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L’Union européenne, c’est comme une équipe de foot

Publié le 31 mai 2010 par Thebadcamels

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Depuis quelques semaines, un sujet a envahi les colonnes de toute la presse européenne et mobilise les décideurs européens, qu’ils soient issus du monde des affaires ou de celui de la politique. En effet, des tribunes de nos journaux aux talk-shows les plus médiocres, on disserte de l’avenir de l’Europe, la construction politique la plus ambitieuse de l’Histoire moderne et de celui de sa monnaie, l’euro.

Alors que le traité de Lisbonne était entré en vigueur le 1er décembre dernier suite à un processus de ratification qui s’était apparenté à un chemin de croix, l’Europe n’a même pas pu jouir de cette nouvelle avancée dans le processus d’intégration, qu’elle se retrouve aujourd’hui à l’article de la mort. En effet, l’Europe connaît aujourd’hui sans aucun doute la crise la plus grave et la plus complexe de son histoire. La crise financière et économique qui avait frappé de plein fouet les économies mondialisées s’est transformée en une crise politique et sociale qui met à mal un demi-siècle de construction européenne.

On avait tout d’abord cru à une réussite économique de l’Europe. A défaut d’avoir une union politique et un sentiment d’appartenance des peuples à une entité supranationale, on a cru avoir réussi à mettre en place une zone de prospérité économique dont le PIB total plaçait l’UE au 1er rang mondial, loin devant les Etats-Unis ou la Chine. Ayant réussi à intégrer des pays à l’histoire et au potentiel forts différents (à tel point que ces dernières années le processus d’élargissement s’était emballé, amenant à intégrer 10 pays d’un coup en 2004), on s’était même félicité d’avoir réussi à mettre un président à la tête de l’Europe (on y reviendra…).

Le temps des chimères

Alors que s’est-il passé pour en arriver là ? D’ailleurs où en sommes nous ? Pour comprendre l’Union Européenne de 2010, il faut recourir à une comparaison sportive (que Dieu me pardonne), car l’UE, c’est comme une équipe de foot. Il faut que tous les joueurs adoptent la même tactique, aient les mêmes objectifs et surtout jouent collectif. Pour cela il y a un entraîneur, or le problème de l’Europe est qu’il n’y en a pas ! Je vois déjà venir le lecteur avisé me disant qu’il y en a un, que le Raymond Domenech de l’Europe s’appelle Herman van Rompuy. Mais force est de constater que le sémillant Herman tient plutôt de Footix, la mascotte de l’équipe de France de 1998 que d’Aimé Jacquet !

S’il n’y a pas d’entraîneur, c’est que l’Europe c’est d’abord deux groupes de pays avec des intérêts, des comportements et des passés différents. D’un côté, on a les pays plutôt situés au nord, dont la caractéristique principale est que la croissance et le dynamisme qu’ils apportent à l’Europe n’ont d’égal que l’individualisme. De l’autre, les pays plutôt situés au sud, dont la caractéristique principale se résume à la situation de passagers clandestins de l’Europe. Voilà une équipe où les attaquants et les défenseurs ne s’entendent pas, ne se comprennent pas plus, donc s’ignorent. Beau spectacle en perspective !

Le 1er groupe c’est bien entendu la France, l’Allemagne, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni. Ces pays membres de l’UE depuis longtemps (souvent sa création), représentent à eux seuls plus de 55% du PIB européen et correspondent à ce qu’il y a de plus prometteur en Europe. Malheureusement, la nouvelle génération de politiciens au pouvoir n’a plus l’Europe dans le sang mais plutôt dans le collimateur. Leurs discours ne reflètent plus la fierté de participer au plus ambitieux projet politique qui soit et laisse de plus en plus de place à une résurgence de l’Etat-nation et à l’avenir isolé de celui-ci. Le XXème siècle a été celui de l’implosion de l’Etat-nation, le XXIème sera-t-il celui de son retour ? Après la fin de l’Histoire, le retour de l’Histoire…

Dans les faits, les Allemands ne comprennent pas que le reste de l’Europe ne s’impose pas les sacrifices qu’eux-mêmes s’imposent depuis 10 ans et vont jusqu’à laisser les Grecs se rapprocher du précipice pour des raisons électorales. La France de Sarkozy se veut le leader de l’Europe mais reste le champion en matière de retard et d’opacité des transpositions des directives européennes. Les Anglais, dont on connaît l’attachement à l’Europe, enfoncent le clou en élisant (à moitié) un premier ministre ouvertement anti-européen. Pour finir, les Néerlandais parlent de sortir de l’euro, pour s’unir avec… les Suisses, tout un programme !

