« Autour de la condition féminine d’hier à aujourd’hui »
Quatre conférences-débats proposées par le NPA de La Rochelle, avec Jean-Paul Salles.
Novembre-Décembre 2009 Puis Mai 2010.
Au Café Populaire de La Pallice.
Troisième Volet.
La Femme au travail et la lente conquête des droits politiques.
Ch. 1 La Femme au travail.
Traditionnellement en France, les femmes sont très présentes dans le monde du travail. Déjà en 1906, les femmes représentaient 37,7% des ouvriers, alors qu’en Allemagne elles n’étaient que 26,4%. Au XIXe et au début du XXe siècle, la situation est contrastée, selon que l’on est une femme de la bourgeoisie ou une femme du peuple. La première est une idole étincelante, on parle de « beau sexe ». La beauté de sa toilette, le prix de ses bijoux attestent de la réussite du mari (c’est la « femme-enseigne »). Les seules activités qui lui sont permises sont le soin de la maison et les activités caritatives. Et pour ce faire, pas besoin d’instruction, seule une éducation, religieuse et pratique, donnée par des religieuses, suffit. Les lycées de jeunes filles ne seront créés qu’après le vote de la loi Camille Sée, en 1880. De même, l’admission des jeunes filles dans les universités est exceptionnelle avant la guerre de 14, les établissements secondaires féminins ne délivrant pas le bac mais un simple diplôme de fin d’études. Il ne sera permis aux jeunes filles de passer le bac qu’en 1924. Les jeunes filles du peuple ne sont pas mieux instruites mais elles sont au travail très tôt. Certaines travaillent avant le mariage pour se constituer une dot, dans des usines qui sont parfois flanquées d’un pensionnat tenu par des religieuses, comme dans le Bugey par exemple. Elles étaient présentes dans tous les secteurs d’activité, sans formation, car l’apprentissage était réservé aux garçons. Sous qualifiées, elles étaient donc sous payées : leur salaire était en général la moitié de celui des hommes. Ainsi, dans le département de la Seine en 1893, dans une usine de chaussures, une coupeuse gagnait 3 francs par jour contre 6 francs pour un coupeur. Les syndicats ouvriers n’étaient pas véritablement préoccupés par ce problème, car les ouvriers comme les patrons considéraient le salaire de la femme comme un salaire d’appoint. La place de la femme n’était pas à l’usine mais à la maison. Ainsi, en 1913, la section lyonnaise de la Fédération du Livre (CGT) exclut un de ses membres, Louis Couriau, parce qu’il avait laissé travailler sa femme.
La double journée de travail.
Cette présence des femmes au travail n’a fait que s’accentuer au XXe siècle. En 2000, les femmes représentent 45% de la main-d’œuvre. Elles sont très nombreuses dans les emplois peu qualifiés du tertiaire, caissières, vendeuses, aide à la personne. Beaucoup de femmes sont également employées à temps partiel : 83% des emplois à temps partiel sont tenus par des femmes. Avec la crise ce chiffre va en augmentant : en 1990, 23,6% des femmes actives travaillaient à temps partiel, en 2007 ce sont 34,2% des actives. Ceci est préoccupant car l’écart entre salaires masculins et féminins, après avoir diminué jusqu’aux années 1990, se creuse à nouveau. De nos jours, on considère que le salaire féminin est inférieur du quart au salaire masculin, pour travail et qualification égale.
Après la journée de travail à l’extérieur, la femme commence une deuxième journée de travail à la maison. En effet, malgré une certaine évolution, c’est sur elle que reposent encore l’essentiel des tâches domestiques, ménage, courses et soins des enfants. Elle y consacre 4 h. 36 par jour contre 2 h. 13 pour l’homme15. Si le père intervient davantage qu’avant auprès de sa progéniture, ce n’est que ponctuellement et la plupart des familles mono-parentales sont dirigées par des femmes. C’est d’ailleurs la situation de ces femmes qui élèvent seules leurs enfants qui est la plus préoccupante. Leur nombre est en constante augmentation.
