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Le Labyrinthe de Pan

Publié le 26 mai 2010 par Ledinobleu

Jaquette DVD de l'édition française du film Le Labyrinthe de PanEspagne, 1944. Ofélia s’installe avec sa mère dans une garnison dirigée par Vidal, son beau-père, capitaine de l’armée franquiste. À proximité de la grande maison familiale, la jeune fille découvre un étrange labyrinthe gardé par une créature nommé Pan. Le monstre lui révèle qu’elle n’est autre que la princesse disparue d’un royaume enchanté. Afin de découvrir la vérité, Ofélia devra se soumettre à trois épreuves que rien ne l’a préparée à affronter…

Certains auteurs ont des œuvres qui ne prédisposent pas vraiment à penser qu’ils sont capables du meilleur. Guillermo del Toro, avec à son palmarès des films tels que Blade 2 ou Hellboy, ne risquait pas de me faire me déplacer jusqu’à un cinéma pour y payer ma place plein pot… J’aurais dû mieux me renseigner pourtant, car j’aurais ainsi découvert Le Labyrinthe de Pan sur grand écran au lieu du petit.

Cette itération du genre fantastique a pour particularité de restreindre les effets spéciaux au strict minimum pour servir au mieux l’ambiance et l’émotion, c’est-à-dire ce qui fait les œuvres d’art. Vous ne trouverez ici aucune image racoleuse à l’attention des fans de films d’action – au demeurant un genre tout à fait respectable mais dont les répétitions permanentes finissent vite par lasser – ou bien les aficionados de frissons faciles – de films d’horreur, donc, un autre genre lui aussi tout à fait respectable mais hélas assez limité.

Ce qui fait toute la force du Labyrinthe…, c’est son utilisation heureuse des truismes du fantastique et des mythes et légendes traditionnels pour nous raconter une histoire digne des contes de fée de notre enfance – dont est très friande la jeune Ofélia dans ce film, ce qui n’est bien évidemment pas un hasard. Il ne faut pas pour autant y voir un récit simpliste – pour ne pas dire disneyien, ou encore burtonien pour rester poli – car si ici l’histoire finit « bien » elle reste néanmoins douloureuse : en effet, se situant après la victoire du franquisme, elle ne pouvait pas vraiment fournir un contexte « heureux » pour commencer.

Je me suis longtemps interrogé sur le choix du réalisateur de placer son récit pendant cette horreur bien précise de l’Histoire. Son éventuelle ascendance hispanique ne me semblait pas une raison suffisante, et son jeune âge me laissait penser qu’il ne devrait pas se sentir concerné – pas trop du moins – même si des membres de sa famille avaient subi directement le joug de cette dictature… Et puis une idée m’est venue, qui combine à la fois les racines du réalisateur et les besoins de ce récit en particulier.

Car ici, tous les événements qui se produisent dans le monde « réel » ne sont en réalité qu’une suite de destructions progressives des liens qui rattachent Ofélia à notre monde, de ces chaînes qui l’empêchent de rejoindre ce royaume enchanté dont elle vient. Il ne s’agit pas de deux histoires narrées en parallèle et qui s’entrecroisent au hasard, mais bel et bien d’une seule convergeant inéluctablement vers sa seule conclusion possible, à travers une trame tissée par des forces qui dépassent l’entendement humain…

C’est là que le terme de « magie » prend tout son sens. Loin d’être dans cette production le prétexte à des effets spéciaux dont le but consiste en général à appâter le chaland à travers des visuels aussi périssables que dépourvus de sens, les puissances de « l’Autre Monde » s’affirment ici comme le véritable moteur derrière les actes des humains. Comme les rides à la surface de l’eau sont le produit de mouvements situés en réalité bien plus profondément. Hors, on sait bien, et depuis longtemps, comme les fées peuvent s’avérer cruelles.

En fait, il y a presque quelque chose de platonicien dans ce film, dans le sens où la réalité n’est pas celle qu’on croit et que nos agissements n’y ont pas seulement les buts qu’on leur attribue. C’est sur la base d’un tel postulat qu’ici del Toro nous propose en fin de compte une modernisation de cette traversée du miroir qui constitue l’essence même des contes de fée, mais sans pour autant tomber dans le piège de l’infantilisme simpliste ou de l’horreur gratuite comme beaucoup d’autres productions nous y ont hélas habitué.

Avec son thème classique mais un récit aux idées originales, et sa réalisation sans faille – tant sur les plans artistiques que techniques – Le Labyrinthe de Pan s’affirme comme une réussite indiscutable, voire un chef-d’œuvre du cinéma fantastique… et peut-être même un chef-d’œuvre du cinéma tout court.

Notes :

Le nombre de nominations et de récompenses obtenu par ce film étant proprement phénoménal, il est inutile de les citer ici. De plus, Le Labyrinthe de Pan présente la particularité d’avoir connu un succès tant public que critique – ce qui est assez rare pour être mentionné…

Le Labyrinthe de Pan (El laberinto del fauno), Guillermo del Toro, 2006
Wild Side Video, juillet 2007
119 minutes, env. 10 €


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