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“Margot, mémoire d'une reine” de Goran Bregovic

Publié le 11 juin 2010 par Ruminances

Posté par clomani le 11 juin 2010

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C'est par hasard que je suis tombée sur l'affiche du Festival “Métis” (Méditerranée, Est-Ouest) de Saint-Denis annonçant le concert-spectacle de Goran Bregovic. Autant le dire tout de suite, je deviens complètement midinette dès que j'entends parler de Bregovic, je pleure d'émotion quand j'entends “Ederlezi”, remis à jour par Goran Bregovic pour le film “le temps des Gitans” de Kusturizca… Il y a 2 ans, j'avais passé la soirée à vibrer et à pleurer à l'Opéra Bastille où Kusturizca avait monté le film, en opéra cette fois-ci. Lundi dernier, lorsque je suis allée chercher les billets, j'ai même traîné sur le parvis de la Basilique, sirotant un petit Perrier-rondelle dans l'espoir de voir passer Goran Bregovic allant répéter. Hélas ! Mon petit coeur de fan de Goran n'a pas battu plus fort : je ne l'ai point vu !

Margot, mémoire d'une reine”, se passait hier soir sur une scène montée juste au-dessous des grandes orgues de la Basilique de Saint-Denis (pour mémoire, on peut y voir les gisants de nos anciens rois de France). C'est un spectacle avec Bregovic tourne dans le monde entier, qu'il a monté à partir du film de Chéreau dont il a composé la musique. On peut écouter gratos cette bande son sur le site musicMe en tapant “la reine Margot”. Ca vous donnera déjà une petite idée de ce que j'ai pu voir hier soir.

Mauvaise bouffe au couscous du coin (merguez cramées, mon tajine complètement insipide et service débordé par la clientèle inhabituelle, pressée de ne pas arriver en retard au spektak) puis on se rue sur nos chaises (toutes alignées les unes derrière les autres, rendant impossible la vision de la scène pourtant assez proche mais pas assez surélevée). La scène a donc été montée sous les orgues… ce qui fait que nous tournons le dos aux magnifiques vitraux de la basilique… ceux qui sont sur les côtés, à l'arrière étant quelque peu “pâlots”. Qu'importe, on est là pour écouter de la musique.

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Goran arrive en premier sur la scène, entièrement vêtu de blanc… salue la foule et s'assied en s'emparant de sa guitare. Il est suivi de son groupe balkanique “des mariages et des enterrements”, des choristes, des chanteuses aux sonorités bulgares et au costume fleuri… et ça commence… je fonds (déjà) tel un marshmallow sur une plaque chauffante.

L'acoustique est parfaite… le chanteur -seul percussionniste du groupe de cuivres- entame une mélopée qui sonne tantôt grecque, tantôt arabe et nous rappelle ainsi que Bregovic est né Yougoslave, aussitôt suivi par les cuivres qui vous met des fourmis dans les jambes, les épaules et les bras… d'entrée, nous voilà en plein dans l'ambiance des Balkans avec cette petite fanfare qui vous transporte de joie… ou pris aux tripes par cette voix incroyable du soliste.

Après, fini la rigolade… une récitante toute de noir vêtue entre en scène et nous raconte la guerre… la guerre des politiciens religieux qui s'est passée à Sarajevo principalement… Tout son récit,souligné par les musiciens dirigés par Goran, dessine la guerre, en mélangeant celle qu'a vécu Henri IV, époux de la reine Margot à celle, récente, de la fille d'un militaire bosniaque… Lorsque la récitante s'arrête, les choeurs d'hommes, aux timbres très slaves et aux voix graves mêlent des sons de la liturgie orthodoxe à ceux de nos chants religieux moyen-âgeux… l'orgue fait quelques petites incursions… Goran surveille le tout et donne le ton très doucement de sa main droite lorsqu'elle lâche les cordes de sa guitare. La récitante évoque la violence, celle qu'a subie Marguerite de Valois, la Catholique, la reine… qui rêvait qu'elle transpirait des gouttes de sang… qui attendait son époux le roi, toujours guerroyant à droite et à gauche… et poursuit son long échange avec la musique… La Saint-Barthélémy résonne particulièrement fort dans cette basilique gothique, surtout aidée par les orgues et les choeurs masculins qui tonnent et déchirent.

Puis la récitante s'en va… la guerre, les guerres ont de toutes façons tout détruit, surtout les amours, les familles… seules restent les femmes à la recherche de leurs hommes, maris, fils…

Nous, public, sommes anéantis… l'épisode fut long et douloureux -surtout à cause de l'inconfort des chaises et de la personne devant vous qui n'arrête pas de bouger la tête, vous obligeant vous-même à bouger la vôtre et à vous tordre-… Une voix bulgare entonne la chanson appelée “Elo Hi” . A la suite de quoi, Goran nous retourne complètement : finie la tristesse, remuons-nous, soyons joyeux… c'est alors que les cuivres s'en donnent à “choeur joie : cuivres et orgue dialoguent, comme dans un morceau de jazz, les choeurs s'en mêlent… c'est génial, ça vous transporte. Vous oubliez que vous étiez super énervé la minute d'avant à cause de la “coiffure à la Christine Lagarde” qui vous empêche de voir… Les gens commencent à se lever dans la salle, dont moi, je remue bras, épaules et finis par me lever et à faire tourner mon foulard au-dessus de ma tête. Ca se termine en apothéose avec une majorité du public, debout qui tape en rythme dans ses mains.

Puis, petit plaisir que Goran nous fait : il nous offre deux chansons “à boire” mais “de troupes puisqu'il s'agit de guerres” auxquelles il nous fait participer. Nous sommes le choeur… on doit chanter “artilleria” pour la première… et “à la charge” pour la dernière… et ça marche : le public de Parigots coincé hurle “artilleria” dès que Bregovic lui fait signe, et “à la charge” pour lancer la dernière chanson.

Vous repartez alors avec une banane incroyable. Goran Bregovic a fait passer son message : la guerre, c'est vraiment dégueulasse, mais la vie, c'est mieux… vivons, rions, amusons-nous, chantons, dansons… Enfin, c'est comme ça que j'ai compris cette soirée. J'aime bien cette façon de réécrire l'histoire qu'ont certains artistes. Surtout celle de Goran Bregovic.

J'ai, du coup, très envie de faire en sorte que mon prochain voyage se passe à Sarajevo. Au desk étranger jusqu'en 1998, j'en ai vu, des horreurs “balkaniques” arriver via les reportages de nos envoyés spéciaux et celles des agences… Pauvres populations prises en otage par leurs connards de dirigeants assoiffés de pouvoir, prétextant la religion pour mieux éliminer l'autre, celui d'en face… J'ai envie de voir comment les gens se sont remis de cette guerre si” dérangeante”pour nous, parce qu'elle se passait en Europe, à côté de nous…


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