Ramener tout à soi, c’est s’épargner l’effort de comprendre tout ce qui diffère.
C’est un réflexe qui a à voir avec un certain poids d’inertie.
Pour les gens bornés, frileux, craintifs, c’est tellement plus commode !
Mais ramener tout à soi, c’est aussi ouvrir les vannes à l’intolérance. A la bêtise pure et simple, qui, en interdisant d’approcher l’inconnu, perpétue l’ignorance, interdit à la connaissance de progresser.
Paresse et orgueil deviennent vite les mamelles du rejet, voire de l’hostilité.
Ce qui biaise, me semble-t-il, notre réflexion sur le pourquoi de notre existence, c’est le fait que ce soit NOUS, précisément, qui réfléchissions.
Il est tellement facile, après coup, de se dire « ça devait être ! ».
Notre nature humaine, qui implique l’obsession de trouver du sens, n’interfère-t-elle pas sur le processus de notre démarche « connaissante » ?
Beaucoup d’éléments, maintenant, nous portent à croire qu’au fil des âges, la survie de notre espèce a tenu du miracle.
Si l’on reste dans une optique ultra-pragmatique, ce qu’il faudrait sans doute savoir, c’est la raison pour laquelle le cerveau humain s’est ainsi développé, jusqu’à l’hypertrophie.
A quel besoin répondit un pareil développement de l’encéphale ?
Certains répondront « à aucun besoin concret », sinon de manière fort tortueuse.
Chercher, connaître, voilà qui ne simplifie guère la vie, non ?
Est-on fondé à voir un « cadeau », une « aubaine » dans l’angoisse existentielle qui semble aller de pair avec l’intelligence aiguë ?
L’Homme pouvait parfaitement exister (et il a d’ailleurs, de fait, existé de la sorte, sous l’espèce d’avatars multiples, telles, par exemple, les très nombreuses espèces d’hominidés, puis d’êtres humains proprement dits, qui le précédèrent et qui rendent son évolution si « buissonnante ») sans abstraction et sans haute technologie. Avait-il besoin, j’y reviens, de ces dernières entités qui ont fini par faire de lui une menace pour ses propres écosystèmes et pour cet écosystème global qui lui est vital, la planète Terre ? Où l’a mené l’abstraction, la pensée, sinon à renier souvent rageusement l’ordre de la matière organique, auquel il doit la vie ?
Que penser d’une réalité totalement neuve, d’une « émergence » qui se tourne contre ses propres sources et ses propres intérêts ?
Ne trahit-elle pas qu’au fond, l’Homme n’est pas assez « intelligent », car, s’il l’était, il ne perdrait jamais de vue le sens de l’équilibre, il ne se laisserait pas aussi facilement basculer dans la démesure qui met en péril l’existence même de son intelligence ?
La situation actuelle de l’Homo Sapiens n’est-elle pas franchement absurde ?
La Vie, la pensée comme consciences confuses de l’infini…pourquoi pas ?
Auparavant, la Vie existait pour elle-même, pour se survivre à elle-même.
Mais, avec l’Homme, on serait tenté (pourquoi ?) de croire qu’elle est devenue un simple véhicule de la pensée.
La pensée, tout comme la vie organique, cherche à toute force à se transmettre.
Tout se passe comme si elle avait acquis une sorte d’autonomie.
La peur de mourir, chez l’Homme, n’est-elle pas, d’abord, le fait d’une conscience , d’une conscience de soi en tant que mental individuel unique ?
Pourquoi l’existence paraît-elle si courte à l’esprit humain ?
A quoi est liée, chez l’Homme, l’idée de la valeur sacrée de la vie humaine ?
A une empathie qui est profondément inscrite dans la nature humaine (cf. les neurones-miroirs) ?
A la conscience qu’en tuant, c’est, d’abord, une conscience, un esprit qu’on prive de durée – et non seulement une simple chair (cf. la culpabilité des survivants qui entoure tout décès humain et qui, notamment, se manifeste au travers de la croyance en des « esprits », des « revenants » potentiellement malfaisants, revendicatifs) ?
Pourquoi le fait de prendre la succession de ses parents, de ses ancêtres pose-t-il un tel problème socio-psychologique, et ce dans toutes les sociétés d’Homo Sapiens ?
Au fond, toutes les observations, toutes les constatations et toutes les idées humaines ne se ramènent-elles pas à un seul et unique tronçon de phrase : « vu comme ça… » ?
Mieux connaître n’est-ce pas, avant tout, changer d’angle d’approche ?
J’ai beau essayer, je n’arrive pas à comprendre le côté réfractaire aux influences étrangères des Français.
Le Temps se vit-il à proprement parler, ou, bien plutôt, se perçoit-il ?
Vivre, c’est aussi, ne l’oublions pas, transporter son passé.
C’est être à la fois fixe comme le passé, flou, mouvant comme le présent et incertain comme l’est l’avenir.
Et si le temps n’était qu’une illusion ?
Et si seul, en fait, en dernier ressort, était l’instant éternel ?
Ce qui apparaît, en tout cas, c’est que le temps poétique, c’est celui de l’Instant.
Il faut, sans aucun doute, avoir l’instinct de l’Instant pour être poète.
La mémoire ne constitue-telle pas un défi au temps qui passe ? Une irruption intempestive du souvenir, donc du passé dans le présent, un peu semblable à celle d’un chien qui bondirait au beau milieu d’un jeu de quilles ?
Avant la mémoire, je présume que le rapport au temps ne pouvait être le même.
La conscience humaine, une fois dotée d’une mémoire lui restituant – lui construisant un avant, un passé (même de façon imparfaite, souvent déformée), s’est mise à exiger d’être en mesure de connaître l’avenir.
Question : qu’est-ce qui a le pouvoir d’apaiser nos souffrances tout en suscitant nos angoisses ?
Réponse : le Temps.
Un véritable créatif vit, d’abord, pour l’acte de créer.
Ce que (peut-être) j’aime le plus chez Dieu, c’est son goût pour les paradoxes.
Quand le poisson pense, il suit
car Descartes a dit : qui suit pense !
P.Laranco