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Une république en délabrement #1 – R. Yade, les pieds dans le tapis

Publié le 10 juin 2010 par Vogelsong @Vogelsong
“panem et circenses (du pain et des jeux)” Juvénal Ier après J.C.
Le caractère “insignifiant” des affaires qui se succèdent montre l’état particulier de délabrement du débat public, de la politique française. Les petites polémiques ne sont pas nouvelles. Ce qui est frappant, c’est la manière dont elles s’articulent. La manière dont elles se dévoilent, la façon dont les contre-feux sont initiés. De R. Yade à B. Hortefeux, l’oscillation médiatique peut faire passer de la consternation au regard amusé, presque distant. On ne sait plus, on n’arrive plus à distinguer le sérieux du futile, le bon grain de l’ivraie. Une république en délabrement #1 – R. Yade, les pieds dans le tapisLe brouillage permanent des signaux politiques atteint les limites du compréhensible. Sauf à tout traiter de la même façon, par un mépris blasé. Comment interpréter les propos vaseux d’une ancienne ministre “des droits de l’Homme” reléguée aux strapontins de secrétaire d’État au Sports ? Qui, à l’aube du rendez-vous planétaire footballistique émet des réserves sur la frugalité des demi-dieux du cirque publicitaire global. Elle estimait qu’en temps de crise, il fallait faire preuve “de décence”, trouvant “clinquant le palace” sur la baie que les idoles de « tout un peuple » iront squatter. Curieusement, tout citoyen normalement éduqué devrait trouver ce propos sensé. En d’autres termes, qu’est-ce qui vaut l’investissement de telles ressources pour une activité, certes réjouissante, mais désespérément futile. Pourtant, on est saisi d’un vertige, en se rendant à l’évidence ; cette pauvre potiche raconte n’importe quoi. Emploie les termes d’indécence et de clinquant dans l’environnement économique du printemps 2010, comme si elle saisissait la portée de son intervention. Non pas que ses paroles lors de ses déclarations à l’AFP soient ineptes. L’abbé Pierre aurait pu les tenir… Juste qu’il s’agit d’un glissement complet du principe, simple, de réalité. En 2007, N. Sarkozy le patriarche de toute cette génération de politiciens sans complexe a largement exalté les valeurs nationales. Ce petit instinct grégaire qui va se nicher au cœur de tous les hexagonaux. Un petit instinct qui fait d’un paisible père de famille, un animal vociférant devant son poste de télévision lors d’un match des “bleus”. Une partie de cette pulsion qui amène le tranquille citoyen à trouver “normal » les mesures d’extraditions inhumaines des “autres”. Et il faut bien être clair sur ce point. Deux années complètes de quotas “Hortefeux” n’ont suscité ni mouvement d’ampleur, ni mise au pilori de la patrie des droits de l’homme, la France. Ce petit instinct grégaire, qui provoque l’anesthésie presque totale du péquin quand le grand timonier de la nouvelle droite décomplexée insulte l’homme africain, et condamne la repentance de la France. Raccourcis oiseux footballistico-politiques ? Démagogie populiste ? Probablement pas. La politique, la vie publique s’organise aussi autour de symboles et de valeurs qui donnent une cohérence, une vision du bien public. Il suffira qu’une secrétaire d’État au sport, noire, fasse entendre à sa voix pour déclencher un tollé de protestations. Une secrétaire d’État mise sur orbite au regard de ses critères physiques, castée pour masquer la forêt des inégalités “raciales” de ce pays. Pour masquer aussi le ratissage de cinq années de drainage en territoire frontiste. Une secrétaire d’Etat qui n’avait rien trouvé à redire sur le clinquant des soirées au Fouquet’s. Ni sur l’indécence du bouclier fiscal en pleine tempête économique. Et puisque tout est symbole, elle n’avait rien trouvé à redire à la manière dont le gouvernement Sarkozy (et non Fillon) a passé par pertes et profits la question des droits de l’Homme. Le football dans tout cela ? Très important. Central même. Une métaphore de tout le fatras républicain. Les smicards qui adulent les milliardaires, dans un environnement totalement “marchéïsé”. Avec quelques voix dissonantes, et bien calibrées, pour donner la sensation de “critique”. C’est aussi un sanctuaire politique temporel qui permet au bulldozer de la droite de souffler. R. Yade est hors-jeu quand elle blâme les délires footballistiques. Elle mène une carrière politique sur les valeurs de ce qu’elle dénonce. L’indécence des inégalités, le clinquant d’une oligarchie, soudés par la haine de l’autre, noir et pauvre de préférence, avec l’assentiment de ceux qui restent, blancs et moyennement pauvres si possible. R. Yade veut se placer au centre du terrain politique, sous les projecteurs, avant un évènement sportif planétaire se déroulant en Afrique du Sud. Afin d’exister. Pour cela, elle étale sa morale de camouflage. Nulle et non avenue. Mais R. Yade n’est pas plus à blâmer qu’un autre bouffon qui tente d’exister dans cet environnement déliquescent. Comme R. Bachelot, en service commandé qui va recadrer l’“impudente”. Dans un jeu bien structuré, où la défense des dominants reste le but. Vogelsong – 10 juin 2010 – Paris

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