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Ne dérangez plus les infirmiers !!

Publié le 28 mai 2010 par Yann Frat / Un Infirmier Dans La Ville

Plusieurs personnes attentionnées m'ont fait passer ce lien d'un article du Point... Dont je recopie le contenu pour qu'on puisse le lire dans quelques semaines :

"Chaque interruption du travail des infirmiers ou des infirmières s'accompagne d'une augmentation de plus de 12 % des risques d'échec de la procédure thérapeutique en cours ou d'erreurs médicales. C'est la conclusion d'une étude menée par l'équipe australienne de Johanna Westbrook. Publié très récemment dans les   Archives of Internal Medicine,   ce travail a de quoi inquiéter... et surtout inciter les patients et leurs familles à ne pas déranger en permanence ces professionnels de santé lorsqu'ils sont en pleine activité.  

Les chercheurs ont voulu tester l'hypothèse selon laquelle des interruptions pendant l'administration de médicaments augmentaient les erreurs. Ils ont donc observé une centaine d'infirmiers en train de préparer ou d'administrer des médicaments dans six services de grands CHU de Sydney, en Australie, entre septembre 2006 et mars 2008. Les erreurs de procédure et les interruptions de tâches ont été notées. Selon les auteurs, les échecs de procédure sont surtout liés à une mauvaise lecture de l'étiquette, une mauvaise identification du patient, au stockage du médicament dans un lieu inapproprié et à un défaut d'inscription sur le registre adéquat. Les erreurs cliniques concernent l'administration d'un mauvais produit, à mauvaise dose, avec une mauvaise formule ou par une mauvaise voie.

    Mais les résultats de cette enquête montrent clairement une relation entre les interruptions, les échecs de procédure et les erreurs cliniques. Selon les chercheurs, chaque interruption dans le travail est associée à une augmentation de 12,1 % des échecs de procédure et de 12,7 % des erreurs cliniques. Or les soignants suivis ont été dérangés pendant 53,1 % des administrations de médicaments. "Les infirmiers expérimentés ne sont pas protégés contre la survenue d'erreurs cliniques et même l'expérience est associée à des taux plus élevés d'échecs de procédure", précise le     Quotidien du médecin     , qui présente ce travail. Par ailleurs, la gravité des erreurs augmente avec la fréquence des interruptions lors de l'administration d'un seul médicament. Sans interruption, les auteurs estiment que le risque d'erreur sévère est de 2,3 % ; avec quatre interruptions, il atteint 4,7 %."

Évidemment cet article pourrait être vu sous l'angle de la blague (les infirmiers sont tellement c*** qu'ils sont incapables de finir leurs actes...) mais il est en fait le reflet exact de ce pourquoi (entre autre) j'ai quitté les services...

En effet, quand on bosse en service en permanence on doit avoir en tête...

- Qui sont les 20 patients, d'où ils viennent et où ils vont aujourd'hui (kiné, blocs, visites, entrées, sorties etc...).

- Quelle heure il est et ou j'en suis dans mes soins (en retard, en avance....)

- Où sont mes collègues si j'ai besoin d'elles et où en sont les aides soignantes dans leur tournée...

Mais en plus à tout moment :

- Il y a les sonnettes

- Il y a les messages (des kinés, des labos, des as, des autres services, des radios...)

- Il y a les visites (quand un médecin arrive dans un service, quelle que soit l'heure, comme dieu marchant sur l'eau tout le monde doit être prêts à le suivre comme un chien ...) (sinon il ne sait même pas dans quelle chambre sont ses patients... ) (sic!)

- Il y a les urgences

- Il y a les impondérables (retour de bloc, départ en kiné, passage du labo...)

- Etc, etc etc...

Bref en permanence, en service, comme un windows 92 en surchauffe, un infirmier de base à au moins 22 applications lancées en même temps dans sa tête et chacune estime être la seule... D'ailleurs quand on parle de "prendre de l'expérience", chez les infirmiers c'est exactement de ça dont on parle : Faire le point au débotté avec un médecin "qui passe vite fait" sur le traitement d'un patient, tout en surveillant le retour de bloc de madame D et en gardant un œil sur Josiane qui doit vous appeler pour faire le pansement d'escarre de madame z... Ben ça s'apprend sur le tas, peu à peu...

Cependant le pire du pire à mon sens a été atteint il y a quelques années quand on nous a collé dans les poches les téléphones sans fil... Là c'est devenu franchement du délire car du coup, à tout moment, tout le monde trouve parfaitement normal qu'on doive répondre dans la seconde au moindre appel...

Pour ma part dans ma clinique j'ai essayé de gueuler et de laisser au moins le téléphone sur mon chariot quand j'étais dans les chambres (ce qui me semble un minimum d'hygiène et de courtoisie par rapport aux patients) et bien en 4 heures top chrono j'ai le chir de la clinique (Dr melon) qui a débarqué dans le service en hurlant, estimant inadmissible "que personne ne réponde quand on appelle !!!!!!" (le téléphone avait bien dû sonner au moins trois fois et non le chir ne peut jamais rappeler et non personne n'a eu l'idée de mettre un répondeur sur ces putains de sans fil). Et je ne parle même pas des matins où on nous balançait carrément le standard de la clinique en attendant que les secrétaires arrivent...

En bref, avec ces foutus téléphones le boulot est devenu totalement délirant et je suis content qu'une étude prouve scientifiquement, enfin, ce que toutes on a déjà remarqué (mais qui se soucie de l'avis de ces c*** infirmières hein?) : NON on ne peut pas bosser sérieusement comme ça!!! Qu'on se le dise !!!!

Ps : En laissant trainer mes oreilles ça et là j'ai appris qu'en plus, maintenant, il n'est pas rare que les filles aient leur portable perso dans les poches (pour que leur fils les appellent quand ils rentrent)... Non mais là franchement les filles il faut arrêter de déconner quand même!

Ps2: Le pire c'est qu'en libéral ça continue: trois fois sur quatre quand je ne réponds pas directement à un patient (parce que je fais un soin ou que je suis en voiture) j'ai droit à la même chanson :" ben je suis tombé sur le répondeur alors j'ai cru que vous étiez fermé..."...

Pouic, pouic, pouic...


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