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William Shirer, Les années du cauchemar, 1934-1945

Publié le 26 mai 2010 par Edgar @edgarpoe

shirer.jpg Un coup de chapeau tout d'abord à la collection Le goût de l'histoire, chez Texto (et suggestion à Jean-Claude Zylberstein : (ré)éditez aussi, de Shirer, La chute de la IIIème république. Si le récit est aussi bon que celui-ci, c'est indispensable).

J'avais déjà évoqué ici les Causeries du samedi, de Mendès-France. J'ai cité, sans en parler plus longuement, le Jugements dernier, de Joseph Kessel. Et ma bibliothèque contient déjà deux ou trois titres qui sont encore à lire, fort alléchants. Tout cela pour une somme fort modeste (publicité gratuite de ma part, je ne touche rien !)

Ici, il s'agit d'un récit historique qui se lit comme un polar. William Shirer a été correspondant en Europe, à Berlin la plupart du temps, de la radio américaine CBS de 1934 à 1945.

Il y a plein de choses à retirer de ce livre.   

J'ai noté quelques points :

1. La lâcheté française. Elle s'explique certainement par le traumatisme de la guerre précédente (j'ai ainsi appris que Daladier avait passé quatre années dans les tranchées), mais le lecteur qui connaît la fin de l'histoire enrage tout particulièrement de l'inaction française en mars 1935, lorsque Hitler occupe militairement la Rhénanie. Shirer pense que l'entrée en Allemagne de quelques divisions françaises aurait suffi à faire reculer, et probablement tomber, Hitler. J'ai lu récemment qu'à ce moment là, le Canard Enchaîné a titré : l'Allemagne envahit... l'Allemagne. A retenir dans la liste des inepties historiques.

  2. La complicité britannique.  Pour des raisons sans doute différentes, le Royaume-Uni n'a guère brillé face à Hitler (pour un récit excellent des difficultés rencontrées par Churchill, lire le Never Surrender, de Michael Dobbs).

3. Finalement Munich n'est qu'un aboutissement. Ce n'est que le dernier des renoncements face à Hitler, alors que bien des occasions contre lui ont été perdues.

4. Une leçon sur le métier de journaliste. A tout moment Shirer balance entre son envie de clamer le dégoût que lui inspire la politique nazie et les susceptibilités qu'il doit ménager. Celles des autorités allemandes, bien entendu, qui peuvent le renvoyer à tout moment, mais aussi celles des patrons de la chaîne, pour lesquels Hitler vu de loin n'est pas forcément si mauvais.

5. Charles Lindbergh coupable de Munich ! Pour William Shirer, si, en 1938 la France et le Royaume-Uni reculent, c'est face à la Luftwaffe.  Lindbergh, partisan des nazis, a répandu partout en Europe après un voyage savamment organisé, combien la Luftwaffe était formidable - effrayant ainsi les politiques français et britanniques.

6. Shirer ne dénonce pas bêtement le pacte germano-soviétique. Certes le pacte est odieux, mais Shirer note que les alliés ont poussé Staline dans les bras d'Hitler, notamment en n'informant pas Staline de Munich.

7. Un récit de la débâcle française de juin 1940 terrible. Lors de l'armistice, Shirer rappelle que le négociateur français, le général Huntziger, refuse de signer, notamment du fait de clauses indignes telles que la remise à l'Allemagne des réfugiés politiques allemands. Huntziger déclara, avant de signer : "Je déclare que le gouvernement français m'a ordonné de signer ces conditions d'armistice..." Tragique  moment où la conscience de l'homme refuse de plier aux obligations de sa fonction.

Le livre est passionnant, écrit par un homme attachant.

On y lit des anecdotes étonnantes, comme celle du général allemand Falkenhorst convoqué par Hitler pour préparer dans l'urgence les  plans d'invasion de la Norvège. A la hâte, celui-ci achète un guide touristique Baedeker, s'enferme dans une chambre d'hôtel et arrête un plan. Ailleurs, on lit comment des bombardiers britanniques ont lâché quelques bombes sur Genève en croyant survoler Turin.

On relativise la place de la Raison dans l'histoire à la lecture d'un tel récit - pourtant si riche en raisons. Shirer note ainsi en 1939, à Berlin : "Tout le monde est contre la guerre. Les gens en parlent ouvertement. Comment un pays peut-il faire une grande guerre avec une population aussi ouvertement contre ?"


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