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La face cachée de Shanghai

Publié le 25 mai 2010 par Littlestylebox

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Avec l'exposition universelle, le monde entier a les yeux braqués sur Shanghai. L'image la plus courante représente le quartier d'affaire de Pudong, symbole de la puissance économique chinoise, ou les bâtiments flambants neufs de l'expo... La photo ci-dessus représente pour moi beaucoup plus la réalité de Shanghai : un mix entre immeubles d'habitation laidement plantés, autoroutes crevant la ville et quartiers chinois coupés de minuscules ruelles.
Avant de repartir pour Paris, j'ai voulu partir seul à l'exploration de ces quartiers traditionnels. En général en Occident, les bâtiments sont construits chacun comme des espaces indépendants avec des entrées le long des rues principales. A Shanghai, chaque bloc entre plusieurs rues est constitué d'un ensemble de petites ruelles parfois pas plus larges qu'un mètre menant à différents bâtiments. On ne pénètre pas dans les bâtiments par la rue principale, mais en passant par ce réseau de petites ruelles. Pour rentrer dans ces blocs, il faut passer des petites grilles entrouvertes, parfois gardées (on en voit une sur la 1ère photo). Peu d'étrangers y pénètrent, tout simplement, parce qu'ils ne font pas partie des circuits touristiques ou parce qu'il n'y a pas grand chose à y voir... C'est pourtant dans ces quartiers que bat le coeur de la ville.
Je pénètre dans ce premier bloc par Beijing Xi Lu, le garde à la porte me regarde circonspect mais me laisse passer sans me poser de question. Dans ce premier quartier, les maisons font 2 à 3 étages et les ruelles sont assez larges.

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Un petit passage perpendiculaire m'amène sur la ruelle suivante. Étonnamment, l'ambiance est assez calme. Entre les immeubles, des fils tirés servent à sécher le linge. Des passants vaquent à leur occupation. Des vélos abandonnés trainent sur le sol.

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Le quartier semble relativement aisé, les maisons sont en dur. Certaines ont la climatisation installées. J'essaye plusieurs fois de discuter avec des chinois, mais ceux-ci ne sont pas trop loquaces. Un vieil homme avec un fort accent de Shanghai et une veste à col mao finit par venir me voir et me demander ce que je fais là. Je lui dis que je suis étudiant en photographie (les chinois se méfient des photographes et surtout des journalistes) et que je souhaite prendre des photos de la vie à Shanghai. Il me dit avec véhémence de ne pas rester ici : Xiao difang mei youyong. Qu Malu ! (les petits endroits ne servent à rien, allez sur la rue !). Apparemment, tout ce qui se passe derrière la façade des immeubles n'est pas intéressant. Un petit attroupement commence à se faire, un homme avec un brassard rouge Anquan Pingan (volontaire de la sécurité publique) commence à s'approcher. Je décide de partir tout de suite pour revenir sur la grande rue...
Je continue mon parcours un peu au hasard et tombe sur un affluent du Huang Pu. La promenade en béton est désertée. Je suis toujours stupéfait par la laideur des immeubles d'habitation qui le bordent, ces immeubles qui grignotent petit à petit les quartiers comme celui que je viens de visiter.

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En continuant ma route, je finis dans le quartier des magasins de matériaux de construction. Un attroupement se fait le long de la route autour d'un homme qui répare une marmite à riz. Je repère sur ma gauche une entrée dans le bloc d'immeubles. Un enfant joue au milieu, je me dis que c'est un bon présage. Je m'enfonce dans la ruelle...

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Le bloc est bien plus pauvre que le premier que j'avais visité. Pas d'eau courante dans les immeubles, les femmes restent dehors pour laver le linge ou préparer à manger. Les installations sont précaires, constituées de simples bacs en béton et de tuyaux réparés à base de sacs plastiques.

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Dans un passage abrité, deux hommes et une femme commencent à me parler. Je leur demande si ma présence les dérange et si je peux prendre des photos. Très sympathiquement, ils me répondent que je me mette à l'aise, que je peux aller à mon gré et prendre les photos que je veux. Lorsque je leur demande si je peux les prendre en photo, ils me répondent non bien sûr... Il est très rare que les chinois acceptent se faire prendre en photo, même par un étudiant en photographie ;-)
On continue par échanger des banalités. Ils me demandent pourquoi je ressemble à un chinois, je leur dis que ma mère est asiatique. Cela détend l'atmosphère, nous avons quelque chose en commun... Ils me demandent d'où je viens, pourquoi je parle chinois, ils me disent de fermer mon sac parce que comme partout, il faut faire attention, même si Shanghai est très sûr... Et puis je prends congé d'eux pour continuer ma visite.

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Je tombe ensuite sur un nouveau groupe de personnes, la femme à gauche prépare à manger, les autres discutent. On échange les présentations habituelles (Wo shi faguoren = je suis français, Wo shi sheyingxuesheng = je suis étudiant en photographie...). Une vieille dame dans un immeuble me demande de venir la voir pour la prendre en photo. Elle ne voit plus très bien et confectionne des petites barquettes avec du papier métallisé.

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Son fils (à gauche sur la photo de groupe) m'écrit ensuite son adresse pour que je puisse lui envoyer la photo par la poste une fois rentré à la maison. On discute un peu, il m'explique qu'ils sont 6 familles à vivre dans cette maison de 3 étages. Je lui demande si il peut me faire faire le tour, il hésite, il a un peu honte, mais je finis par le convaincre. Chaque famille vit dans une pièce de 3 à 6 m², avec l'électricité, mais sans eau. Un escalier encombré amène aux étages supérieurs.

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Il hésite un peu avant de me faire rentrer chez lui. C'est dans cette pièce de 6 m² qu'il habite encore avec son père et sa mère. Le sol est couvert de lino, le plafond tapissé de publicités et de sacs plastiques. Des cartons s'entassent au dessus et sous les 2 lits. Un télé antique trône au milieu de la chambre à côté des photos de famille. Il me montre la seule décoration de l'appartement, un carton récupéré d'un magasin de dvd où figurent ses films préférés: Gone with the wind, Wuthering Heights (faute comprise), la Dame aux Camelias. Je lui explique que c'est tiré d'un roman d'Alexandre Dumas. Il ne connait pas cet auteur. On finit par faire le tour du toit. Peu après, je prends congé en le remerciant chaleureusement.
Je n'oublierai pas de lui envoyer la photo de sa mère.

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Derrière la grandeur d'une ville comme Shanghai, il ne faut pas oublier que c'est cela aussi la Chine... Un développement économique qui laisse de côté une partie de la population, une misère cachée derrière les façades refaites des immeubles, une masse de travailleurs exploités dans des usines ou des mines de charbon...


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