II. Des bastions masculins ébranlés ?
Depuis la Seconde Guerre mondiale, un certain nombre de lieux de travail ou de formation, jusqu’ici réservés aux hommes se sont ouvert aux femmes. La magistrature, par exemple, a été ouverte aux femmes par la loi du 11 avril 1946. Elles sont désormais, en 2000, 45% des magistrats, mais en haut de la hiérarchie, les hommes continuent à être très majoritaires. Ce n’est qu’en 1984 qu’une femme, Simone Rozès, devient Présidente de la Cour de Cassation. Si l’ENA est mixte dès sa création en 1945, Polytechnique ne s’ouvre aux femmes qu’en 1971. Et il faudra attendre 1981 pour que la première femme Préfet soit nommée, 1982 la première femme Recteur d’Académie. Malgré ces progrès, en 1992 les femmes ne sont que 2,6% des Préfets, 3,7% des Ambassadeurs. . Et aujourd’hui, sur 107 présidents d’université ou directeurs de grande école, les femmes ne sont que 15. Certains se félicitent de l’entrée des femmes dans la Police – elles peuvent être Commissaires depuis 1974 - ou l’Armée, depuis la professionnalisation de celle-ci en 1999. Désormais l’homme n’a plus le monopole de la « violence légale », disent-ils.
Cette faible proportion des femmes parmi les cadres se retrouve dans le privé. En France, elles ne sont que 8% dans les Conseils d’Administration des grandes entreprises, mais 0% chez Veolia, EADS ou Capgemini. Anne Lauvergnon, PDG d’Areva ou Laurence Parisot, dirigeante du Medef et membre des CA de Total et de GDF-Suez, sont des exceptions. En Allemagne les femmes ne sont que 11% des membres des CA ; en Suède (22%) et en Finlande (21%) la situation est un peu meilleure. Mais seule la Norvège a atteint un chiffre de 41% de femmes dans les CA des grandes entreprises, car une loi de quota a été votée en 2004, obligeant les entreprises à avoir au moins 40% de femmes à leur tête. C’est de ce pays que propose de s’inspirer Brigitte Grésy, l’Inspectrice générale des Affaires sociales chargée de cette réforme : obliger les entreprises de plus de 1000 salarié(e)s à avoir 20% de femmes dans leur CA en 2012 et 40% en 2016, sous peine de voir annuler les nominations déjà faites. Mais si cette réforme passe, le sort de millions de femmes travailleuses en sera-t-il pour autant modifié ?
On peut en douter, d’autant qu’un certain nombre de dispositions ont creusé les inégalités entre les femmes. Ainsi l’AGED (Allocation de garde d’enfant à domicile) encourage les femmes les mieux rémunérées à rester en activité, en permettant la déduction des impôts du salaire versé à une employée de maison. Par contre l’APE (Allocation Parentale d’Education), non imposable, entraîne la mère – en général moins bien rémunérée que son mari – à quitter son emploi, sans être sûre de le retrouver une fois l’enfant élevé.
La formation des filles.
Curieusement bien que la femme soit encore largement dominée sur le lieu de travail, dans les lieux de formation, la jeune fille brille. Plus attentive, plus ordonnée, plus sage, la jeune fille intègre mieux les normes scolaires que le garçon16. Globalement elles réussissent mieux que les garçons. Mais au lycée, elles ont tendance à choisir les filières littéraires aux débouchés incertains (féminisées à 70%) plutôt que les séries scientifiques. Elles sont bien moins présentes que les garçons dans les filières scientifiques à l’université et ne constituent que le tiers des effectifs en classes préparatoires, 42% en écoles de commerce et 19% en Ecoles d’ingénieurs. Dans l’enseignement professionnel, elles se dirigent plus volontiers vers le tertiaire, les métiers du secrétariat ou le paramédical. Enfin, les garçons, grâce à une éducation à la rivalité, voire au combat, réussissent mieux aux concours17.
Conclusion.
