Magazine Bourse

Faut-il avoir peur de l’euro ? / par Alain Sueur

Publié le 20 mai 2010 par Alains

La dette des États fait peur aux marchés et c'est heureux. On ne terminera pas le cycle d'innovation Kondratiev précédent sans éponger les dettes accumulées. La peur est bonne conseillère, elle pousse les gouvernements à dramatiser pour faire passer les mesures indispensables. Et les oppositions en profitent pour faire de la démagogie, ce qui conforte la légitimité des premiers.

 Parmi les États, ceux d'Europe sont dans le collimateur, ce qui était inattendu. Mais l'explication réside non dans le passé (le recours à l'endettement a été mondial), ni même dans le présent (la gouvernance européenne n'est pas fameuse mais les obstacles du Congrès américain ou de la nouvelle coalition anglaise, et l'absence de soupapes démocratiques en Asie ne valent guère mieux) - l'explication réside en l'avenir. L'avenir, c'est la croissance : l'Asie flambe (la Chine tempère sa croissance trop forte, le Japon connaît son 4ème trimestre consécutif de croissance), les États-Unis repartent vigoureusement (la Fed révise sa prévision de croissance 2009 de 3.2 à 3.7% contre 2.8 à 3.5%). Seule l'Europe de l'euro stagne.

2010 05 euro dollar 2ans

A court terme, la monnaie unique est sauvée, le plan de 750 milliards d'euros pour venir en aide aux États en difficulté suffit. L'euro baisse, ce qui est l'équivalent d'une dévaluation et va aider la zone. L'essentiel de sa baisse est probablement faite à court terme. Les échanges internes ne seront pas affectés, les exportations hors zone seront favorisées, seules les énergies fossiles et les matières premières importées seront plus chères.  

A moyen terme, le pacte de stabilité a montré son mauvais fonctionnement, fondé sur la morale. Rien ne vaut les contrôles effectifs d'une instance supérieure pour forcer les gouvernements à ne pas mentir et à agir pour garder leur légitimité. Certains crient au déni de démocratie lorsque les Parlements sont surveillés pour la dépense publique - mais où est la démocratie lorsqu'elle s'appelle mensonge et démagogie ? Qui empêche les parlementaires des pays de la zone de se concerter en amont de la réunion gouvernementale des ministres ? Les politiciens seraient plus crédibles s'ils avaient montré leur efficacité et leur vertu, et s'ils proposaient des mesures positives. A moyen terme, donc se pose le problème de la monnaie unique. Elle ne peut aller - chacun le sait depuis l'origine - sans une certaine dose de coordination entre budgets, fiscalité et incitations économiques. Manquent à l'Europe cette coordination ainsi que des projets communs financés. Le budget surpranational est à un niveau ridicule (1% du PIB) et la coordination s'arrête à chaque élection locale dans l'un des 16 pays de la zone ! Ce n'est pas raisonnable et les marchés le font sentir. Ils ont raison. Le fonds de solidarité permet de se donner du temps pour résoudre cette question.

Sauf si l’inflation revient, la dette ne sera pas résorbée avant des décennies pour la plupart des pays, compte-tenu des faibles perspectives de croissance en zone euro. Reste à examiner chaque cas en fonction de qui détient la dette, quelles sont les capacités à dégager du surplus pour rembourser, et quels sont les actifs détenus à l'étranger en garantie. En bref, un pays endetté est-il crédible ? L'Islande et le Royaume-Uni maîtrisent leur monnaie, ils peuvent dévaluer; la Grèce et le Portugal, insérés dans l'euro, ne le peuvent pas. L'Allemagne, les Pays-Bas et l'Autriche ont des surplus de balance courante, pas l'Espagne ni l'Italie. L'Allemagne, le Royaume-Uni, la France, l'Italie et les Pays-Bas ont plus d'actifs industriels hors territoire que les étrangers n'en ont chez eux. 

La question se pose donc surtout pour la Grèce, le Portugal et l'Espagne, bien moins pour les autres pays. Surtout si des signes sont donnés aux créanciers que le déficit public est pris en compte (marchés mais aussi fonds de retraites, assureurs et particuliers). L’idée d'inscrire des limites dans la Constitution est solennelle, mais convient bien au moment, n'en déplaise aux jacobins.

Cac eurostoxx

Que la bourse baisse était prévisible (voir mes vœux de janvier et ma note du 22 avril).L'indice CAC40 est d'ailleurs plus mal orienté que l'indice EuroStoxx50 - où les valeurs allemandes rassurent. Mais comme souvent, les réactions épidermiques des traders et les déclarations fracassantes des politiciens masquent les vrais changements. On avait déjà, en avril 2009, permis aux banques d’évaluer les produits toxiques selon leurs modèles. La Fed a réaffirmé qu’elle ne remonterait pas les taux avant que l’emploi ne s’améliore. C’est la BCE cette fois qui a pris la décision cruciale : acheter les emprunts d’États de la zone euro en dernier ressort. 

Le marché n’a donc aucune raison objective d’avoir peur. Il prend seulement prétexte des événements pour corriger enfin son année continue de hausse. Jusqu’où ? - là est la question, mais il est trop tôt à notre avis pour craindre dès aujourd’hui le double-creux qui sanctionne tout mouvement baissier. Une crise du type 1929 prend une bonne décennie à se résorber…


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Alains 53 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog

Magazines