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Amour et storytelling

Publié le 29 mai 2010 par Homosemiotikus

« Dans le souhait de vivre une histoire d’amour, l’histoire est parfois aussi importante que l’amour. »

Jean-Claude Kaufman , La femme seule et le prince charmant

Les jeunes célibataires, nous dit le sociologue Jean-Claude Kaufman, sont de plus en plus nombreuses  à différer leur installation en couple dans l’espoir de trouver un homme à la hauteur de leurs espérances.

L’analyse des attentes qui se cachent derrière la figure floue et protéiforme du Prince charmant, et derrière le désir de vivre une « histoire d’amour » authentique dont elle est indissociable, révèle le besoin de se conformer à une construction sociale (le code rituel et symbolique de l’amour) ainsi qu’à une exigence narrative.

On peut voir dans cette forme de bovarysme la preuve supplémentaire que, pour nos contemporains, la vie n’a pas de sens si elle ne ressemble pas à un récit.

Le storytelling, comme le suggère la citation une fois remise dans son contexte, est à la fois la source et le fruit de l’amour :

« Les films et les romans ne fixent pas seulement le cadre d’expression du sentiment : ils apprennent à l’inscrire dans une véritable histoire. Le mot ne doit pas être pris à la légère. Dans le souhait de vivre une histoire d’amour, l’histoire est parfois aussi importante que l’amour. Il faut qu’il y ait un décor, des personnages, une intrigue surtout, que l’on se trouve emportée par son déroulement, que l’on puisse ensuite raconter (à son journal intime, à aux copines) ce qui s’est passé. Que l’on garde enfin en mémoire un souvenir en forme de récit. « J’ai quitté un homme il y a quatre ans avec qui j’ai vécu une superbe histoire » (Karen). Le rêve est toujours construit comme une histoire, une très belle histoire. C’est dans la confrontation avec la réalité que les choses se gâtent. « Je n’ai jamais eu d’histoire d’amour, de copain à part entière me présentant comme sa petite amie. Ils n’ont fait que coucher avec moi, c’est tout. » Juliette est désespérée tout autant par la sécheresse des sentiments que par l’absence d’histoire.

Dans son cas, c’est patent : elle n’a même pas été présentée comme un personnage, il ne s’est rien passé en dehors du sexe. Souvent il y a quand même un peu plus : l’art consiste alors à construire et gonfler le récit pour vivre le quotidien comme une vraie histoire et se la raconter sans fin. » (p111, éd. Pocket).



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