Le nombre des femmes au travail progresse. On se rapproche de 50% des actifs. Mais la disparité entre hommes et femmes, au niveau des emplois occupés et des salaires, subsiste. De même le partage des tâches ménagères et éducatives est toujours inégalitaire, au détriment de la femme. Et malgré l’augmentation du nombre des diplômées, les femmes n’ont encore que très peu de pouvoirs dans le monde de l’entreprise et de la haute administration.
Bibliographie succincte :
-Christine Bard, Les femmes dans la société française au XXe siècle, Paris, Armand Colin, 2001.
-Baudelot Christian, Establet Roger, Allez les filles !, Paris, Seuil, 1992.
-Baudelot Christian, Establet Roger, Quoi de neuf chez les filles, Paris, Nathan, 2007.
-Margaret Maruani, Travail et emploi des femmes, Paris, La Découverte, Collection Repères, 2000.
Ch. 2 La lente conquête des droits politiques.
Cette assignation de la femme à la maison, à l’intérieur, justifiée par un certain nombre de lieux communs (elle aurait les nerfs fragiles, elle serait sous l’influence des prêtres) explique qu’on ait tant tardé à lui donner des droits politiques. L’homme a conquis le suffrage universel en 1848, la femme a dû attendre 1944.
La modernisation politique de la France oublie « le deuxième sexe » (1789-1900).
Et pourtant les femmes se sont senti tout autant concernées que les hommes par la Révolution française. Le 5 octobre 1789, ce sont 6 à 7000 parisiennes, effrayées par la disette menaçante, qui partent à Versailles et ramènent à Paris « le boulanger, la boulangère et le petit mitron ». En cas de famine, le roi distribuait quelques secours à « son » peuple, il valait donc mieux l’avoir avec soi, à Paris. Entre 1789 et 1793, elles furent de toutes les insurrections. Elles participaient aussi à des clubs féminins, tout en occupant leurs mains, ce qui leur valut le surnom de « tricoteuses ». Olympe de Gouges, une jeune veuve, rédige en 1791 la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne, un texte dans lequel elle demande le droit de vote pour les femmes18. Elle sera arrêtée et exécutée en novembre 1793, car on lui reprochait de diviser la Nation. A peu près au même moment, en Angleterre, Mary Wollstonecraft demandait elle aussi l’égalité hommes-femmes dans A Vindication of Rights of Women.
En France, peu à peu les femmes sont renvoyées au foyer, exclues des affaires de la cité. On considère qu’elles sont représentées, elles et les enfants, par le père de famille. Certes, au terme de la révolution, elles ont obtenu l’égalité dans les successions, le droit de divorce, mais l’adoption du Code Civil (1804), devenu Code Napoléon, entraîne une régression. Non seulement la femme n’a plus de droits politiques, mais dans la famille elle est placée sous la tutelle du mari. Ainsi, l’article 213 dit que « Le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari », et l’article 214 : « La femme est obligée d’habiter avec son mari et le suivre partout où il juge à propos de résider ». Ce n’est qu’en 1938 que la femme obtiendra la capacité civile, c’est-à-dire le droit d’agir en justice, la possibilité d’ouvrir un compte en banque, alors que jusqu’ici l’homme administrait seul les biens de la communauté, y compris la dot. Le divorce est momentanément maintenu, mais dans un seul cas, celui de l’adultère dûment prouvé. Le droit au divorce sera finalement supprimé au début de la Restauration (1816), il ne sera rétabli qu’en 1884 (loi Naquet).
De la même manière que le régime de la Restauration avait redonné le pouvoir au roi dans le pays, il redonne au père tous les pouvoirs dans la famille. Une certaine littérature médicale justifie cette infériorisation de la femme dans la cité par de soi disantes raisons naturelles (la femme/femelle vouée à la maternité et toujours, ce moindre contrôle de ses sens, l’hystérie féminine). La Révolution de 1848, qui suscite bien des espoirs dans les colonies (abolition de l’esclavage) ou, un moment, en milieu ouvrier (création des Ateliers nationaux, sorte de première assurance-chômage), oublie les femmes. Elles seront privées du droit de vote, avec les aliénés et les condamnés de droit commun. Elles ont pourtant mené le combat autour du journal La Voix des femmes. Mais un seul député acceptera de les recevoir, Victor Considérant. Un certain nombre de personnages importants, comme Michelet, se prononcent contre le droit de vote des femmes. Le mouvement ouvrier naissant, en particulier Proudhon, est anti-féministe. Seul Fourier envisage une libération véritable des femmes.
