Cette nuit j’ai fait un drôle de rêve.
J’étais sur la plage, quand je me suis mis à courir vers la mer.
Je suis entré dans l’eau et j’ai continué à marcher, sous la surface. Ni homme, ni véritablement poisson, je m’enfonçais dans l’eau avec légèreté, foulant le sol en pente douce de mes pieds nus. Je retenais ma respiration et pourtant l’air ne semblait pas vraiment me manquer. C’était comme si la privation d’oxygène me plongeait dans une douce euphorie.
Arrivé plusieurs mètres sous la surface, je me suis arrêté. Devant moi, un trou. Ou plutôt un gouffre. Un puits sans fond, bleu, noir, effrayant et attirant à la fois. C’était comme se tenir au bord d’une falaise. Je me suis approché du gouffre, approché encore, et j’ai senti l’appel des abysses. Un appel irrésistible, magnétique. Je n’avais pas peur, je me sentais bien. Je ressentais plutôt cette forme d’assurance qu’on ne connaît qu’à ceux qui savent que rien n’est impossible. Alors j’ai pris mon élan et j’ai plongé.
J’ai chuté, chuté encore, chuté longtemps. Je m’enfonçait dans le néant comme une pierre qui coule au fond d’un lac. Je ne cherchais pas à me rattraper à la paroi. Je gouttais au plaisir simple de m’enfoncer dans cette eau douce comme du coton. Ma chute semblait interminable et je me pris à espérer que ce moment dure toujours. Mais je suis arrivé au fond de la mer et je m’y suis posé, délicatement. Il faisait sombre, il faisait froid et j’ai pensé à ce moment là « l’important ce n’est pas l’atterrissage, c’est la chute ».
Alors j’ai levé la tête vers la surface et j’ai entrevu ce rayon de soleil qui me rappelait vers la lumière. Léger comme un astronaute en apesanteur, j’ai entrepris d’escalader la falaise pour regagner la surface.
Mais ce n’était qu’un rêve. Les hommes ne font pas ces choses là…
Guillaume Néry, quadruple recordman du monde d’apnée (-115m), en Free fall dans le trou bleu le plus profond du monde, Dean’s blue hole. Ce film a été tourné entièrement en apnée par sa compagne, Julie Gautier.