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Société du “care” : la grande illusion

Publié le 07 juin 2010 par Hmoreigne

 Alors que l’Europe peine à se dessiner un avenir économique dans un contexte de concurrence mondiale exacerbée, le parti socialiste par la voix de sa Première secrétaire axe son programme sur une société dite du bien être. Le “care” se présente comme un concept évasif, mélange de maternalisme, de Fraternité républicaine et de charité de dames patronnesses. On pourrait, comme certains observateurs, en sourire à moins, qu’il ne convienne de s’en inquiéter. Comme avec le passage à la retraite à 60 ans et l’adoption des 35 heures le PS n’est-il pas en train de commettre une erreur historique à contrecourant de la réalité économique du moment ?

Le PS, c’est le Front de Gauche qui en parle le mieux. Ex de Solférino, Jean-Luc Mélenchon est l’un des rares a avoir relevé le virage “démocrate” du PS (au sens du parti démocrate américain) et l’abandon en rase convention de la notion de lutte des classes.

On pourrait saluer ce réformisme tranquille s’il ne s’accompagnait d’une vision qui pourrait laisser croire que nous vivons dans le monde des bisounours. A croire que le PS est frappé par le syndrôme byzantin : s’enfermer dans des discussions théologiques interminables alors que résonnent les coups de boutoir des assaillants contre la muraille de la citè.

Plus que d’entendre une rengaine du style “je t’aime, moi non plus” la France a besoin de sortir la tête du sable et de regarder le monde tel qu’il est, dans toute sa réalité. Elle a besoin plus que d’un cocooning d’un discours volontaire qui l’incite à relever les manches et faire le pari de l’intelligence.

Ne plus avancer, se contenter d’une croissance molle ou inexistante, revient à se résigner au déclin avec pour corollaire inévitable l’abandon du système de protection sociale performant qui caractérise les démocraties européennes.

Faire l’impasse sur une économie et une industrie compétitive revient à creuser avec les dents les déficits de demain qui viendront s’ajouter à ceux d’aujourd’hui et qui se traduiront mécaniquement et fatalement par des coupes sombres et la fin de ce qu’on pensait être des acquis sociaux. Car, s’il est une chose que la mondialisation nous a appris, c’est justement que rien n’est définitif.

Sous des aspects de modernité liée à un anglicisme, le “care’ n’est qu’un nouveau carrossage de la philosophie de l’altérité. Du réchauffé servi sur un plateau par un technocrate en manque d’idée à un parti socialiste qui n’arrive pas à émerger de sa torpeur intellectuelle et qui, mêmes personnes, mêmes causes, mêmes effets, retombe dans ses vieux travers et ses vieilles recettes.

Introduit dans le débat public en avril par Martine Aubry, la société du “care” vise nous dit-on à faire que «chacun» prenne soin des autres et que l’État prenne soin de chacun.

La “société du bien-être” doit selon ses défenseurs permettre d’évoluer vers une société du respect, de la décence et du soin, une société de l’émancipation censée rompre avec le matérialisme ambiant.

L’entretien accordé par Martine Aubry au quotidien Le Monde de ce week-end ne permet guère d’y voir plus clair. Un passage toutefois ressort : “Les services publics doivent éduquer, accompagner, émanciper chacun, et le porter au plus haut de lui-même. L’émancipation, c’est le projet socialiste. La vraie modernité de l’action publique aujourd’hui c’est la prise en compte de la personne”.

L’accompagnement de l’individu serait donc une clé de son émancipation. La société du “care” constituerait ainsi une évolution naturelle de l’État providence accusé d’avoir développé la passivité de l’individu, pour ne pas dire l’assistanat. “L’assistance est un échec quand on n’a pas réussi à donner à chacun les moyens d’exister” résume Martine Aubry.

Et si vous demandez des illustrations concrètes à la Première secrétaire, elle répond avec des exemples d’actions menées à Lille. Nicolas Sarkozy nous promettait de gérer la France comme une entreprise, Martine Aubry préfére comme référence le mode de gestion municipal…

Le manque de précisions offre un boulevard à l’UMP qui a beau jeu de railler, par Nathalie Kosciusko-Morizet interposée, “le retour à un discours de l’assistanat social et des bons sentiments”.

Manuel Valls, très critique, dénonce uneerreur profonde”, “un recul pour la gauche”, “une vieille idée des années 1980 en rien adaptée à la société française d’aujourd’hui”.

Le député-maire d’Evry relève qu’avoir recours à cette philosophie, c’est jouer avec le feu, c’est prendre le risque de générer des attentes énormes et des déceptions de même niveau. De façon pertinente le candidat déclaré aux primaires socialistes estime que “l’un des risques serait de nous faire passer d’une société de la passion, celle de Nicolas Sarkozy, où les uns sont dressés contre les autres, où les gagnants sont opposés aux perdants une société du sentiment où la promesse serait celle d’un bien être, d’une douceur, bref, d’un bonheur qui par définition n’est atteignable que par un chemin strictement personnel“.

Pourquoi refuser avec une telle obstination d’entrer dans la réflexion sur la société du  care ? pouvait-on lire au fil d’un billet sur le net. Jacques Julliard propose une réponse lorsqu’il écrit : “Certes, l’entraide est l’un des plus vieux et des plus nobles sentiments de l’humanité, sans lequel nous serions moins qu’un essaim d’abeilles ou qu’une horde de loups. Mais ce n’est pas à l’État à nous apprendre à nous aimer les uns les autres. Il a déjà assez à faire à nous assurer nos droits, qu’on ne le charge pas en plus de nous tapoter la joue et de redresser nos oreillers”.

L’agacement de l’éditorialiste du Nouvel Observateur, vieux compagnon de route de la gauche est d’autant plus compréhensible qu’en début d’année il appelait de ses voeux dans Libération une sociale-démocratie “de combat”,et que derrière l’incantation, il livrait clés en main “vingt thèses pour repartir du pied gauche”.

En vain. Le PS a préféré une voie plus confuse donnant l’impression de céder au mot d’ordre courage, fuyons. Une usine à gaz qui sous des aspects philosophiques permet surtout de mettre sous le boisseau le postulat selon lequel on ne peut partager que les richesses que l’on produit sauf à s’endetter. Une façon de ne pas répondre à la vraie question des présidentielles à savoir une méthode pour remettre à plat l’ensemble des finances publiques.

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