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“On the road”, again ? Pas si sur !

Publié le 29 mai 2010 par Arsobispo

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Quand le Monde titre que l’on peut enfin lire « sur la route » tel qu’il fut écrit, je ne suis pas tout à fait d’accord. Il est vrai que cette nouvelle version est bien plus proche de celle écrite originellement par l’auteur. Le style est encore spontané, le vécu est plus présent, les protagonistes portent leur nom d’état-civil, l’éditeur n’a pas –encore - exercé ses pouvoirs, amenant l’auteur a expurger son texte, notamment sa complaisance – parfois – à se laisser aller dans des descriptions lassantes de paysages rébarbatifs ou, plus critiquable, censurant des passages incompatibles avec la morale de ses culs bénis d’américains. Si cette nouvelle édition rétablit tout cela, il manque par contre un aspect extrêmement important, lié directement à l’aspect visuel de l’œuvre.
Deux sujets de l’actualité viennent enrichir le débat. Le premier, la sortie de l’Ipad - dont on fait grand cas ces jours-ci alors que le français Archos existe depuis déjà quelques mois - présente une nouvelle fonctionnalité, majeure à mon sens, celle permettant de se débarrasser de la forme du livre voulue par l’imprimerie.

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Le tapuscrit original de Kerouac était un long ruban de papier que l’auteur confectionna avec des feuilles de calque qu’il redimensionnait à la taille du rouleau de sa Remington et qu’il assemblait en les collant une à une afin de réaliser cette longue route de papier qu’il se mit à parcourir de mots, sans souffler, sans s’arrêter, comme s’il était encore au volant de sa Packard, réduisant la ponctuation afin de conserver cette vitesse de croisière indissociable des highways Us, faisant défiler à nouveau les paysages, les rencontres et les évènements qu’il avait connus quelques années auparavant.
Cette forme de composition du livre possède donc bien un sens dans la création littéraire. Un sens sacrifié par les limites techniques de la publication sous forme de livre traditionnel. C’est là que le livre électronique intervient. Il peut restituer cette forme de ruban que voulait Kerouac et j’ose espérer qu’un éditeur en aura l’idée. Ce serait le plus bel hommage qu’il puisse rendre à l’auteur.
Je ne crois pas à l’essor du livre électronique s’il ne fait que reprendre bêtement la composition du traditionnel bouquin. Apercevant les manuscrits originaux de certaines œuvres que parsèment dessins, ratures, corrections, digressions, combien de fois ai-je regretté qu’une identité plus poussée entre le produit commercial et l’œuvre originale, ne fut possible. Le succès des fac-similés, malgré des tirages très réduits, montre que je ne suis pas le seul. Le livre électronique, ou tout au moins la version numérique,  apparaît alors comme la solution. On pourrait très bien acheter un livre traditionnel, possédant en outre, le fac-similé, sur DVD, du manuscrit original.
Les films commercialisés sur DVD comportent souvent des « bonus » qui apportent ou non un enrichissement de l’œuvre (pour ce qui est de l’éditeur, c’est évidement). Pourquoi cela n’existerait-il pas pour le livre ? Je ne connais qu’une seule expérience de ce genre, l’association au livre du film tiré de l’œuvre que publie Gallimard dans la collection l’imaginaire et qui contiennent parfois de vrais bijoux : LA COMPLAINTE DU SENTIER de Bibhouti Bhoushan Banerji - UN THÉ AU SAHARA de Paul Bowles -  LE FESTIN NU de William Burroughs  - MILDRED PIERCE de James M. Cain  - L’AGENT SECRET et AU CŒUR DES TÉNÈBRES de Joseph Conrad  - JOURNAL D’UN GÉNIE de Salvador Dali  - EFFI BRIEST de Theodor Fontane  - NARAYAMA de Fukazawa Shichirô - LA BANDERA de Pierre Mac Orlan - MANUSCRIT TROUVÉ À SARAGOSSE de Jean Potocki  -  CONTES DE PLUIE ET DE LUNE de Ueda Akinari  et enfin, LETTRES À SON FRÈRE THÉO de Vincent Van Gogh. Mais ici, il s’agit plus d’une revisite – d’un autre que l’auteur – que de la diffusion la plus honnête possible du travail intègre et brut d’un auteur.

Un second sujet d’actualité montre que la création d’une œuvre originale tant par le fond que par la forme n’a plus de limite. Il s’agit  d’un exemple frappant de ce que peut être le livre électronique si tant que l’auteur désire aller au delà d’un traditionnel récit manuscrit ou tapuscrit. L’expérience est encore dû au journal Le Monde qui met en ligne une version numérique d’un polar de Caryl Férey, conçut comme une œuvre à part entière, intitulée « Muti » et dont l’action se passe en Afrique du Sud lors de cette satanée Coupe Du Monde de football. Ca tombe bien, Caryl Ferey, est un écrivain normand spécialiste du roman policier dont les histoires ont pour cadre des lieux improbables. L’Afrique du Sud, il connaît. La chaleur moite de Cape Town, il connaît. Ce qui est, somme toute, guère étonnant quand on sait qu’il est également écrivain voyageur et correspondant pour le Guide du Routard…

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