L’Europe oui, mais tant qu’on garde notre indépendance et que nos peuples n’ont pas le sentiment d’être noyés dans une structure supranationale. Ces comportements expliquent que l’UE a préféré demander à ses technocrates de pondre des directives ultra précises et tatillonnes plutôt que de se mettre d’accord sur une politique économique et budgétaire commune, un peu comme une équipe de foot qui aurait tout misé sur les tirs au but… La France d’aujourd’hui ce serait un peu Nicolas Anelka, toujours motivé pour faire une belle action et le cas échéant mettre un but, en revanche pas véritablement un pro du collectif. Le Royaume-Uni ce serait le Pascal Chimbonda de la grande époque, un peu là malgré lui, tandis que l’Allemagne serait Franck Ribery, le membre appliqué mais désabusé de la médiocrité de ses partenaires…

Mais qui sont les défenseurs alors ? Vous l’aurez compris il s’agit de la Grèce, l’Espagne, l’Italie bref les PIIGS (Portugal, Italy, Ireland, Greece, Spain) le sud quoi, mais pas seulement. D’un côté, les attaquants égoïstes, de l’autre, les défenseurs clandestins, voilà une équipe sûre de perdre ! En effet, ces membres là réalisent depuis quelques années le plus beau des hold-up. La règle : prendre tout ce qu’il y a à prendre et ce, dans la plus grande discrétion. Exagéré ? Pas tant que ça. Ces pays dont la plupart connaissait encore la dictature il y a 30 ou 40 ans sont autant convaincus par la notion d'Europe que le Maroc, l'Islande ou la Biélorussie ! Bref, ils sont davantage là par opportunisme que par conviction. Petite revue de nos amis du Club Med :

-L’Espagne ou comment un pays a réussi à penser croître durablement avec une seule industrie, le BTP ; bon il y a aussi le tourisme mais une économie de la truelle et du maillot de bain ça n’a jamais permis de devenir une puissance !

-La Grèce, de loin la meilleure, la crème de la crème, ceux qui s’étaient foutu de notre gueule dès le début en mentant sur leurs comptes publics, qui ont joué le remake de la Dolce Vita pour se rendre compte qu’on ne peut pas se limiter à la production d’huile d’olive et avoir 3 voitures et 2 appart par foyer. En quelque sorte des Américains en encore plus cons…

-Le Portugal, désormais parcouru par les autoroutes flambant neuves le long desquelles s’égrènent des panneaux « Cette autoroute a été financée grâce aux aides de l’UE », beaux joueurs les Portugais… Seul problème, ces autoroutes quadrillent un territoire désert…

-L’Italie quant à elle ne cesse de renvoyer cette étonnante image d’un pays qui, même en pleine crise, garde le moral, il faut dire que le pays n’a pas attendu la crise pour avoir une dette publique égale à son PIB, toujours un coup d’avance ces Italiens !

-Finissons par le seul pays PIIGS qui ne soit pas au sud de l’Europe, l’Irlande, ce pays qui, après avoir vidé les caisses des fonds structurels et autres fonds de cohésion réservés aux entrants au PIB trop faible, et attiré des millions d’euros d’IDE notamment grâce à une maîtrise de l’art du dumping, s’est permis de refuser de ratifier le traité de Lisbonne (après avoir dit non à celui de Nice en 2001).

Pour revenir à notre équipe de foot, ces Pieds Nickelés là trouveront leur équivalent dans les joueurs émérites que sont Sébastien Squillaci, Jean-Alain Boumsong ou encore Mathieu Planus, avec une identification spéciale de la Grèce à Thierry Henry, un loser doublé d’un tricheur…

Alors voilà, ce constat fait, nul ne s’étonnera que les difficultés économiques que rencontrent tous les pays d’Europe ne débouchent sur une explosion de la zone. La crise financière et économique ayant été contenue par un transfert de l’endettement du secteur privé (banques et entreprises) vers le secteur public (Etats), elle conduit à une mise en lumière du côté factice de notre Europe, un patchwork improbable, une chimère enfantée par la plus belle promesse du dernier siècle, créer les Etats-Unis d’Europe chers à Victor Hugo. Aujourd’hui l’impératif qui se pose à l’Europe est que chacun cesse de se comporter en profiteur, prenant tout de l’Europe et ne donnant rien. Tout comme les français aiment leur équipe de foot quand celle-ci gagne, ils apprécient l’Europe quand elle leur apporte toutes sortes de retombées positives. Mais être européen c’est accepter des droits autant que des devoirs. Cette crise est paradoxalement une chance historique, l’occasion de se demander une dernière fois si nous souhaitons aller de l’avant ou si la désintégration de l’Europe pronostiquée par Paul Volcker, est pour demain. Alors les années à venir seront certainement dures, très dures, un politique courageux annoncerait des larmes, de la sueur et du sang mais au moins l’Europe ne restera pas une chimère et qui sait, cette équipe de foot là gagnera peut-être sa coupe du monde…


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