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Un repas de temps de crise

Publié le 16 mai 2010 par H16

Petite chaîne du dimanche, initiée cette fois-ci par Peuples.net, qui a découvert le résultat d’une étude tendant à montrer que les fast-foods auraient des effets comparables aux drogues dures sur le cerveau des rats… Partant de là, une question taraude le blogueur : en ces temps de criiiiise de plus en plus prononcée, quelle peut être la solution de remplacement au fast-food sachant qu’il faut viser un budget de plus en plus rikiki ?

Si ce genre de sujet n’est pas l’occasion de réflexions décousues et de crêpes au sucre, autant laisser tomber !

Cependant, ici, foin de crêpes au sucre.

D’abord, en temps de crise, les crêpes, ça fait trop festif. Pire : ça risque d’attirer les voisins, ameutés par les joyeuses rigolades qu’un repas de crêpes arrosées d’un bon cidre fermier entraîne toujours. Eh oui : dans une France lentement mais sûrement plongée dans ses heures les plus sombres avec – bientôt – des tickets de rationnement, des files d’attentes devant le boucher, ou des pénuries drastiques sur les biens de première nécessité, on n’aura plus vraiment l’occasion de faire la fête.

Pas de crêpes au sucre, donc.

Mais j’ai trouvé un bon remplaçant. Moins festif, très très roboratif au point de compter parmi les indispensables des trousses de secours comme cataplasme stomacal d’urgence, je vous propose un bon petit Kouign Amann, les enfants !

Un repas de temps de crise

Avant d’aller plus loin, sachez que la recette d’une telle préparation n’est pas pour les petits mickeys de l’improvisation culinaire. Un kouign-amann est facile à rater.

Pourtant, question composition, c’est assez simple. Pour huit personnes, on prendra 400g de farine, 400g de beurre demi-sel (tout autre beurre que le demi-sel est un affreux succédané qui devrait être interdit) et 400g de sucre. Voyez, c’est très simple. Certains connaissent le quatre-quart (miam), il s’agit ici d’une version bretonne, le trois-tiers. On peut ajouter un peu d’eau (25 cl), histoire d’aider à délayer tout ça, et de levure de boulanger pour obtenir un petit gonflement, mais la base est là.

Question préparation, à présent, cela reviendra presque à faire une pâte à pain. Dans un premier temps, délayez la levure de boulanger dans de l’eau chaude (mais non bouillante, afin de ne point altérer les propriétés chimiques de la levure, et pour éviter de se brûler, parce que je le sais, vous n’êtes pas doué – c’est la crise, on est fatigué, et on se brûle connement avec de l’eau en faisant une recette compliquée). Versez la farine dans une terrine et faites une fontaine. C’est ludique. Vous pourrez ensuite y verser la levure et mélanger le tout. Roulez en boule (le résultat obtenu, pas vous) et laissez reposer vingt minutes.

Pendant ces vingt minutes, vous pourrez, par exemple, lire cet édifiant article du Temps sur l’application pratique d’un paradis collectiviste communiste dans un pays qui regorge de ressources naturelles, le Vénézuéla. Ils en sont à l’étape Pénuries, et importent de l’essence. Pour un pays qui dispose de pétrole comme la France de taxes, c’est presque amusant. L’étape suivante, famine et misère généralisée, arrive doucement. J’en parle ici tout simplement parce qu’il existe une probabilité non nulle que la France suive le même petit chemin qui ne sent pas la noisette. Les repas de temps de crise ne seront donc pas inutiles pour emmagasiner des calories et tenir plusieurs jours en attendant la prochaine livraison du magasin d’état.

L’article est digéré ? Bien. Passons à la suite : avec un rouleau à pâtisserie, formez un rectangle avec la pâte. Vous pouvez aussi faire un cœur ou des formes bizarres comme des petits canards ou un éléphant, mais l’expérience prouve que le rectangle est largement la forme la plus efficace pour ce qui va suivre.

Enduisez généreusement la pâte du beurre ramolli à température ambiante et étalez-le à 2cm du bord. Saupoudrez de sucre. Allez-y généreusement. 400g à étaler. Zou. Dans ce mouvement à la fois ample et auguste de la semeuse qui a disparu des pièces en Euro mais pourrait réapparaître bien vite sur des improvisations de monnaie quand tout le système se sera effondré, bref, avec une impulsion savamment dosée, pliez quatre fois votre rectangle et laissez reposer vingt autres minutes.

Ici, je pourrai vous parler de l’histoire passionnante de cette pâtisserie à la fois délicieuse et calorique au point de servir, dit-on, dans certains propulseurs pour fusées ultramodernes (on me chuchote qu’on aurait ainsi plus de 700 km d’autonomie dans une voiture qui serait propulsée au Kouign Amann). Je me contenterai d’évoquer rapidement les boissons qu’on pourra accommoder avec le gâteau : on prendra un bon cidre fermier, par exemple de la Forêt-Fouesnant, brut évidemment, avec ce petit goût de pommes un peu râpeux dans le fond mais qui, dans une même déglutition, amène fraîcheur, légère acidité nécessaire à dissoudre le gâteau, et coupe les jambes, vous évitant ainsi toute velléité de prendre le volant, le ventre plein et les sens émoussés : un repas « approuvé Sécurité Routière », en somme.

Mais voilà, le temps passe et il est temps de tourner la pâte d’un quart de tour et de l’étirer, puis de la plier encore 3 fois, et de la laisser reposer encore une fois vingt minutes. On doit normalement renouveler toute cette opération trois fois : plier puis laisser reposer. Comme je l’ai dit, ce n’est pas un truc qui se fait en 10 minutes avant le repas.

Là encore, on comprend l’intérêt : en temps de crise, lorsqu’on n’a plus d’électricité (donc plus d’internet ou de télé), on s’ennuie comme un rat crevé ou, disons, un rat qui mange trop de burgers. Faire un Kouign-Amann constitue un excellent passe temps.

L’heure de la cuisson est arrivée ? Très bien, c’est le moment d’agir.

Comme un agile félin bondissant sur sa proie pleine de gras et de sucre, enduisez un moule avec du beurre et placez-y votre pâte. Si elle s’effrite un peu, ce n’est pas grave, cela veut simplement dire que la levure commence à faire effet. Et pendant les quarante minutes qui suivent, vous pourrez faire cuire au four à 200° (je ne sais pas quel thermostat ça fait ne m’enquiquinez pas avec les thermostats compter avec des thermostats c’est nul ça devrait être interdit les thermostats je hais les échelles de thermostat c’est pourri quelle idée idiote).

On aura ensuite la présence d’esprit de servir le résultat tiède, et de préférence dans les heures qui suivent la cuisson.

Froid et trop longtemps après, le gâteau peut en effet devenir un tantinet solide. En temps de crise, si vous avez trop attendu, votre gâteau pourra être utilisé comme projectile vers les forces de l’ordre fasciste qui seront mises en place par le gouvernement révolutionnaire fantoche (probablement à la solde de la CIA, du capitalisme triomphant ou d’un communisme quelconque).

L’avantage, en tout cas, de ce gâteau, est que ses composants peuvent être très facilement stockés et conservés longtemps avant le basculement en situation de pénurie. Je vous encourage donc, en plus de mes conseils renouvelés à acheter de l’or et de l’argent en pièces, et du plomb en petites billes, à vous procurer de quoi stocker d’amples quantités de sucre, de farine et de beurre (demi-sel, le beurre, le reste, c’est de la chimie sans intérêt).

Et du cidre, bien sûr.

Bon dimanche, et bonne dégustation.


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