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Notre époque a peur de ses femmes

Publié le 24 mai 2010 par Ruddy V / Ernst Calafol

Notre époque a peur de ses femmesVivre libre, c’est vivre dans le sens de la beauté des femmes. Notre société, par la pornographie ou le voile intégral, agit avec une violence rare sur la féminité. Signe infaillible d’un état de nihilisme… intégral.

Ce n’est jamais bon signe d’entendre trop souvent le mot « intégral ». Ces temps-ci, à travers deux faits sociaux apparemment assez éloignés, et même opposés, ce terme fleurit. Combien d’articles sur l’épilation intégrale ? Combien sur le voile intégral ?

Le principe d’intégralité vient donc mettre sur le même plan ces deux petits faits sociologiques, qui ont en commun de mettre sous pression le corps de la femme. Dans un cas, l’épilation, on ordonne de tout montrer, d’isoler le sexe féminin dans une sorte de symbole de pureté à contempler. Comme si, face au défi lancé par la beauté du corps féminin, au lieu d’y répondre par l’engagement, on préférait, inconsciemment, passer par une sorte de rite préalable, une violence nourrie de vengeance, qui souhaiterait porter un coup à la chair coupable. Avant d’en venir à l’érotisme, à la sexualité libératrice, passer plutôt par la pornographie qui annihile précisément la moindre parcelle de liberté sensuelle, faisant de l’acte un esclavage de plus.

Ainsi, l’auteur de cet article a récemment entendu dans un café un groupe de garçons deviser ainsi : « Si c’est pas rasé, j’y touche pas ! » Ou comment prouver par une petite pique tyrannique son impuissance chronique à se tenir à la hauteur de l’épreuve proposée par le corps féminin. Epreuve qui demande une certaine hauteur, un certain courage, totalement étranger aux mâles actuels. Les vraies femmes, qui ne souhaitent pas rester indéfiniment des filles, en désespèrent.

On pourrait aussi supposer que l’épilation intégrale, rapprochant la femme à sa physionomie de fille, permet ainsi de ne pas voir en face, littéralement, le fait d’avoir une relation avec une vraie femme. C’est une sorte d’adolescence manquée, et maintenue à bout de bras à coup de rasoirs et d’obsession. Au lieu de devenir adulte, dans le sens de prendre la responsabilité d’entrer dans une relation amoureuse, on préfère se rattacher à une sorte de régression infantile concernant telle ou telle partie du corps.

Une tyrannie intégrale sur le corps

Il ne faut pas voir seulement dans ces pressions exercée sur le corps féminin la faute d’hommes impuissants ; c’est aussi bien les femmes qui ne gèrent guère leur potentiel, et s’y offrent. Une fille qui suit tout les conseils que l’époque lui dicte, se protège elle aussi de toute relation qui mettrait en jeu sa capacité à la vraie responsabilité, toujours liée à la question amoureuse, qui extrait de tout contexte social.

De la même manière, certaines femmes qui portent le voile intégral disent ainsi se protéger du désir des hommes, de leurs regards. Par plusieurs aspects, la burqa répond également aux critères de beauté actuelle, en les inversant : là où la femme moderne occidentale devrait en montrer le plus possible, en gommant tous les affres du temps et de la maturité, celle qui porte le voile intégral est engagée à ne strictement rien montrer, dans une étrange décision d’opposer un voile neutre à toute possibilité de confrontation amoureuse.

Tout montrer ou tout cacher : dans un cas comme dans l’autre, il faut donc être d’un netteté irréprochable, pour n’avoir pas à entrer dans le monde si nuancé et pluriel de la sensualité.

Que vaut la « liberté » occidentale ?

Logiquement, les commentateurs occidentaux sont très partiaux sur l’analyse des deux phénomènes ci-dessus. L’épilation intégrale, par exemple, n’est vue que comme une mode passagère, une sorte de luxe propre à une époque très avancée, un détail sociologique, alors que la burqa serait un signe de régression sans pareil, à la signification démesurément fantasmée. Selon eux, dans un cas, faire attention à sa beauté constitue une liberté, dans l’autre, la cacher est un emprisonnement. Nous espérons avoir montré que cela n’est pas si simple.

Des pré-adolescentes arborant leurs strings, s’habillant dès le plus jeune âge comme des futures « bimbos », est-ce d’une liberté si remarquable ? Sans même parler de bon goût. Des corps de femmes retouchés par ordinateurs pour que, sur les images, elles paraissent plus jeunes (d’une jeunesse immémoriale, s’entend) qu’elles ne l’ont jamais été, les horreurs de la chirurgie esthétique qui donne cet air de cadavre à tant de célébrités, devenues incapable de sortir de cet espèce de masque mortuaire alimenté au botox ? Ces squelettes d’une beauté révolue, sont-ils vraiment plus reluisants qu’une personne portant le voile intégral ?

Imposer des codes à un corps ou le cacher, ce n’est peut-être pas exactement la même chose, mais le désir fondamental est le même : bloquer les messages libérateurs et asociaux issus de sa beauté naturelle.

Aujourd’hui, on n’a jamais vu autant de femmes dénudées ; mais elles n’ont jamais été si lointaines, tout comme ces corps de femmes voilées, qui portent pourtant, quelque part en elle et à leur insu, la clé de toute délivrance.

Crédit photo : FlickrSteel Wool



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