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Rockstar's Redemption

Publié le 19 mai 2010 par Eric Viennot
RDR_03 Loin du grand barnum cannois, les propos les plus brillants que j’ai pu lire récemment sur le cinéma ont été tenus de manière étonnante par… un créateur de jeux vidéo ! Bien-sûr, il ne s’agit pas de n’importe quel créateur : Dan Houser, co-fondateur et directeur créatif d’un des studios les plus respectés de notre industrie : Rockstar. Parmi les game designers il est peut-être celui qui aspire à la plus haute ambition artistique pour son médium.

Interviewé par le New York Times à l’occasion de la sortie de sa dernière production, Red Dead Redemption, qui tente une incursion brillante dans un genre jusque là peu traité dans le jeu vidéo, Dan Houser s’interroge sur l’origine du mot western : « Les westerns traitent de lieux spécifiques. On ne les appelle pas des films de hors-la-loi. On ne les appelle pas, non plus, des films de cow-boys et d’indiens. On les appelle des westerns. Ils sont ancrés dans l’espace. Il s’agit d’un genre qui est en soi lié à l’espace. Et vous parlez d’un médium, les jeux vidéo, dont la seule chose qu’ils font indubitablement mieux que d’autres médiums est de représenter l’espace. »

Ces propos sidérants de clairvoyance auraient pu être tenus par un Jean-Luc Godard de la grande époque. S’ils sortent aujourd’hui de la bouche d’un créateur de jeux vidéo, c’est parce qu’à chacune de ses interventions, Dan Houser tente de replacer son art dans une perspective historique, en essayant de cerner à chaque fois ce qui fait sa spécificité, en premier lieu par rapport au cinéma, dont il est un fin connaisseur.

Parler du western c’est s’inscrire d’emblée dans une tradition historique, celle qui a fait naître un certain nombre des plus grands chefs-d’œuvre du 7ème art depuis The Great Train Robbery, qui a défini les bases du film d’action, avec l’invention du montage alterné, jusqu’aux films de Peckinpah ou d’Eastwood, en passant évidemment par Ford, Hawks, Léone et tant d'autres.

Réinventer le genre grâce au jeu vidéo, c’est forcément se confronter à cette tradition, comme certains cinéastes se sont confrontés, à un moment donné, dans leur démarche artistique, à de grands peintres. Dans la liste des films que Houser a cités à Libération comme principale source d’inspiration, on trouve, à côté de quelques classiques, des films moins connus aujourd’hui, qui prouvent, s’il le fallait, avec quel sérieux et quelle passion Rockstar a relevé ce défi.

RDR_01
Ce qui m’a le plus étonné, dans cette dernière interview, c’est la façon dont Houser décrit de manière poétique son attachement pour le genre, son esthétique particulière, énumérant avec précision « la lumière, les couchers de soleil, les particules de poussière dans l’air, les chevaux et leur façon de bouger, le lasso, les expressions sur les visages… ».

Ce sont des propos qu’on avait peu l’habitude de l’entendre tenir. Ils donnent à sa démarche une nouvelle dimension, plus assagi par rapport aux interviews rentre-dedans données à l’occasion des scandales suscités par Manhunt ou GTA. Cela sonne littéralement (certains l’ont déjà souligné) comme une tentative de rédemption du jeu vidéo lui-même, avec Rockstar en porte drapeau, et qui, grâce à lui, pourrait recueillir enfin ses lettres de noblesse. D’après les premiers échos de proches qui ont pu tester le titre, cela transparait dans certaines dimensions du jeu lui-même : RDR semble avoir une profondeur, une âme dirait certains, que GTA, malgré toutes ses qualités, ne possédait pas.

Gamin, j’ai grandi dans les années 60 en regardant une multitude de westerns. On les regardait, souvent le dimanche après-midi en groupe, tassés dans la cuisine des voisins. Ils étaient 6 enfants. J’étais en admiration devant les plus grands qui devaient avoir 15 ou 16 ans. Des gueules et déjà la démarche de vrais cow-boys. J’étais secrètement amoureux de la grande sœur aux cheveux aussi longs que ces belles indiennes qu’on admirait sur l’écran, mon copain et moi. Quand nous partions pour nos longues excursions dans les montagnes environnantes, (j’habitais à la campagne), je m’imaginais comme ces cow-boys solitaires qu’on voyait à la fin du film partir au loin pour de nouvelles aventures. C’est peut-être de cette époque que date mon attirance pour les belles histoires, l’envie d’en créer à mon tour. Comme de nombreux gosses de l’époque, le western a forgé mon imaginaire d’enfant.

Voilà, pourquoi, au-delà des propos passionnants de Dan Houser, j’attends avec une certaine impatience la possibilité de mettre la main sur Red Dead Redemption. Le genre d’impatience qui devait habiter John Wayne dans Rio Bravo, pressé de coffrer le méchant Nathan Burdett.

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