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Bécassine passe son baccalauréat

Publié le 07 juin 2010 par Collectifnrv

Jusqu’au siècle dernier, avant Mai 68 et les mouvements féministes des années 70, les rôles étaient clairement partagés entre les sexes : il revenait aux hommes de travailler à la sueur de leur front et aux femmes d’enfanter dans la douleur ; aux hommes de s’épanouir dans leur carrière professionnelle, aux femmes de consacrer tout leur temps aux joies du foyer et des tâches ménagères.

A cette fin, dès l’école, chaque enfant recevait une éducation conforme à son sexe : apprentissage des sciences et des techniques pour les garçons, cours de couture, de cuisine et de puériculture pour les filles.

Ces temps sont révolus, pense-t-on. Pourtant, j’ai eu l’occasion de feuilleter le Manuel d’Enseignement scientifique destiné aux élèves de 1ère L. Cet ouvrage, cosigné par pas moins de neuf professeurs de lycée et édité par Bordas en 2007, est constitué d’un certain nombre de chapitres où sont mélangés en alternance des notions de physique, de chimie et de biologie. Certes, il existe des relations entre ces trois sciences, mais le fait de passer de l’une à l’autre chapitre après chapitre fait qu’on ne voit plus très bien ce qui ressort de la physique, de la chimie ou de la biologie. Quelle importance ? De toute façon, on ne trouve dans ce livre aucune démonstration, quasiment aucune formulation scientifique. Par contre, des schémas incomplets (qui rendent incompréhensibles les notions les plus élémentaires), des définitions oiseuses : «Normalement, les électrons sont par paires en tournant autour du noyau d’un atome» (sic) ou « L’angle de réfraction (i’) est d’autant plus grand par rapport à l’angle d’incidence (i) que l’indice n du milieu B est plus faible que celui du milieu A » (resic). Et quelques vérités essentielles : « Le Soleil est un astre très chaud » ou « La Lune n’est visible depuis la Terre qu’à condition d’être éclairée ».

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Si la théorie est absente, par contre les applications pratiques ne manquent pas : une leçon sur l’oxydation est l’occasion de montrer les bienfaits des crèmes antirides (avec un texte piqué sur le site Internet d’un laboratoire privé, vantant les mérites de sa molécule miracle).

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Cet ouvrage comporte quand même quelques chapitres intéressants, particulièrement ceux concernant les sciences naturelles, comme celui sur le contrôle hormonal de la procréation, où l’on apprend tout sur le fonctionnement des règles. (Deux pages seulement sont consacrées au système génital de l’homme, sans doute moins complexe.) Autre chapitre très fouillé, celui sur la maîtrise de la procréation, avec les définitions des différents types de contraception, sachant qu’ils sont pour la plupart réservés aux femmes.

Les illustrations présentées ici, dignes d’un magazine féminin, proviennent de ce livre.

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J’aurais pu aussi évoquer le "Manuel de Mathématiques" destiné aux élèves de 1ère L. Là encore, point de théorie, aucune démonstration ni rigueur : on part d’un exemple chiffré et l’on déduit le théorème. Quant aux exercices, qui pour la plupart pourraient être résolus par des élèves de CM2, ils ne portent quasiment que sur des applications liées à la vie courante : « Denise a acheté un téléviseur à crédit, calculez ses mensualités » ; « Michel perçoit un revenu annuel de tant, calculez son impôt » (dans ce type d’exercices, le salaire des hommes est toujours supérieur à celui des femmes) ; « Dans un village de tant d’habitants, tant de gens ont voté oui à un référendum, tant de gens ont voté non, calculez le pourcentage des inscrits », (bien sûr, on ne peut pas voter autre chose que oui ou non !), etc.

Il semblerait qu’à la base de l’élaboration de ces programmes, on ait posé comme postulat que les femmes n’ont aucun esprit scientifique et sont destinées à devenir les consommatrices et ménagères de demain. Donc apprenons-leur à s’y préparer, ne perdons pas de temps à développer l’apprentissage de la rigueur et de l’abstraction dans une section dont on sait que la majorité est composée de filles. Pour l’avenir qui leur est tracé, elles peuvent bien se contenter d’étudier la littérature, les arts et la poésie, valeurs inutiles et non cotées en Bourse.

A l’inverse, à quoi bon encombrer le cerveau de nos futurs et virils capitaines d’industrie (qui, eux, s’orientent tout naturellement vers la filière scientifique) avec de l’histoire et de la philosophie ?

Que le rôle des femmes n’ait pas fondamentalement évolué, cela n’a rien d’étonnant : on ne change pas en quelques décennies des habitudes bien ancrées dans l’inconscient collectif depuis des millénaires. Mais autrefois, le rôle de chaque sexe était convenu, ouvertement enseigné et assumé par une très grande majorité de la société. Aujourd’hui, des avancées incontestables existent en faveur des femmes : droit de vote, droit aux préservatifs, IVG, même s’il reste beaucoup à faire en matière de parité et d’égalité des salaires. Ce qui me semble inquiétant, c’est qu’à travers la publicité, la presse féminine (et masculine), et même des ouvrages à visée éducative comme ceux que j’ai évoqués, transparaît encore et toujours le rôle traditionnel de la femme, ce d’une façon insidieuse, non dite et tacitement acceptée.

Bref, Mesdames, Mesdemoiselles, et aussi Messieurs, 1910 ou 2010, même combat…

Henrygold


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