Comme les finances publiques continuent de se dégrader, Nicolas Sarkozy a annoncé le 20 mai dernier vouloir brider davantage les « dépenses d'assurance maladie ». Leur assainissement en France est absolument nécessaire. Cependant, la voie empruntée par le gouvernement mène à une impasse et cache des effets pervers redoutables pour les malades. Car sans une libéralisation au préalable du système de santé, la maîtrise comptable des coûts de santé débouche inexorablement sur un rationnement bureaucratique des soins et, à terme, sur des files d'attente pour les patients français. Pour l'Institut économique Molinari, le gouvernement français devrait tirer des leçons de la réforme menée aux Pays-Bas en 2006, dont une nouvelle étude analyse précisément la teneur.
La politique actuelle de maîtrise comptable des coûts en France est une impasse. Pour preuve, il suffit d'en constater les dégâts là où elle a été menée, aux Pays-Bas avant la réforme de 2006. Le système hollandais reposait sur des prestataires de soins (médecins, hôpitaux, laboratoires, etc.) qui dans la plupart des cas n'avaient pas le statut public, à l'image du secteur libéral en France et du secteur privé hospitalier. Cependant, comme en France, ils étaient dépendants pour la majeure partie de leurs revenus du monopole public de couverture maladie et in fine du pouvoir politique. Leurs conditions d'exercice étaient aussi fortement étatisées et leurs budgets restaient sous le contrôle strict de l'État. Dans ce contexte, la réduction comptable des dépenses de santé exercée par les pouvoirs publics s'est automatiquement traduite par des retards dans la délivrance de soins auprès de la majorité de la population.
Les conséquences ne se sont pas fait attendre : comme au Royaume-Uni et au Canada, les files d'attente se sont allongées ! Ainsi, en 2001, environ 244.000 malades attendaient pour des soins hospitaliers. Le coût lié aux listes d'attente – en termes de perte de bien-être, de revenu et de productivité, de handicaps à long terme, etc. – a été estimé à 3,2 milliards d'euros par an, soit près de 6,1% des dépenses totales de santé cette année-là.
Le gouvernement hollandais a alors eu le courage de desserrer l'étau étatique plutôt que de mener le système à son étatisation complète, au bénéfice des patients, des prestataires de soins, voire même d'une meilleure maîtrise des dépenses de santé.
Le monopole du régime obligatoire de couverture maladie qui couvrait environ les deux tiers de la population a été aboli – un sujet tabou en France. Désormais, les Hollandais ont le choix entre différentes polices et entre différents assureurs, les incitant à une « consommation » plus responsable des soins. Les prestataires de soins disposent de plusieurs sources de revenus et ne subissent pas – comme en France – le pouvoir de ce monopole. Ils négocient leurs prestations de santé avec les différents assureurs privés et peuvent s'organiser plus librement : filières verticalement intégrées, organisées par les assureurs privés, et mises à disposition de leurs assurés, etc. Les tarifs de plusieurs soins hospitaliers courants – tels que les opérations de la hanche, du genou, de la cataracte, etc. – ont été laissés à la libre négociation. La part des soins librement tarifés a ainsi été progressivement étendue, atteignant 20% des dépenses hospitalières en 2008 et 34% en 2009.Les temps d'attente ne sont plus considérés comme un problème depuis la réforme. Leur réduction a d'ailleurs pu se faire alors que les dépenses totales de santé ont augmenté moins vite après la réforme, entre 2006 et 2008 (+5,3% en moyenne par an), qu'entre 1998 et 2005 (+7,6%). La réforme hollandaise de libéralisation du système de santé ne va certes pas assez loin et à terme les bénéfices attendus pourraient être du coup, bien moindres. Elle offre cependant des pistes de réforme intéressantes pour les pouvoirs publics français et ceux d'ailleurs.