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"Le modèle suisse" de François Garçon

Publié le 08 juin 2010 par Francisrichard @francisrichard

Le modèle suisseIl y a deux ans paraissait le Modèle suisse de François Garçon, chez Perrin ici. Faute de temps je ne l'avais pas encore lu. Crise des subprimes, crise de l'endettement public, se sont succédées depuis. L'auteur pensait que la diabolisation dont la Suisse était alors l'objet ferait long feu. Il n'en a rien été. Au contraire. La faim fait sortir les loups des bois.

Quand je vais en France, je me rends compte que les Français ne connaissent pas grand chose à la Suisse, qu'ils la dénigrent à partir de poncifs qui, depuis le temps qu'ils sont employés à tort contre elle, devraient être éculés. Force est de constater qu'il n'en est rien.

Même si beaucoup de choses - en deux ans - ont changé depuis la parution de ce livre, les fondamentaux qui en constituent la matière essentielle demeurent. Sans doute parce que l'auteur, de façon prémonitoire, ne parle pas spécifiquement des sujets qui, ces derniers temps, ont fâché les incompétents gouvernants français contre la Suisse, tels que le secret bancaire ou l'évasion fiscale.

L'auteur consacre pas moins de trois chapitres sur neuf à la démocratie helvétique, qui est, à son avis, un des facteurs clés d'explication de la réussite du pays. Il rappelle fort justement que celui-ci aurait toutes les raisons de se disloquer : quatre langues nationales, dont l'allemande, largement majoritaire, vingt-six Etats, deux mille sept cents communes, 21% d'étrangers, plusieurs religions etc.

En Suisse il y a autant de parlements et autant de gouvernements que d'entités politiques, Confédération, cantons, communes. Ils sont les uns comme les autres jaloux de leurs prérogatives. Leurs domaines d'action sont relativement bien délimités. Même si la Confédération a tendance à empiéter sur les cantons, les cantons sur les communes, le fédéralisme reste bien vivace. François Garçon ne prononce pas le mot de subsidiarité, mais c'est bien le mot qui convient pour définir cette répartition des tâches, qui part du bas vers le haut.

Les deux assemblées fédérales, le Conseil national, dont chaque député représente peu ou prou le même nombre d'électeurs, et le Conseil des Etats, où chaque canton est représenté par deux députés et chaque demi-canton par un député, doivent se mettre d'accord :

"Une loi ne franchit l'étape parlementaire que si les deux chambres sont tombées d'accord, à la virgule près".

Il est à remarquer que les élus ne reçoivent que des indemnités modiques - ils exercent par ailleurs une activité principale - et que les ministres sont en nombre réduit : sept pour la Confédération... De plus :

"L'Administration suisse déjà frugale, subit actuellement une cure d'amaigrissement".

Et :

"Pour l'heure les cantons réduisent leur endettement [...] et orientent leurs politiques budgétaires vers des spirales vertueuses"

L'endettement public, cela ne vous rappelle rien ?

Dans les autres pays démocratiques la démocratie de concurrence règne. En Suisse, la démocratie de concordance est la recette politique - au niveau fédéral on parle de "formule magique". Les principaux partis politiques sont représentés dans les gouvernements en proportion de leur poids électoral. Comme l'écrit Jean-Daniel Delley, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Genève, cité par l'auteur :

"Contrairement à la démocratie de concurrence qui permet à la majorité d'imposer sa loi à l'opposition, la démocratie de concordance exige de chaque partenaire qu'il sache tout à la fois modérer ses exigences et admettre en partie celle de ses adversaires".

La démocratie directe s'exerce en Suisse sous trois formes inédites dans les autres pays démocratiques, aux niveaux communal, cantonal et fédéral. Par l'initiative populaire le peuple peut proposer, par le référendum facultatif il peut sanctionner une décision prise par le parlement, par la pétition il peut interroger. Résultat :

"La machinerie du scrutin périodique est la condition de la paix civile. Elle apparaît comme le signe de maturité d'un Etat démocratique."

François Garçon décrit le système hors normes de formation en Suisse, dont j'ai eu la chance de bénéficier dans mon jeune temps et qui est à la base du dynamisme économique du pays. La paix du travail - la grève, peu utilisée, est vraiment l'ultime recours - est aussi pour quelque chose dans ce dynamisme, qui se traduit par un faible taux de chômage, faible taux que favorise encore la facilité de nouer et de dénouer les rapports de travail.

La Suisse ne dispose pas de richesses naturelles en dehors de l'eau de ses glaciers. 65% de son territoire est composé de montagnes. Cela ne l'empêche pas d'être un véritable dragon économique, dont le tissu industriel, qui profite de la mondialisation, est dominé par les PME, à côté desquelles prospèrent quelques multinationales - cinq d'entre elles figurent parmi les 100 premières. Dans quels secteurs la Suisse excelle-t-elle ? La pharmacie, l'industrie du médicament, la biotechnologie, l'industrie des machines, l'industrie alimentaire, l'horlogerie. La Suisse est donc loin d'être seulement le pays des banques et des compagnies d'assurances...

Le modèle suisse  est un livre qui expose "pourquoi ils [les Suisses] s'en sortent beaucoup mieux que les autres" :

"Dans cet écosystème de la superficie de l'Aquitaine ou de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, les choix collectifs passent autrement qu'en les imposant, les populations immigrées ont été accueillies sans être concassées, une industrie du savoir s'est renforcée pour atteindre l'excellence et une formidable prospérité au bénéfice du plus grand nombre a été rendue possible, le tout supervisé par un Etat minimal. Quel pays peut se vanter d'un pareil bilan ? ".

Il s'adresse principalement à la France et aux Français :

"La France n'aurait-elle pas intérêt à enfin tenter d'importer certaines recettes helvétiques autres que la fondue, quitte à les adapter sans les dénaturer ? Qu'on songe à la souveraineté du Parlement, à l'initiative populaire et au droit de référendum, notamment lorsqu'on rapporte la modicité de leurs coûts à leur efficacité comme instruments de pouvoir. Réforme de l'Etat et régionalisation n'auraient-elles pas beaucoup gagné en efficacité et profondeur si, régulièrement, les électeurs français avaient été informés et appelés à s'exprimer ?".

François Garçon conclut :

"Allons, tant de temps a déjà été perdu, mais, comme le dit le Bon Pasteur, il n'est jamais trop tard pour bien faire ! ".

Pour le moment il est loin d'avoir été entendu, mais peut-être faut-il, au préalable, qu'il soit lu...

Francis Richard

L'internaute peut écouter  ici sur le site de Radio Silence mon émission sur le même thème.

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