En route pour la Coupe du Monde : le commentaire des 24

Publié le 19 mai 2010 par Deschibresetdeslettres

Ils auraient pu garder ça pour eux et faire comme à leur habitude : refaire le monde du ballon rond entre plusieurs rasades de vin rouge, devant un écran scintillant de joueurs modélisés, devant des schémas de jeu inventifs et travaillés : devant FIFA 10 ; mais cette-fois, à l'occasion de la première envolée mondiale pour le continent africain, ils ont décidé de vous faire partager leurs discussions. Pour le meilleur et pour le pire.
J.L.L : Domenech croit à l'astrologie, c'est acquis. Mais je découvre maintenant qu'il est aussi très sensible l'idée d'Éternel retour. 2010 est comme 2006 : pas de plan de jeu, même lynchage médiatique, même façon d'être enterré avant le début de la compétition ; et à maux identiques, remèdes identiques : on appelle un petit Marseillais puceau et affreusement laid pour occuper le flan droit. Le parallèle entre Ribéry et Valbuena est tout de même saisissant, à la différence que si Franck l'affreux suivait une trajectoire ascensionnelle plutôt cohérente, Valbuena lui enchaîne les éclosions, les implosions et les résurrections. Inquiétant parce que ça prouve selon moi que le Petit Vélo est plus proche de rentrer dans le rang que de franchir un palier. L'Éternel retour ça marche tout aussi bien avec lui : joueur cyclique parce que limité. Est-ce que tu penses, toi, qu'il peut avoir le moindre impact dans cette Équipe de France ?


A.C. :
J'étais très enthousiaste à l'annonce des 30 joueurs, et je le suis beaucoup moins depuis ce midi. Faire croire à un renouveau, jouer la carte du sélectionneur qui en impose pour finalement revenir, la queue entre les jambes, aux fondamentaux sclérosés, ça me désespère et ça m'ennuie ; et je suis pourtant loin d'être partisan du Domenech bashing. On reviendra avec plaisir, si tu veux, aux autres cas épineux, mais commençons par Valbuena.
Pour avoir vu la grande majorité de ses matches cette année, je pense que c'est un très bon joueur de Ligue 1 qui, lorsqu'il est inséré au sein d'un collectif rôdé et à une place bien définie, comme à l'OM, rend des copies le plus souvent très propres, et parfois parsemées de quelques coups d'éclats. Seulement il me semble assez peu adapté au rôle de joker qui lui est promis en Afrique du Sud, d'abord du fait de ses qualités intrinsèques, qui en font plus un joueur de complément apte à s'insérer dans une mécanique qu'il connaît bien, qu'un créateur capable de percuter, de distribuer, de renverser le cours d'un match indécis ; ensuite parce que j'estime qu'il y a bien meilleur que lui, que ce soit dans la vision du jeu (Nasri, qui semble évincé pour cause d'incompatibilité caractérielle), ou vis-à-vis de la technique pure et de la vitesse d'exécution (Ben Arfa, que j'aime d'amour, certainement trop inconstant dans son talent mais également bien plus prometteur en tant qu'impact player). En somme Valbuena me semble bien correspondre à cette liste de 24, honnête mais consensuelle, potentiellement surprenante mais finalement peu remuante.
J.L.L : Je te suis au mot près concernant Valbuena, je n'ai pas envie que pour joker, nous ayons droit à des entrées sérieuses mais besogneuses. Je voulais précisément quelque chose de plus épicé, de plus risqué, à la réussite plus incertaine mais potentiellement beaucoup plus grande – je parle bien évidemment de Ben Arfa. Valbuena, tu le dis bien, c'est la surprise molle, le consensus du vestiaire, cette même envie d'équipe lisse qui a écarté Benzema, Nasri ou même Vieira. On peut le dire comme ça : Domenech a fait le choix des charentaises. Il croit qu'on l'a pas repéré avec la mise à l'écart du suceur Boumsong, mais nous aussi on est malins, ses diversions ne marchent pas. Valbuena, ce ne n'est rien d'autre qu'une belle histoire écrite par les médias et dont Domenech s'empare pour pas s'emmerder.
A.C. : Pour finir là-dessus, si je vois Valbuena ne serait-ce qu'une seule fois en boxer multicolore sur les pelouses africaines, je supporte la Nouvelle-Zélande.
Il y a un autre sujet vis-à-vis duquel je suis circonspect, c'est la méforme de Gallas et son potentiel remplacement. Étant donné que s'il part, l'équipe ne comportera que trois purs défenseurs centraux, qu'est-ce que tu imagines ?
J.L.L :
Tu fais bien d'y venir, parce que c'est un des signaux principaux de cette réduction à 24. Domenech a sélectionné un offensif de plus que prévu en renvoyant Rami à la maison. Et l'enseignement me semble clair : il compte sur Toulalan en défense centrale. Si Gallas est présent, ce sera comme première rotation derrière Gallas-Abidal. Si par contre Gallas est écarté, ça ouvre deux possibilités. Ou bien Toulalan redescend d'un cran pour toute la compétition, ou bien Squillacci va devoir poser ses couilles sur la table. Dans tous les cas ça ne fait pas très envie.

