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Le temps de cerveau disponible ou la décadence du divertissement télévisuel

Publié le 22 avril 2010 par Vindex @BloggActualite
Le temps de cerveau disponible ou la décadence du divertissement télévisuel
Ce film très intéressant réalisé par Jean-Robert Viallet a été diffusé dernièrement sur France 2 en fin de soirée le 18 mars. Il retrace l’histoire récente du divertissement télévisuel et son glissement vers la folie banalisée. Quel chemin a parcouru le divertissement entre les années 80 et aujourd’hui ? Comment fonctionne la télé-réalité et quelle mutation opère-t-elle en ce moment ? Quelles peuvent être les conséquences de cette institutionnalisation de la pulsion TV ? Historique de la « télé folle » :Tout d’abord, la phrase choc ayant inspiré le titre de ce film a été prononcée par Patrick Le Lay, ancien président de TF1, au début des années 2000. Le contexte est difficile pour TF1 qui, après avoir refusé la télé réalité, se résigne à introduire une émission du genre (en contactant Endemol, production spécialiste en la matière), dans le but de sauver le cours de l’action, qui continuait de plonger. Le sauvetage était alors assuré, au vu du succès de la chaîne M6, avec son émission Loft Story. C’est donc dans les années 2000, suite à une crise boursière, que les grandes chaînes privées ont décidé de diffuser ces émissions. Mais l’installation de ces émissions n’est-elle due qu’à cet événement du début des années 2000 ? Bien sûr que NON. En effet, ces émissions ne se seraient pas développées si TF1 ou M6 n’avaient pas été des chaînes indépendantes de l’Etat, échappant à tout contrôle financier de ce dernier. Et ce fut le cas à partir de la libéralisation de l’audiovisuel (sous François Mitterrand en 1981) puis du fait de la privatisation de TF1 (sous le gouvernement Chirac en 1986). C’est donc à partir de la fin des années 1980 que des chaînes comme TF1 et M6 ont pu être privées et ont pu être cotées en bourse (c’est aussi le cas de France Télévision, mais comme les capitaux sont publics, la gestion n’est pas indépendante de l’Etat). Des divertissements « pulsionnels » existaient avant, mais les événements que nous avons décrits ont consacré l’implantation de cette forme d’émission et ont entraîné sa mutation en télé-réalité au début des années 2000. Les émissions présentées étaient organisées sous la forme de témoignages de la vie privée et aboutissaient parfois à de cuisantes humiliations. Mais ces émissions jouaient surtout sur l’auditif, à la différence de la télé-réalité. La télé-réalité pousse les limites de la pulsion : Le principe de la télé-réalité est simple : « divertir » (ndlr : je suis obligé d’utiliser ce mot ; tenez bien compte des guillemets) et faire de l’audience en présentant un groupe de personnes, anonymes ou célèbres, qui doivent tout faire pour remporter le jeu en respectant les règles (souvent peu nombreuses) et surtout en habitant quotidiennement ensemble. Le principe se retrouve partout dans des cadres très variés (Loft Story, Secret Story, Fear Factor, Koh-Lanta, Star Academy…). Ces « divertissements » ne sont ni plus ni moins qu’une mise en scène télévisuelle de l’expression « la fin justifie les moyens ». Et cela va même au-delà de la télé-réalité (notamment dans l’émission du Maillon Faible). Deux grands types de pulsion peuvent être mis en scène : celles de vie et celles de mort (les deux grandes pulsions de l’homme). Celles de vie sont les plus courantes. Elles sont souvent inévitables du fait des règles du jeu qui poussent à l’exhibition télévisuelle plus ou moins grande de relations sexuelles (Loft Story, L’Ile de la Tentation…). Celles de mort en revanche sont plus rares, mais font leur apparition (Fear Factor, où le but est de repousser les limites de la peur). De même, il y a peu, en Grande-Bretagne, une émission filmait en direct et sur le plateau une dissection de plusieurs cadavres. Des conséquences dangereuses : Ces émissions, dans le but de divertir, mais surtout de faire de l’audience, repoussent les limites et les tabous, afin de toujours surprendre et attirer. Elles jouent énormément sur les pulsions humaines les plus primaires. Dans ces émissions, le visuel a un rôle accru, ce qui démultiplie les dangers, tant la vision est un sens important chez l’humain. Ces pulsions et cette violence mises en scène peuvent toucher et influencer les plus jeunes, très exposés à ce genre d’émissions, mais aussi banaliser les pulsions et la violence dans notre société. Elles détruisent tous les tabous et atténuent la sensibilité des gens. Au-delà du manque d’intérêt criant de ces émissions au niveau culturel, documentaire ou informatif, il existe un réel effet pervers, dédoublé de scénarios prévus à l’avance ou truqués. Le nouveau rôle de la télévision : Aujourd’hui, la télé-réalité montre plus ou moins ses limites. Si certaines émissions ont réussi à s’implanter dans la durée, beaucoup d’autres ont disparu ou perdent leur influence télévisuelle. Et même si les médias, qu’ils soient en faveur ou non de la télé-réalité, en font la promotion (parfois involontaire), ce type de divertissement est en renouvellement. La télé réalité existe toujours sous sa forme originelle, mais elle se développe également sous une nouvelle forme, plus émotionnelle et proche des gens. En effet, la télé intervient de plus en plus dans la vie des gens. Des émissions comme D&CO, interviennent carrément à domicile pour « corriger » les gens, leur maison, leurs vêtements, leur figure tout cela dans un culte de l’apparence évident. La télé-réalité se donne donc un nouveau rôle dans la société, et s’implante dans notre quotidien, sous une forme alliant bien souvent l’utile à l’agréable. La télévision est-elle condamnée ? Pour répondre à cette question, il faut bien cerner le terreau qui a permis à ces mauvaises herbes de se développer : des télévisions indépendantes et soumises au prix de leur action en bourse, dans l’obligation de faire de l’audience par tous les moyens (ndlr : encore une fois on retrouve PAR TOUS LES MOYENS… ces émissions de télé réalité seraient donc à l’image de leurs créateurs). Heureusement, il existe encore des chaînes intéressantes qui jouent leur rôle d’information et de divertissement, dans un certain respect de l’éthique. Heureusement que la télévision n’est pas encore uniforme est qu’elle peut encore nous informer sur ses propres excès notamment par le biais de ce documentaire. Lien pour visionner le film : http://www.agoravox.tv/actualites/media ... ible-25955 Vincent Decombe

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