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100 millions de Français dans la rue !

Publié le 28 mai 2010 par H16

On sait que le gouvernement est sur le point d’envisager un début de prémices d’embryon de réformes quand les syndicats se décident à agir et à sortir « en masse » dans la rue pour exprimer bruyamment, avec force saucisses grillées et moult slogans scandés dans un rythme militaire que non, la partie n’est pas gagnée pour le gouvernement et que le peuple français n’a pas dit son dernier mot. Passage rituel de tout bricolage vague dans les dogmes franchouillards sans lesquels la Fraônce ne serait pas totalement la Fraônce, la greuhève généraleuh est donc un moment clef pour définir précisément quelle réforme on va prochainement abandonner en rase campagne avant même de l’avoir commencée…

Cette fois, c’est de la retraite dont il s’agit : rien de tel qu’une bonne petite grève inutile pour mettre les choses aux clair.

Le constat est simple : le système social, qui permet à toute une classe de retraités en pleine explosion numérique de ponctionner toute une classe de salariés en pleine réduction d’effectifs, est clairement en train de passer l’arme encore plus à gauche, dans tous les sens que l’expression peut recouvrir. En bref, volant de déficits en déficits, de problèmes structurels graves en gabegies, erreurs de calculs et autres disparités criantes de régimes, il est littéralement en train de s’effondrer alors même que la criiiise bat son plein dans le reste du monde.

Devant ce constat alarmant et sachant que les retraités constituent, finalement, un vivier de voix électorales, le gouvernement s’est attelé à tenter de juguler le problème avec l’habituelle efficacité qui le caractérise : on va tripoter un peu les indicateurs ici, tourner le petit bouton là, et faire les micro-ajustements habituels.

Sauf que cette fois, les modifications millimétriques ne suffiront pas : il faut des choses un peu plus concrètes. Même si elles ne font que repousser l’échéance fatale de la faillite, elles permettront de gagner les deux ou trois précieuses années qui séparent encore nos vaillants politiciens de la campagne de 2012 (horizon toujours aussi indépassable pour les petits invertébrés qui nous gouvernent).

On décide donc de modifier l’âge de départ à la retraite. Ce ne sera plus 60 ans, mais 63. Pourquoi pas 65 ou 67 ? Pourquoi pas 61.7, puisque les nombres à virgule existent et que nos frétillant bivalves ne sont pas à quelques improvisations mathématiques près ? On suppose que tout chiffre inférieur à 63 plante le système avant 2012 – rédhibitoire – alors que, je le rappelle, on vise au moins juin 2012 avant tout effondrement destructeur.

Et là, paf, c’est le drame : les syndicats se mobilisent et organisent une journée d’inaction dans tous les endroits où ils ont encore une vague force, à savoir les services publics essentiellement. D’où de petits débrayages ici et là, quelques banderoles bigarrées dans des villes un peu significatives, quelques défilés plus ou moins enjoués.

Bilan de l’opération : des centaines de miyons de Français se sont déclarés contre ce gouvernement et ses propositions, c’est évident. Côté presse, c’est, comme d’habitude, le néant intellectuel et l’absence dramatique et légumineuse de toute analyse. Pignouferie habituelle et prévisible, les journaux socialistes de gauche, dans leur version d’un monde plein de bisous calqué sur une école des fans sous Tranxen, trouvent que tout le monde a gagné.

Les journaux socialistes de droite frisent le travail de fond en tentant d’expliquer que la mobilisation n’était pas si massive que ça, mais ne se risquent pas à démontrer d’une façon ou d’une autre que tout ceci n’est qu’une bonne partie de flan communicationnel absolument risible.

Ainsi, et afin d’illustrer mon propos, prenons les chiffres pour le défilé parisien. On annonce 90.000 personnes selon la CGT, 22.000 selon la police. On admettra que la variabilité de l’estimation (un rapport de 4, tout de même) donne une excellente idée de la farce ridicule qui se joue ici : la retraite devrait se prendre à 43 ans selon la CGT et 78 selon la police. Bref. Admettons que cette dernière soit honteusement pessimiste et utilisons donc le chiffre obtenu par le syndicat.