Au cours des années suivantes, des femmes ne cesseront de mener le combat, certaines s’engageant fortement dans la Commune de Paris en 1871, comme Louise Michel ou Elisabeth Dimitriev. Pour les discréditer, leurs adversaires les qualifient de Pétroleuses, leur imputant l’incendie de nombreux bâtiments parisiens. Leur sexe dit faible ne leur épargnera pas la répression, le bagne de Nouvelle-Calédonie pour Louise Michel. Et toujours, quelques voix masculines isolées se font entendre : John Stuart Mill, en 1869, publie The Subjection of Women (De l’assujettissement des femmes). Toujours en 1869, parmi les premiers, l’Etat du Wyoming, aux Etats-Unis, donne le droit de vote aux femmes.
Vers l’obtention du droit de vote.
Quand meurt Hubertine Auclert, en 1914, une des premières suffragettes françaises, le mouvement qu’elle a contribué à créer en 1909, l’Union française pour le suffrage des femmes, rassemble 12000 militant(e)s. Des féministes se présentent aux élections : elles recueillent en général 4% des voix, bien sûr comptées pour nulles ! En 1914, des féministes, aidées par le quotidien Le Journal, appellent à voter Blanc : un demi-million de bulletins portant la mention « Je désire voter » sont déposés dans les urnes. A la veille de la déclaration de guerre, une manifestation de 6000 personnes pour le droit de vote des femmes défile à Paris. D’autres organes de presse, comme le journal La Fronde, créé et dirigé par Marguerite Durand, appuient cette mobilisation. Les hommes politiques sont moins nombreux à se mobiliser. Quand ils le font, c’est timidement : ainsi en 1906, un député catholique propose que les femmes votent aux élections municipales, mais sans pouvoir être élues. Même cette timide avancée n’est pas acceptée.
Parallèlement, en Angleterre, les suffragettes, rassemblées autour d’Emmeline Pankhurst et de ses filles, se font entendre, n’hésitant pas à recourir à l’action directe ou à la grève de la faim, malgré de nombreux emprisonnements. Le 4 juillet 1913, au cours du célèbre derby d’Epsom, l’une d’entre elles, Emily Davidson, meurt après s’être jetée sous le cheval du roi. Les anglaises de plus de 30 ans obtiendront le droit de vote en 1918, celles de plus de 21 ans devront attendre 1928 ! La révolution russe donne le droit de vote aux femmes en 1917, la Turquie kémaliste en 1930 et l’Espagne en 1931.
Mais en France, ça bloque toujours. Le Sénat, assemblée réactionnaire, s’est opposé à plusieurs reprises dans l’entre-deux-guerres au vote des femmes, alors que l’Assemblée nationale y était favorable. Le Parti radical, qui domine la vie politique française à l’époque, n’en veut à aucun prix, sous prétexte que les femmes, réputées être sous l’emprise du clergé catholique, voteraient à droite. Donc, pour se concilier les bonnes grâces du parti radical, la SFIO et le PC ont accepté que le programme du Front populaire fasse silence sur le vote des femmes, alors que c@e point figurait dans le programme de chacun de ces deux partis. Pour montrer sa bonne volonté, faisant un geste dérisoire en direction des femmes, Léon Blum nomme 3 d’entre elles sous-secrétaires d’Etat dans le premier gouvernement de front populaire. De même, dans la ville de Louviers (Eure) dont il est le maire, Pierre Mendès France fait élire, en décembre 1936, 6 conseillères municipales adjointes au rôle consultatif19. Le PC l’avait fait, en 1925 comme en 1929. A chaque fois le Conseil d’Etat invalidait leur élection.
