifique (et encore moins un AVS, même extrêmement motivé, mais sans aucune expérience du handicap) peut adapter son enseignement aux spécificités du handicap de mon enfant (et là, l’éducation conductive prend tout son sens). Les capacités de Guillaume font qu’il ne peut pas « s’adapter », ne serait-ce qu’un tout petit peu.

Alors il faut explorer un autre chemin. Car je refuse que Guillaume passe encore une autre année en tête à tête avec un adulte. Pour nous et pour lui, je pense qu’il devient essentiel qu’il soit socialiser, qu’il passe du temps avec d’autres enfants.

Nous pourrions faire une nouvelle demande d’inscription en crèche, ou dans ces « jardins d’enfants » qui commencent à fleurir. Mais la perspective d’ajouter deux heures éparpillées dans son agenda de ministre ne m’enchante guère. Je n’ai pas vraiment l’impression que ca lui apportera quelque chose (un heure ici, une autre là), à part un peu plus de fatigue liées au trajet.
Aujourd’hui, la prise en charge de Guillaume est « à peu près » satifaisante (je dis ça parce que elle sera satisfaisante quand il pourra faire de l’éducation conductive au quotidien). Il a une séance de thérapie tous les matins, deux fois de la kiné, une fois de la psychomot, une fois de l’orthophonie, et une séance de Padovan. D’ici septembre, les plannings des pros se « déchargeant » un peu, une séance de psychomot et d’orthophonie vont s’ajouter. Alors si en plus, il faut trouver le temps d’aller passer une heure au jardin d’enfant, je trouve ça… comment dire…mission impossible ?

Ce n’est pas la multiplication des activités qui m’ennuie, mais le temps que cela prend d’aller à droite et à gauche. C’est autant fatiguant pour Guillaume que pour celui qui l’accompagne et qui voit sa matinée complètement occupée. Ensuite on rentre, il est midi, on déjeune et c’est l’heure de la sieste, le gouter, la petite sœur qui rentre de sa journée et c’est déjà le soir.

Je pense que certains parents seraient satisfaits de cette organisation, même si elle impose à l’un d’entre eux de ne plus travailler. Mais ce qui me gène le plus dans cette affaire c’est surtout la solitude de Guillaume. Il est en permanence (sauf avec sa sœur, mais elle n’est pas toujours là) avec un adulte, que ce soit nous, ou son thérapeute). Et pourtant Guillaume adore la compagnie des autres enfants, et surtout, c’est à mon sens essentiel pour son développement. C’est pourquoi j’ai beaucoup hésité à l’inscrire à l’école, justement car je me disais que même s’il y allait que deux heures par semaine, cela lui permettrait d’être avec ses pairs. Mais comme je le dis au début, ca ne me semble finalement pas le lieu adéquat pour se socialiser !  

L’idéal serait donc qu’il soit pris en charge dans un institut. Non, l’idéal serait qu’il aille dans une école Petö. Hélas, comme ce projet tarde à prendre forme – voire Guillaume n’en profitera même pas – l’alternative reste l’institut. D’autant que j’ai envie que Guillaume ait un quotidien comme tous les enfants, il est « grand » maintenant, il a trois ans, il est tant d’aller à l’école !

C’est dans ce sens que j’ai rempli le « projet de vie » qui accompagne la demande de renouvellement de l’AEEH. L’IEM Rossetti que nous avions visité l’année dernière peut prendre les enfants à partir de trois ans, mais dans les faits, il n’y a pas de si « petits » pour des raisons évidentes de manque de places.

Demain nous devons rencontrer le médecin de la MDPH pour évoquer l’éventualité d’un placement à la journée de Guillaume à l’IME Les Edelweiss à Mougins, qui accueille les enfants polyhandicapés à partir de deux ans. Créé à l’initiative d’associations de parents, ce centre a ouvert en février dernier. Il y aurait en plus une passerelle avec la crèche toute proche qui favoriserait l’intégration.

