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L'individualisme est un humaniste (troisième partie suite et fin)

Publié le 06 décembre 2007 par Christophe Foraison
marc-riboud-le-peintre-de-la-tour-eiffel-1953.jpg Apparemment la série de billets sur ce thème vous a plu (si j'en juge par vos commentaires et le nombre de lecteurs).
En même temps, je m'aperçoit qu'une majorité d'entre vous attend des articles de sociologie (voir le sondage express à droite).

Voici le dernier article consacré aux analyses de François de Singly.  Après avoir commenté l'individualisme citoyen et relationnel (voir ici), puis l'individualisme compétitif (voir ici), nous terminerons par l'individualisme humaniste.


Pour de Singly, l'individualisme moderne va crée de nouvelles inégalités qui seront différentes des inégalités précédentes.


Marc Riboud le peintre de la tour Eiffel (1953)

En effet, les conflits sociaux passés ont montré que les inégalités étaient vécues sur un mode collectif (les salariés vs les employeurs).
Ce qui avait deux conséquences:

- la première est de fournir une certaine légitimation à ces inégalités.
Ainsi, l'école de Jules Ferry était, comme l'a bien montré François Dubet, profondément inégalitaire (l'école primaire pour les enfants du peuple; le collège et le lycée pour les autres).
Mais ces inégalités n'étaient pas considérées comme injustes: ce n'était pas l'individu qui en était rendu responsable, mais son appartenance à tel ou tel groupe social. C'est le même raisonnement pour l'ouvrier qui pouvait justifier sa condition par le simple fait qu'il appartenait à la classe ouvrière.

- la deuxième conséquence (liée à la première) est que, par des actions collectives (grèves, luttes sociales...), on pouvait améliorer le sort du groupe social auquel on appartenait. La sécurité sociale, les droits sociaux ont été des conquêtes collectives issues des antagonismes entre groupes sociaux.


21patron_ouvrier-1.jpg

Aujourd'hui, rien de tel. Les inégalités sont vécues sur le mode individuel (c'est l'autre versant de "la méritocratie" dont François de Singly a montré qu'elle a pris son essor au milieu des années soixante).
C'est l'individu lui-même qui est rendu responsable (coupable ?) de sa situation.
Ce qui ne débouche plus vraiment sur des actions collectives
, mais sur de la frustration et de la violence chez ceux qui ne peuvent plus invoquer les causes sociales (qualifiées d'"excuses" ) de leur échec.


giacometti33.jpg
   sculpture d' Alberto Giacometti
"Aussi, l’individualisme, pour être un humanisme, ne doit pas laisser faire seulement la régulation par le marché et la concurrence. Il doit placer des biens et des reconnaissances hors épreuves, hors mérites, hors performances. L’individu a besoin de recevoir d’autres formes de reconnaissance qui n’obéissent pas aux mêmes règles, comme le fait d’être aimé, le fait d’être citoyen. L’individu conserve une valeur intrinsèque, même si aucune institution, aucune autre personne ne le reconnaît à titre personnel. Cette valeur non négociable renvoie à ce qui est commun à tous : l’appartenance à l’humanité. C’est ce que désigne cette dernière forme d’individualisme "
Source: F.de Singly: l'indidividualisme est un humanisme, éditions de l'aube 2005


Cette forme d'individualisme doit tempérer les excès de l'individualisme compétitif et relationnel.
A cet égard, la mise en place de la Couverture Maladie Universelle est exemplaire. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas de ressources que l'on n'a pas droit à une couverture médicale. Elle me parait illustrer une manifestation de cet individualisme humaniste.
Que vont devenir ceux qui n'ont pas, par leur mérite (réel ou présupposé) réussi leur scolarité ou leur vie professionnelle (les perdants de l'individualisme compétitif) ?
Doit-on laisser de côté les élèves qui ne réussissent pas, les salariés d'éxécution qui n'ont pas un emploi dit prestigieux ou ceux que Robert Castel appelle les surnuméraires (ceux qui "sont en trop": chômeurs, Rmistes...) ?
Quel sera le sort de ceux qui auront été marqués négativement dans leur quête de reconnaissance (individualisme relationnel) ?
Doit-on les laisser dans leur infinie solitude ?
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Allez, je vous laisse d'abord avec Coluche (qui nous donne une leçon d'humanité ???)

Et puis, Camille Bazbaz, c'est de circonstance, non ?



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