Le volcan islandais continue de semer désordre et zizanie
Qu’il s’agisse des gouvernements, des météorologues, des vulcanologues, visiblement personne ne veut admettre que la colčre gronde, qu’une violente éruption menace au sein de l’industrie des transports aériens : le grand désordre provoqué par le volcan Eyjafjallajokul n’en finit plus, connaît rechutes et accalmies en męme temps que la fermeture répétée de parties de l’espace aérien européen. Et cela sur des bases qui sont aussi difficiles ŕ comprendre que le nom du volcan est impossible ŕ prononcer.
Au-delŕ des inconnues scientifiques qui subsistent, c’est l’inertie des autorités qui surprend. Les gouvernements se hâtent lentement et l’Europe, aprčs une éphémčre prise de conscience, redevient inaudible. La prochaine réunion des ministres de Transport est convoquée ….pour le 24 juin. Giovanni Bisignani, directeur général de l’IATA, s’étouffe de rage tandis qu’Ulrich Schulte-Strathaus, secrétaire général de l’AEA, exprime sa vindicte sans précautions oratoires. Mieux, il pointe du doigt le Volcanic Ash Advisory Center (le VAAC basé ŕ Londres) et clame sa déception. En un mot comme en 100, le systčme ne fonctionne pas, il ne prend pas en compte la réalité quotidienne de l’industrie des transports aériens et témoigne d’une inertie bien éloignée de la vraie vie opérationnelle des compagnies. La perte de confiance est consommée.
Shulte-Strathaus prend pour exemple –une fois n’est pas coutume- la maničre de faire française, de caractčre national. Laquelle, pragmatique, est basée sur des vols de vérification et les informations fournies par le réseau de Météo France. D’autres pays agissent de maničre similaire mais également de maničre individuelle, comme s’il s’agissait de rappeler que l’Europe aérienne n’existe pas. Rassurons les intéressés : cet échec est connu de longue date, constat qui constitue une bien maigre consolation.
Dčs 1960, c’est-ŕ-dire trois ans ŕ peine aprčs la signature du Traité de Rome, les six Etats fondateurs du ŤMarché communť avaient décidé d’unifier leur espace aérien. Un demi-sičcle plus tard, ce n’est toujours pas tout ŕ fait chose faite, foi de volcan islandais. Il faudrait tout reprendre ŕ zéro, dans l’urgence, collecte de données, établissement de normes précises, conditions d’application de mesures préventives, etc. Il faudrait dans le męme temps redéfinir le sacro-saint principe de précaution, analyser la gestion du risque. Et, pour faire court, témoigner d’un dynamisme actuellement absent.
D’un jour ŕ l’autre, des aéroports ferment, ouvrent, pour quelques heures, pour la journée. Eurocontrol (qui n’est en rien décisionnaire) confirme ŕ l’occasion la suppression de quelques milliers de vol, s’exprimant comme s’il s’agissait de rappeler son existence. Au point oů nous en sommes, l’organisme bruxellois finira par se plaindre d’un cruel manque ŕ gagner pour cause de moindres redevances perçues ! Dublin, Heathrow, Gatwick, Amsterdam, Munich, d’autres encore, ont ŕ nouveau épisodiquement fermé leurs pistes cette semaine, entraînant l’annulation de centaines de vols, bloquant des dizaines de milliers de passagers, désorganisant l’acheminement du fret, du courrier.
Giovanni Bisignani évoque avec raison Ťune faillite inexcusableť de l’Europe. Il réclame des décisions basées sur des faits et non pas des modčles théoriques non corroborés. En l’écoutant, on ręve de l’apparition d’un acteur au-dessus des partis qui frapperait du poing sur la table, ferait des propositions, exigerait des résultats rapides. Et non pas de nouvelles études, de belles analyses, conduites sans se presser et destinées ŕ se couvrir de poussičre dans les bibliothčques officielles.
Aucun politique ne semble disposé ŕ saisir la balle au bond, ŕ sortir du rang, ŕ prendre les choses en main. Ni en France, ni ailleurs. C’est lŕ que réside l’autre raison de profonde déception issue de cette curieuse crise volcanique : l’aviation commerciale ne peut compter que sur elle-męme. Bisignani et Shultte-Strathaus pourraient peut-ętre trouver un terrain d’entente pour racheter les volcans islandais et, aussitôt cette privatisation menée ŕ bien, ils couleraient du ciment dans les cratčres. Quitte ŕ envoyer la facture ŕ la Commission européenne.
Pierre Sparaco-AeroMorning