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Polar.

Par Ananda

Patrick Pécherot : " TRANCHECAILLE ", une enquête dans les tranchées, Folio policier, 2008.

Un goût de cendre dans la bouche. Une vaste émotion dans le coeur.

Telles sont les conséquences immédiates de la lecture de ce livre.

Livre fort, poignant qui, sous le prétexte d'une enquête policière, nous immerge jusqu'au cou dans une époque très particulière. La guerre 14, cette apocalypse qui hachait les hommes menu. Cette boucherie dont l'absurdité devenait presque métaphysique. Ce non-sens absolu que nous sentons, que nous ne sommes pas loin, même, de respirer, dans ces pages hideuses (par ce qu'elles décrivent) qui nous restituent de manière au combien terriblement vivante l'impitoyable et aveugle mécanique de la destruction.

Ce livre, c'est bien plus qu'un polar, c'est le livre de la nausée, de la boue, des essaims de corbeaux nécrophages qui se perchent sur les barbelés, c'est le livre de la mort, de la chair et du sang retournés à la bourbe, mélangés à elle, c'est le livre des corps en charpie qui ne demandaient qu'à vivre, qu'à sourire à la plénitude ouverte de leur vie jeune, sensuelle, simple, gaie, fleur-bleue, pleine d'énergie virile.

La guerre tue tout : quand les corps ne se désintègrent pas, les esprits se vident.

Nous en ressortons imprégnés. Pénétrés d'une immense tristesse. Le talent de l'auteur agit : belle écriture, qui sait faire mouche. Construction menée de main de maître, et de manière originale.

Et, peut-être encore, voire surtout, cette énorme tendresse qu'il ressent pour ces "poilus", ces "biffins" qui restent des hommes, de jeunes hommes encore proches de l'enfance qu'on ne peut s'empêcher d'aimer, de trouver démesurément attachants.

" Des enfants perdus en enfer", tel pourrait être aussi le titre de cet ouvrage où, plus ou moins implicitement, se glisse la remise en cause du discours patriotique.

A croire que les grandes guerres ne servent qu'à une chose : réveiller l'envie de paix.

Franchement, lorsqu'on est face à des constats de ce type, a-t-on d'autre choix que celui de voir en l'Homme une créature profondément (et dangereusement) illogique ?

Il faut remercier Patrick Pécherot pour ce "roman noir" plus noir que noir.

La dimension qu'il lui confère et le relief qu'il parvient à lui donner l'enrichissent d'une épaisseur propre à faire de lui un livre qui marque.

Pour beaucoup de gens, la "Grande Guerre" est un phénomène lointain, presque oublié.

Mais, en lisant Pécherot, l'on  réalise combien cet oubli est un tort.

N'est-ce pas l'oubli (étrangement facile pour la nature humaine) de l'horreur qui fait que, si fréquemment, l'Histoire revient à l'horreur et "bégaie" ?

Il ne suffit pas de répéter comme un mantra que "la guerre est moche".

Encore faut-il, en les pays dans lesquels nous vivons et qui ont la chance d'être à l'abri de ses cauchemars depuis  soixante cinq ans, intégrer un peu plus "tripalement" cette notion. Ce n'est pas là chose facile quand on a pris l'heureuse habitude de la paix et de l'abondance de biens matériels.

Des livres tels que ce polar de Patrick Pécherot peuvent nous y aider.

Pour ceux qui n'en seraient pas convaincus, je les inciterai à regarder, comme je l'ai fait, attentivement les trois "poilus" pris en photo figurant sur la couverture de l'ouvrage. Ne dardent-ils pas sur nous des regards dont l'intensité nous percute ?

P.Laranco.


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