A.C. :
C'est tout à fait ça. Et personnellement je ne pense pas que Domenech misera sur Squillacci, et encore moins sur Planus pour des raisons différentes, pour un poste de titulaire. Si Gallas part (ce qui au final ne me déplairait pas tant que ça, je trouve ce joueur de plus en plus incertain, le pendant défensif de Henry en quelque sorte) je vois donc clairement Toulalan en défense centrale aux côtés d'Abidal. Du coup au milieu, j'imagine qu'on aura encore droit à une paire de doublons, les Diarra². Je dis ça parce que je pense que Domenech est très peu flexible, surtout en phase finale, mais secrètement je rêve de Lass en 6, de Gourcuff en 8, d'un trident composé de Malouda à gauche, de Ribéry à droite, et d'Anelka en 9 1/2 autour d'une pointe. Choisis ton numéro 9, allez, Cissé dans tes rêves les plus fous, de toute façon cette compo n'existera jamais ailleurs que dans mes fantasmes. Tu en penses quoi ?

J.L.L. :
Je te vois allongé dans l'herbe, sur un matelas de marguerites, pensant rêveusement à cette équipe avec un sourire de satisfaction et des images de jeu en triangle plein la tête. C'est un plaisir auquel je peux souscrire, mais qui me paraît bien loin des exigences de la réalité. Si Gallas est absent et qu'effectivement Toulalan recule d'un cran, je ne pense pas qu'on doive tomber en cascade dans la fantaisie la plus pure. Gourcuff en relayeur, c'est à moyen-terme une solution, mais si notre charnière centrale est composée d'un latéral gauche et d'un milieu défensif, je ne pense pas qu'on puisse faire l'économie d'un Alou Diarra pour verrouiller le secteur défensif, sécuriser de la tête et pallier si besoin les erreurs de placement de ses camarades.
En fait je pense que quoiqu'il arrive, notre 4-2-3-1 est indéboulonable. Cela ne me fait pas rêver, car on a aucun avant-centre qui se dégage vraiment, mais c'est comme ça, cette structure est sans doute la moins pire pour nous. Ribéry – Gourcuff – Malouda à l'animation, ça me semble bouclé. Il reste cette position de pur avant-centre à pourvoir. C'est une des énigmes qui se posent à nous. Henry reste notre capitaine et notre joueur le plus décisif depuis un nombre considérable d'année. Je pense que cela peut le porter. Il ne fera pas une coupe du monde explosive, bien entendu, mais je le sens encore capable de nous aider dans plus d'une situation difficile. À cause de son âge et de sa condition physique, je le vois sortir assez tôt dans le match, remplacé par Anelka, qui quoi qu'on en dise reste un joueur bâtard qui ne fait pas une saison si extraordinaire que ça. Cissé en potentiel booster. Et Gignac, et si finalement c'était lui était amené à partir et pas Planus ?
A.C. : Remplacer un 6 par un 8 un peu plus offensif et un 10 par un 9 1/2 je dirais sobrement que c'est loin d'être une illumination fantaisiste, mais soit. De toute manière comme je le disais, ça n'arrivera jamais, je pense que Domenech est finalement, malgré sa surprise dans chaque liste tous les deux ans, très inflexible quant à ses principes premiers.
J'ai la même analyse que toi en ce qui concerne la pointe, si Henry n'est pas à gauche (ce serait un scandale au regard de la saison de Malouda) il sera en pointe, secondé par Anelka. Et par conséquent en effet, si dans l'esprit de Domenech on joue la compétition en 4-2-3-1 tout moche, c'est clairement un attaquant qui sera le 24e. Et donc, à mon sens, Gignac. L'autre possibilité, je pense que c'est Clichy. Le poste de latéral gauche est le seul qui soit triplé, voire quadruplé selon les arrangements (Evra, Abidal, Réveillère, Clichy). J'imagine donc qu'un des deux pourrait nous quitter assez vite si Gallas était conservé, ce qui selon toute vraisemblance est très loin d'être acquis.
J.L.L. : De toute façon, je pense que là on s'attaque à des spéculations vraiment peu productives, même si je tiens à dire que je ne crois pas à l'hypothèse Clichy (Abidal partant pour être titulaire au centre, on ne peut pas l'envisager comme rotation sur un côté. S'il arrive qu'un latéral glisse dans l'axe, l'inverse n'arrive jamais). Ce vingt-quatrième, qui qu'il soit, sera triste, mais ça ne changera fondamentalement rien à l'équipe. Et puis qui sait, peut-être que Domenech gardera Gallas, virera Planus, et une fois en Afrique du Sud constatera que Gallas n'est pas prêt et rappellera Pirès. Fou.
On reste là-dessus pour aujourd'hui ?
A.C. : Il existe une multitude d'exemples de défenseurs axiaux ayant migré sur un des côtés pour les besoins de l'équipe, mais ça n'a pas beaucoup d'importance. Comme tu le dis, ça ne changera fondamentalement rien à la structure de l'équipe.
Bien à toi J.L.L.
J.L.L. : Merci A.C.
Équipes-types probables (avec et sans Gallas)


Textes : Axel Cadieux et Julien Lafond-Laumond
Illustration : Andréa Fradin
Muse : Raymond Domenech