Finalement, c’est par l’ordonnance du 21 avril 1944 que le chef du gouvernement de la France libre, le Général de Gaulle, permettra aux femmes de voter, pour la première fois lors des Municipales du 29 avril 1945. Le vote des femmes n’amènera pas un raz-de-marée de droite, leur vote est à peu près conforme à celui des hommes. Par contre, c’est avec lenteur que les femmes font leur place dans la vie politique, comme responsables politiques ou élues. Ainsi, en 1958 elles ne sont que 1,3% des députés, 1,1% des maires, 2,4% des conseillers municipaux20. Trente ans après, la situation n’a que peu changé (en 1988, 5,6% de femmes parmi les députés), alors que certaines figures féminines ont fait irruption sur la scène politique : Simone Veil et Françoise Giroud, Yvette Roudy ou Edith Cresson, mais aussi Arlette Laguiller, première femme à s’être présentée aux élections présidentielles en 1974.
Le débat sur la parité en politique est lancé au début des années 1990, avec notamment la parution du livre de Françoise Gaspard et alii, Au pouvoir Citoyenne. Liberté, Egalité, Parité. Le manifeste dit des 577, paru dans Le Monde en 1993, et signé d’hommes et de femmes célèbres, demande que dans les assemblées élues figurent autant de femmes que d’hommes. C’est finalement le 28 juin 1999 que le Parlement réuni en Congrès à Versailles vote la loi favorisant « l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ». Promulguée le 6 juin 2000, la loi décide de la parité des candidatures pour les scrutins de liste (50/50), la parité par tranches de 6 pour les élections régionales ou municipales (pour les villes de plus de 2500 habitants), afin d’éviter que les femmes ne soient placées en queue de liste. Enfin, la loi incite les partis à pratiquer la parité aux législatives au moyen d’une sanction financière proportionnelle à leur manquement au principe paritaire. Sera-ce un tournant décisif, l’égalité abstraite des individus a priori sexuellement indéterminés n’ayant pas permis de faire reculer l’effacement effectif des femmes dans la vie politique ? Aux élections législatives de 2007, 41,6% des candidats furent des femmes et à l’arrivée, les femmes représentent 18,5% des députés. Le nombre des élues municipales a beaucoup augmenté (en 2008, elles seraient 35% des élus), mais seules 6 femmes (sur 38) sont Maires de villes de plus de 100.000 habitants. On note la même timidité au niveau des conseils généraux, dont seulement 4 sur 96 sont dirigés par des femmes, 3 conseils généraux n’ayant aucune élue (Ariège, Tarn-et-Garonne et Haute-Corse).
Conclusion.
On est frappé de la lenteur avec laquelle les femmes sont devenues « sujets politiques ». On s’est longtemps satisfait de voir l’homme, le père de famille, représenter le foyer familial. C’était l’unité de base de la société et ses membres étaient priés de s’y fondre, d’abdiquer leur personnalité. Il n’était pas rare d’ailleurs que dans l’ancienne France – celle d’avant 1789 – on donne le droit aux veuves riches de voter pour désigner tel ou tel édile local…alors que les hommes pauvres étaient exclus du scrutin. L’accession des femmes au corps électoral ne s’est pas traduite, on l’a vu, par un tremblement de terre politique, ce que craignait le Parti radical. Pas plus d’ailleurs que l’accession au vote des jeunes gens de 18 à 21 ans après 1974. Par contre, les femmes ont eu beaucoup de difficultés à se faire une place dans les Assemblées, comme élues. Il a fallu qu’une loi oblige les tenants mâles du pouvoir, la loi sur la parité, à leur faire une place. Seront-elles plus efficaces, plus désintéressées, dans la gestion du pays ? Peu d’éléments permettent de l’espérer. Ne vont-elles pas plutôt décider de singer les hommes pour survivre dans cette jungle ?
