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Le précieux "arbre à sexe" se raréfie !

Publié le 08 décembre 2007 par Chantal Doumont

arbre à sexeVictime de son succès, le précieux "arbre à sexe" se raréfie !

"Le citropsis disparaît, on l'a utilisé à outrance: c'est le viagra local!", lance Robert, guide dans la forêt de Mabira en désignant l'"arbre à sexe" aux vertus aphrodisiaques, victime de son succès comme d'autres plantes médicinales en Ouganda. 

Les racines du "citropsis articulata", utilisées en décoction, sont efficaces "en trois heures", assure à l'AFP Kasozi Bruham, paysan de 49 ans et consommateur régulier. Kasozi vit près de la réserve de Mabira, à 50 km à l'est de Kampala, l'une des dernières forêts tropicales humides d'Ouganda. "Nous sommes inquiets de la raréfication du citropsis; il y a un gros problème d'impuissance ici et les gens vont devoir se priver pour acheter un médicament équivalent", se lamente-t-il. 

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"En Ouganda, nous pensons que nous sommes libres d'utiliser la forêt comme une ressource personnelle", explique Robert Kungujje, guide au centre d'écotourisme de Mabira, en désignant un spécimen chétif du citropsis, l'un des seuls encore présents dans la réserve. Les utilisateurs du citropsis ont tendance à le déraciner complètement, sans planter d'autres spécimens afin d'assurer son renouvellement. "Avec le chômage, de mauvaises pratiques alimentaires, le diabète et l'hypertension liés au stress, les troubles de l'érection sont en augmentation en Ouganda (...) c'est pour ça que les gens utilisent cette plante", relève Maud Kamatenesi-Mugisha, botaniste et spécialiste en santé de la reproduction. 

Environ 80% de la population ougandaise dépend des plantes médicinales pour se soigner au quotidien, les médicaments modernes étant trop chers et les cliniques trop éloignées. Au milieu des chants du Barbion grivelé, petit oiseau frugivore au plumage vert, et du grincement entêtant des cigales, Robert s'approche dans la forêt d'un Prunier africain ("prunus africana"), également menacé en Ouganda et dans le monde du fait d'une surexploitation. Son bois est prisé et son écorce est utilisée contre le paludisme et les problèmes de prostate (cancer). Pour éviter sa disparition, le centre de Mabira a créé des pépinières et une campagne de sensibilisation a été lancée au niveau national en faveur de pratiques de récolte durable. 

Mais aucune action spécifique n'a jusqu'alors été mise en place pour le citropsis. L'Ouganda, au carrefour des plaines d'Afrique de l'Est et des forêts tropicales des Grands Lacs, est traversé par l'Equateur et le Rift Albertine (extrême ouest de la Vallée du Rift), l'une des zones les plus riches en terme de biodiversité et espèces endémiques en Afrique. S'étendant sur 30.000 hectares, Mabira qui compte 312 espèces de plantes, 315 d'oiseaux et 218 de papillons a un rôle crucial pour la biodiversité du pays. 

Pourtant, le gouvernement ougandais a eu le projet au printemps - retiré après de fortes protestations - de transformer un quart de la forêt en plantation de canne à sucre. Les menaces planant sur l'"arbre à sexe", le Prunier africain et d'autres plantes médicinales illustrent le défi de leur conservation en Ouganda, qui abrite une richesse unique de plus de 1.100 espèces. 

Dans le village de Buvunya, à 15 km de Mabira, Isaac Kanyike dresse la liste des maladies qu'il soigne avec des plantes: épilepsie, ulcère, asthme, désordres intestinaux, paludisme, symptômes du sida et ... impuissance. "Depuis que je sais que le temps où ces plantes seront rares peut arriver, j'essaie de les utiliser de façon durable", explique ce guérisseur, qui regrette de ne plus trouver une plante qui "pouvait soigner 65 maladies".

afp


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