90.000 personnes, c’est une foule, tout de même. Imaginons que celle-ci soit constituée de personnes normales, se tenant debout, et occupant chacune 0.25m² (un carré de 50cm de coté, quoi). On se retrouve donc, si l’on prend 20 personnes de front pour une large avenue parisienne, avec un défilé compact de 2,3 km de long. Et nous sommes dans le cas le plus compact, où chaque personne n’utilise que le strict minimum pour simplement pouvoir avancer… Inutile de dire qu’un tel défilé n’a jamais été observé récemment dans les rues parisiennes. Autrement dit, le défilé parisien devait péniblement atteindre même les chiffres donnés par la préfecture de police.

En définitive, il devait y avoir autour de 200.000 personnes dans les rues en France hier, ce qui correspond d’ailleurs assez bien à la capacité réelle de nuisance des syndicats compte-tenu de leur représentativité.

Que déduire de tout ceci ?

Une foule compacte et nombreuse à l'appel des syndicats

Que les Français ne se sentent pas concernés par les retraites ? Certainement pas. En revanche, on peut dire que le message général des syndicats, qui s’inscrit essentiellement dans une logique d’affrontement et de démonstration musclée n’intéresse plus l’homo festivus, qui, tout citoyen et tout festif qu’il est, préfère de loin organiser des bitures-parties sur Facebook qu’aller griller des merguez pour défendre un système dont, au fond, tout le monde sait bien qu’il va s’effondrer sous son propre poids, couinements pleurnichards des syndicats ou pas.

En réalité, le Français moyen sait déjà que tout le cirque auquel nous assistons n’est qu’un des actes mal écrit d’une pièce de théâtre bien rodée qui n’a plus aucun intérêt : les syndicats braillent, le gouvernement prétend réformer, on bricole un peu par ici, on tripote un peu par là, et chacun repart heureux d’avoir enfin pu montrer qu’on en avait dans le pantalon. Tout ceci est bien compris, et la classe moyenne française, finalement la plus concernée par ces réformettes, a bien assimilé aussi l’étape suivante : ce seront toujours les mêmes qui vont payer.

Car en réalité, il n’y a pas trente-six solutions au problème de la retraite : ou bien on choisit un passage partiel ou total à la capitalisation, ou bien on doit revoir profondément les bases de calcul de la répartition actuelle. Et « revoir profondément », ce serait, par exemple, d’imposer un régime strictement égalitaire entre les salariés du privés et ceux du public. Ceci obligerait l’État à faire un gros ménage dans ses propres comptes : les retraites du public, en effet, ne sont pas constituées par un abondement à des caisses, mais bel et bien par les dépenses courantes. On imagine les familles nombreuses de lièvres qu’un tel changement dévoilerait dans le vaste clapier des comptes publics français. La Grèce, à côté, c’est du cousu-main.

Ceci obligerait aussi à remettre totalement à plat les régimes spéciaux, qui sont spéciaux en cela que les bénéficiaires y cotisent très très peu, y touchent une bien meilleure retraite que dans le régime bêtement normal, pour des conditions fort avantageuses, et des situations d’emplois qui ont nettement évolué ces trente dernières années au point que la pénibilité ou autre dangerosité du travail correspondant soient très profondément remise en question.

Or, dans le cas qui nous occupe qui a justement rassemblé les bénéficiaires de ces régimes spéciaux ou des régimes dont l’État est le responsable direct, la réforme ne passera pas : il n’y aura pas de changement dans les régimes spéciaux, il n’y aura pas de remise à plat des divergences de plus en plus flagrantes entre les différentes classes de salariés.

L’égalitarisme et la solidarité pourront donc continuer de s’exercer dans le sens prévu et tendrement cultivé par les socialistes de droite et de gauche : les plus nombreux continueront de payer (et largement, encore) pour les moins nombreux. Et comme les riches sont nettement moins nombreux que les pauvres, on comprendra aisément que ce sont, encore une fois, les pauvres qui paieront pour les riches.

Quant à la réforme, elle se réduira vite au départ à 63 ans pour les « bénéficiaires » du régime général. Et ce sera tout. Quand on connait l’état des finances publiques, une seule conclusion s’impose alors.

Ces retraités sont foutus.


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