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Vers des primaires Canada Dry ?

Publié le 08 juin 2010 par Variae

Le rapport sur la rénovation du PS, examiné hier au Bureau National puis ce jour au Conseil National du parti, a une qualité : il brasse large. Il a aussi un grand défaut : il brasse large. Peut-on raisonnablement débattre en quelques semaines seulement du cumul des mandats, des primaires, de la promotion de la « diversité » ? Est-il sérieux, surtout, de faire voter d’un seul tenant un texte amalgamant toutes ces problématiques complexes ? Au défaut d’inventaire à la Prévert vient s’ajouter un manque de hiérarchisation, entre les sujets comme à l’intérieur des sujets. L’idée folklorique d’un comité d’éthique socialiste est mise sur le même plan que l’organisation des primaires. La date et le calendrier de ces primaires, quant à eux, sont traités comme un détail parmi d’autres, purement pratiques, à côté du nombre de bureaux de vote et du prix de la carte d’électeur. Il s’agit pourtant d’un élément essentiel, peut-être même le plus essentiel de l’ensemble du rapport.

Vers des primaires Canada Dry ?

Quelle est la temporalité proposée par la commission de la rénovation ? « [Les primaires] se dérouleront à l’automne 2011, après les élections sénatoriales. Le dépôt des candidatures se fera à la fin du mois de juin ». « Dépôt des candidatures » mis à part, on est en train de rejouer (au candidat près ?) le scénario de 2006 : une désignation tardive, courte, réduisant d’autant les espaces de débat et de confrontation entre les différents candidats.

Pourquoi un tel calendrier ? Le document final examiné par le Bureau national du Parti n’en donne aucune justification. La première version du rapport, plus bavarde, donne un peu plus d’éléments. Elle évoque et justifie deux bornes : celle des cantonales 2011 (impossible de commencer les primaires avant leur dénouement, fin mars), et celle de l’automne de la même année (la « conclusion de la saison des Primaires doit avoir lieu au plus tard à l’automne 2011 »). Ce qui laisse un intervalle de temps de 7 mois pour organiser et déployer la primaire. Dans la première version du rapport (mais pas dans la seconde), cet intervalle est occupé par l’hypothèse d’une primaire à deux tours, dans le cas d’un grand nombre de candidats : premier tour éliminatoire début juillet, primaire à proprement parler à l’automne. Si au contraire les candidats étaient moins nombreux, il suffirait de commencer « en septembre » (et les sénatoriales ?), pour une « Primaire de courte durée, dotée d’une campagne courte ». L’idée d’un premier tour éliminatoire disparaît du rapport final, mais pour autant, la primaire n’est pas prévue plus tôt. Rien n’est dit non plus de la façon d’occuper utilement le temps entre la fin des cantonales et les déclarations de candidature d’une part, entre les déclarations de candidature et la primaire à proprement parler d’autre part. On parle simplement d’un « déploiement naturel et total » des primaires « à partir de mars » … tout en affirmant par ailleurs qu’il est dangereux de laisser des candidatures officieusement déclarées dans un « vide organisationnel » !

On sort de ces lectures avec deux sentiments. D’abord que la volonté ferme des auteurs de ces rapports, jamais explicitement argumentée ni discutée dans ses conséquences, est celle d’une primaire courte et tardive, quelles qu’en soient les modalités exactes. Ensuite que la conception de cette primaire reste extrêmement confuse, faute peut-être d’une idée assez claire de ses objectifs concrets. Petit détail parmi d’autre, l’idée que laisser une primaire se déployer pendant l’été (les déclarations de candidature se faisant en juin), quand les Français sont en vacances et ont l’esprit ailleurs, n’est pas forcément un gage de succès, n’est visiblement venue à l’esprit de personne. De même que l’on peut bien déclarer la campagne « officiellement » ouverte en septembre ou octobre, dès lors que les déclarations de candidatures seront fermées, les hostilités commenceront, mais sans règles ni cadre organisationnel. Soit la pire situation qui soit.

Le bon sens commanderait une démarche simple. Reprendre les objectifs assignés à ces primaires dans le préambule de leur présentation (ouverture, popularité, instrument de façonnement de l’opinion …) et se demander, point par point, si le système que l’on met en place permet, ou non, de les atteindre. Des primaires trop courtes ne permettent ni de tester vraiment la capacité des candidats à défendre leurs idées, ainsi que leur façon d’être, ni de donner le temps à la « société civile » et à tous les Français de s’y intéresser et d’y prendre part. De s’en emparer. Elles figent l’opinion dans ses positions d’avant-primaires (positions que l’on sait très friables, voir là encore 2006), et les militants dans leurs fidélités de courant ou « d’écurie » présidentielle. En résumé, elles consistent simplement à ratifier ce qu’a déjà établi Monsieur IFOP ou Madame SOFRES. Puisque le storytelling est à la mode, on pourrait rappeler que c’est uniquement en s’inscrivant dans la durée que des séries télévisées, et leurs personnages, deviennent « culte » et suscitent un vrai engouement populaire. Rome ne s’est pas faite en un jour, Solférino non plus. Autre problème capital, des primaires trop tardives offrent au pays le spectacle lui-même tardif de nos affrontements internes (et laissent peu de temps pour une réconciliation et un rassemblement de leurs protagonistes), alors que le candidat de la droite est déjà en campagne.

Posé en ces termes, soumis distinctement au vote des militants – et pas au milieu d’un paquet de réformes du fonctionnement du parti – le débat serait sans doute tout autre, et d’une tout autre efficacité. Inversement, on a aujourd’hui l’impression – renforcée par les déclarations intempestives des uns et des autres sur des « pactes » de super-candidats – que l’on cherche en fait à reprendre aux militants ce qu’on leur a accordé un soir d’automne dans un instant d’égarement : une vraie chance de faire émerger, et de construire, une candidature qui soit à la fois conforme à leurs souhaits, et en connexion profonde avec le pays.

Romain Pigenel


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