Banderille n°343 : Le sport a pourri l’argent

« Banderille n°342 : Viens chez moi, j’habite chez une ministre | Home

Par Toréador | juin 10, 2010

Le salaire de labeur

Le mass média est un restaurant étonnamment appauvrissant. La carte est imposée, les prix attractifs, mais les plats régulièrement identiques. Cette semaine, d’i-télé à BFM en passant par LCI ou le Canard enchaîné, tous ont réchauffé les mêmes fonds de poêle : polémiques sur le train de vie de tel ou tel, et/ou football.

Sur le premier comme le second point, on peut parler d’un ramassis d’hypocrites. Qu’il s’agisse de la petite méchanceté stérile de Rama Yade sur l’hôtel des Bleus ou des articles plus habiles du Canard sur la rémunération de Christine Boutin, l’appartement de Fadela Amara ou celui d’Estrosi, le fond de sauce est le même : battre le peuple en neige en excitant son bon sens populaire.

Mon meilleur ami gagne 1 200 € net par mois. Il est agent de base en administration. Il trouvera scandaleux que Christine Boutin gagne 9 000 € par mois pour une mission sur la mondialisation. Un autre de mes amis, très jeune, est avocat d’affaires et gagne 10 000 € par mois. Lui me défendra que Boutin est payée en queue de cerises. En revanche, le premier – qui adore le football – ne s’émouvra pas que Ribery gagne cent fois plus que lui, tandis que le second – qui est plus rugby – défendra l’idée d’un plafond.

Tout ça pour dire que chacun voit midi à sa porte.

La vérité est que le salaire ou le traitement ne reflète ni le nombre d’heures travaillées, ni le nombre d’années d’études, ni l’effort fourni. Il se définit comme un marqueur social pour valoriser certaines filières par rapport à d’autres. C’est cela – et uniquement cela – qui fait qu’on valorise un « trader ».

Ce n’est pas en exigeant que les ministres vivent dans un studio et gagnent un salaire « normal » qu’on captera les meilleurs éléments. Déjà, le secteur privé est capable d’aligner des salaires 10 à 100 fois supérieurs. Qu’on y réfléchisse ! Un homme comme Oudéa (Société générale) ou Baudouin-Prot (BNP-Paribas) doit tourner à un million d’euros par an. Que veut l’Etat ? Prendre les rebuts du privé pour faire tourner sa boutique ?

Plutôt que d’analyser sereinement le problème dans sa globalité, presse écrite et télévision ont préféré s’engouffrer avec une délectation non-feinte dans la brèche et sonner l’hallali. Personne ne s’est interrogé sur qui avait fait fuité quoi, et pourquoi.

Vous reprendrez bien encore un peu de notre plat du mois ?

Autre plat réchauffé : le Mondial. Nos journaux du matin ont pris soin de présenter un sondage disant que « 56% des Français se disent intéressés par la compétition », … ce qui signifie que 44% s’en soucient comme une guigne. Or, sitôt cet aveu effectué, comme un seul homme, les médias ont déployé des duplex coûteux avec Johannesburg, histoire de nous raconter (faute de matchs…) qu’il pleut là bas et que le drapeau a changé….Tant pis pour la moitié pas intéressée, elle est priée de s’excuser d’exister.

On le sent chez ces journalistes de télévision, le sport est la seule rubrique qui les intérèsse vraiment. A force de présenter de la merde et des mauvaises nouvelles chaque jour, ils se sont eux-mêmes auto-intoxiqués. Le Mondial, c’est leur bol d’air et cela justifie que même les chroniqueurs « non-sportifs » s’y soient délocalisés.

Qu’importe que nous ayons un sélectionneur détestable, antipathique, plein de morgue, sans amour-propre, et une équipe nullissime  qui a triché pour venir là bas et qui va se faire sortir au bout de quinze jours.

Le sport sublime, et qu’importe si là, pour le coup, ça coûte un fric monstrueux : 14 membres des cabinets de Rama Yade et Bachelot se sont déplacés !

Sujets: Banderille, Toréador critique littéraire et médiatique | Commentaires fermés

Comments are closed.