Bibliographie succincte :
-Bereni L., « Les féministes françaises et la parité », in Cohen A., Lacroix B., Rintort P., Les formes de l’activité politique : éléments d’analyse sociologique du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, PUF, 2006, p.123-141.
-Guéraiche William, Les femmes et la République. Essai sur la répartition du pouvoir de 1943 à 1979, Paris, Editions de l’Atelier, 1999.
-Jenson Jane, Sineau Mariette, Mitterrand et les Françaises. Un rendez-vous manqué, Paris, Presses de Sciences Politiques, 1995.
-Zancarini-Fournel Michelle, Histoire des femmes en France, XIXe-XXe siècles, Rennes, PUR, 2005.
Appendice I. Les violences en temps de guerre.
Dans les Balkans, au cours des guerres qui ont ensanglanté les pays de l’ex-Yougoslavie, les diverses armées ont systématiquement violé les femmes des régions conquises. Le viol était utilisé comme une arme pour imposer la suprématie d’une ethnie. De même en Birmanie, d’après Le Nouvel Observateur (octobre 2004), les généraux laissaient leurs soldats violer les femmes des zones où vivent les minorités ethniques pour imposer leur politique de birmanisation. En 2009, un rapport de Human Rights Watch mettait à jour les milliers de viols perpétrés par les soldats de l’armée régulière de la République Démocratique du Congo. Même les GI’s américains, en 1944-45, ont commis des viols, 2500 en Grande-Bretagne, 3500 en France, 11000 en Allemagne, sans comparaison cependant avec les viols commis par les troupes soviétiques dans les territoires qu’elles venaient de libérer du nazisme.
Quant aux violences infligées aux femmes en France au moment de la Libération, les femmes tondues, les faits sont désormais bien connus. Parmi plusieurs études, celle de Fabrice Virgili, issue d’une thèse, La France « virile ». Des femmes tondues à la Libération (Paris, Payot, 2000), nous permettra de faire le point. De nombreuses femmes furent arrêtées à la Libération, par d’authentiques résistants ou plus souvent par des résistants de la dernière heure. Accusées d’avoir entretenu des relations sexuelles avec des Allemands, beaucoup seront tondues. Combien ? Sans doute autour de 20.000. Peu de départements y ont échappé, il y eut des « tontes » dans 80 préfectures. La plupart du temps l’événement était quasi officiel, en présence des nouvelles autorités. La punition avait lieu publiquement, la femme était tondue au milieu des siens. Le châtiment fut spectacle, la mise en scène était souvent la même. La femme était dénudée, promenée dans les rues, son corps souvent marqué d’une croix gammée tracée au goudron. Parfois elle reçoit une fessée mais est très rarement violée. On pratique plutôt un enlaidissement de son corps, en lui coupant les cheveux. Déjà la tonte, au Moyen Age, était le châtiment de l’adultère. En tondant la femme, on fait disparaître « l’arme du crime », les cheveux, un des principaux moyens de séduction. Beaucoup de femmes tondues quittent la ville, certaines se suicident, d’autres se cachent. Ainsi, en septembre 1983, les gendarmes découvrent « la recluse de Saint-Flour », une femme qui se cachait depuis…39 ans !
La tonte a plusieurs significations. Cette violence exercée ensemble contre la complice de l’ennemi est une affirmation collective qui permet de retrouver son unité. Mais c’est aussi l’exigence d’une pureté retrouvée, avec cette idée que l’ennemi souille. Le métissage du vainqueur et du vaincu (il y aurait eu 200.000 naissances de ces relations entre soldats allemands et femmes françaises) est perçu comme le germe de la disparition de la nation (cf. les arguments des partisans de l’avortement quand les femmes du Nord de la France ont été violées par les soldats allemands en 1914). Finalement la foule rejoue un combat dont elle a été absente, sans faire couler de sang… mais au prix de combien de souffrances. La victoire ne serait pas complète si, en même temps que le territoire, il n’y avait pas reprise en main du corps de la femme, reprise en main de sa sexualité.