On va dire que je suis pénible, mais deux aspects me rebutent.

Le premier c’est que c’est à Mougins. Et Mougins, c’est loin.

Si on vient le chercher et le ramener, ca veut dire qu’il faut que je fasse un travail sur moi-même pour laisser partir mon loustic de trois ans incapable de me dire si tout se passe bien avec des personnes que je ne connais pas. Sincèrement, la perspective de donner la responsabilité de le transporter par des personnes inconnues, même si c’est le métier, m’effraie un peu. Avant de me « juger » ou de me donner des conseils réfléchissez : laisseriez-vous, sans la moindre appréhension, votre enfant de trois ans partir seul en autobus (pour aller en classe verte par exemple), sans la présence rassurante de l’instituteur et/ou d’un parent accompagnateur ?

Nice – Mougins, aux heures de pointe, c’est au moins  une heure de trajet, sans compter les différents arrêts pour récupérer/déposer les enfants. Au nom de la fatigabilité de Guillaume, je n’ai pas envie de lui imposer autant de route tous les jours. Et en plus, si on est au « début » du trajet, ca veut dire le préparer et le faire partir très tôt le matin. Et rentrer tard le soir. Or, je suis très satisfaite du travail de la kiné et de l’orthophoniste, donc je ne veux pas supprimer la prise en charge en libéral au profit des thérapeutes du centre – ils peuvent la compléter, mais en aucun cas la remplacer complètement (la psychomot c’est au camsp, donc ca me dérange moins si c’est fait par le centre). C’est vrai que j’en demande certainement beaucoup, le beurre et l’argent du beurre, mais j’ai eu tellement de mal à trouver des pros qui nous conviennent que je ne veux plus en changer ! On les placerait où ces séances, dans son planning, si ses journées sont mangées par la route ?

Le deuxième point, c’est qu’il s’agit d’un centre destiné à accueillir des jeunes poly-handicapés. Non pas que j’ai un apriori là-dessus, effectivement, Guillaume a peut-être un handicap mental sévère en plus de son handicap moteur.

Non, ce qui me chiffonne, c’est qu’on lui mette, si jeune, cette étiquette dans le dos et que du coup, parce qu’il est « polyhandicapé » et parce que ca ne sert pas à grand-chose, la stimulation dont il pourrait bénéficier se limite à la portion congrue. Je ne sais pas qu’elles sont les activités proposées dans ce centre à ces enfants, hormis la prise en charge thérapeutique. Je tiens, et ce même si Guillaume a un retard mental important, à ce qu’il soit stimulé sur le plan intellectuel suffisamment (c’est d’ailleurs ce qui m’a tant plu dans l’éducation conductive). Je pense à ce billet que vient de publier Za. Même si les pronostics ne sont pas encourageants (et ils ne sont pas encouragements vu l’étendue de la malformation de Guillaume), il ne progressera que s’il est correctement stimulé. Je n’ai aucunement envie qu’il soit juste « gardé ». Dans ce cas, je préfère encore embaucher une garde à domicile. Après, peut-être que ce centre est dynamique et à comme priorité de faire progresser les enfants ?

Dans mes rêves les plus fous, Guillaume a les capacités intellectuelles suffisantes pour suivre une scolarité à peu près normale… Ca reste pour le moment un rêve car je ne sais pas de ce dont il est réellement capable, d’autant que ses difficultés motrices ne sont pas là pour aider à en juger. Cependant, s’il ne reçoit aucune éducation intellectuelle, aucune stimulation à ce niveau, il est certain qu’un retard mental viendra s’ajouter à son retard moteur (et ça, ca serait le cas pour n’importe quel enfant, ils ne poussent pas comme des champignons…)

Enfin, de tout cela, nous en parlerons certainement demain. J’ai des appréhensions car je n’ai pas toutes les clés en mains. Peut-être qu’après en avoir discuté avec le médecin et avoir visité le centre, mon point de vue sera différent.