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La culture et l'intelligence, non, rien à voir...

Publié le 19 mai 2010 par Philippejandrok

d3be311ee54132e05630fc658bea15d2.jpgIl y a parfois des périodes où l’on se consacre davantage à soi qu’aux autres, et comme vous avez pu le constater ces derniers temps, je dépose peu de notes sur mon blog, ce qui ne veut pas dire que j’oublie mes lecteurs, mais plutôt que je leur prépare une belle surprise, j’attends encore quelques jours avant de vous offrir une bonne information du genre, brut de décoffrage.

Il est vrai que je me suis consacré à la rédaction d’un ouvrage qui, s’il ne trouve pas acquéreur auprès des éditeurs, vous sera offert, car si l’on n’écrit pas pour des lecteurs pour qui écrit-on ? Pour soi, bien sûr, mais si l’on n’est jamais confronté qu’à soi-même on ne peut pas voir ses erreurs, ses fautes, ou sa vérité, si vérité il y a.

La confrontation avec le public est toujours salutaire, même si elle est parfois violente, mais je n’ai pas peur du public, je le fréquente depuis de longues années en souhaitant l’accompagner lors de mes expositions pour lui expliquer pédagogiquement le chemin qui mène de la conception à la création. Il est toujours fascinant de constater que les gens qui n’ont pas eu la chance de faire des études confondent systématiquement, intelligence et culture.

Ils estiment que de ne pas avoir de culture ne les rend pas intelligent, or, il s’agit de tout autre chose et la culture n’a rien à voir avec l’intelligence. L’appréciation de l’art a, à voir avec le sentiment, la perception, le regard, pas avec le savoir. Si le savoir s’ajoute à la perception, oui, cela peut permettre une analyse puissante, mais celle du cœur et de l’émotion sont toutes aussi fortes et n’enlèvent rien à la qualité du regard.

J’ai eu l’occasion de voir des gens pleurer face à mes tableaux, un jour, une femme m’est tombée dans les bras, une toile l’avait bouleversé, allez savoir ce qui dans une œuvre a ce pouvoir d’émouvoir ?

Ainsi, incapable d’exprimer par les mots son émotion, elle a pleuré à chaudes larmes. Qu’il y a-t-il de plus émouvant qu’un être qui se trouve bouleversé par la vision d’une œuvre ? La vôtre où celle d’un autre, j’ai bien été ému aux larmes par le concert champêtre de Titien. Rien, il n’y a rien de plus émouvant que la beauté.

À Riyad au salon, j’ai eu un visiteur qui voulait tout voir, tout regarder, de près, de loin, sa passion soudaine était presque effrayante, il avait besoin de toucher les œuvres, de les manipuler, de les décortiquer, de se les approprier pour les comprendre.

Cet homme était fascinant :

- - Vous êtes artiste ?

- - Non, répondait-il sans détacher son regard d’une pièce qu’il avait dans les mains.

- - Vous êtes poète ?

- - Non plus, continuant ses investigations comme si je n’étais pas là.

- - Vous êtes quoi au juste ?

-Hum, hum…

- - Alors ?

- - Je suis… je suis… Mais comment vous faites ça, ces couleurs, ces mélanges, je ne comprends rien, comment....

-Je passe des couches de vernis successives.

- - Mais on ne voit rien, pas de trace de pinceau, rien, tout s’interpénètre, c’est… incroyable, je n’ai jamais vu ça.

- - Moi non plus.

- - Hein ?

- - Je disais, moi non plus.

- - Mais alors comment vous faites ?

- - Et vous, que faites-vous dans la vie pour vous intéresser comme ça à l’art ?

- - Je suis… homme d’affaires, homme d’affaires… Je ne comprends pas, vraiment, c’est incroyable…

- - J’ai rarement rencontré un homme qui aimait autant la peinture.

- - La peinture ? Hum ! non, je ne l’aime pas, je l’adore. Vous savez, j’étais en Italie l’année dernière et j’ai vu, vous savez le peintre Léonard, le repas…

- - La scène, à Milan ?

- - Oui, c’est ça, je suis resté debout sans bouger du matin jusqu’au soir et c’est le gardien qui m’a mis la main sur l’épaule pour me dire que ça allait fermer, je ne savais pas qu’il s’était écoulé plus de dix heures, tellement j’étais fasciné.

- - Voudriez-vous voir mon livre de photographies ?

- - Quel livre ? Oui, je veux voir, je veux tout voir. Je le lui tendis et il l’observa avec la même attention que mes œuvres sur papier de soie sous verre. Puis il m’interrompit pour me demander : c’est vous qui avez dessiné sur la photo n’est-ce pas, avec Photoshop ?

- - Pourquoi voudriez-vous que je dessine sur la photo alors que la nature est si belle, je n’ai pas besoin de la réinventer.

- - Mais ces formes, ces lignes, c’est vous qui ?

-  - Non, je n’ai rien fait, je me suis borné à prendre la photo.

-  - Ce n’est pas possible…

- - Écoutez, je ne trafique pas mes photos, je n’ai pas besoin de rajouter des détails pour les rendre plus attractives, je suis un photographe traditionnel, je vois ce que d’autres ne remarquent pas et je saisis l’instant, c’est tout.

- - Vous êtes sûr ?

- - Faîtes-moi confiance.

Trois quart d’heure à tout regarder, à scruter dans les moindres détails, des dessins, des tableaux, des photos, tout ce que je faisais le fascinait, est-ce pour autant qu’il acheta une pièce ? Non, il se contenta de découvrir et de prendre ma carte de visite en s’excusant d’avoir donné la dernière à quelqu’un d’autre. Il me donna son nom que je n’eu pas de mal à retenir, il s’appelait Al Bayit et je fis un jeu de mot en lui disant :

- - So next time you see my work, ya’all buy it ?

- - Sorry ? ya’all buy it ? ya’all buy it ? Ah ! very good, very good.

Il me serra chaleureusement la main et je ne revis plus jamais cet homme extraordinaire, mais ce fut un véritable plaisir de faire sa connaissance.

Lorsque je dis que les diamants se trouvent dans la fange, ce jour-là, j’avais découvert ce diamant et je me sentais bien et cela me changeait des pissefroids de l’ambassade.

Allez, nous vivons une époque formidable…


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