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Cléobule

Publié le 11 juin 2010 par Jlhuss

rapace_041a.1276243865.jpg C’est bien injustement qu’en France on fronde le Président et qu’on chicane ses ministres. Ils n’ont que l’ombre du pouvoir. D’autres tiennent la proie.

Cléobule est de ceux-là. Ses débuts furent modestes mais son élévation rapide. Muni du diplôme d’une modeste école d’ingénieurs  et d’un doctorat dont la thèse ne révolutionna pas sa discipline, il eut le bon esprit de postuler pour un poste d’enseignant dans un IUT. Il l’obtint sans difficulté tant ces structures, nouvellement créées, manquaient de cadres. Deux ans plus tard il en était le Directeur. Passer de là à la Vice-Présidence  puis à la Présidence de l’Université (de nouvelle création elle aussi) à laquelle était rattaché son Institut, fut pour lui un jeu d’enfant. Des médisants, ils sont aussi nombreux dans l’enseignement supérieur que dans les salles de rédaction, prétendirent que l’appartenance de Cléobule à une société discrète n’était pas étrangère à la rapidité de son ascension. Ces insinuations ne méritent que le mépris. Si Cléobule devint Président de son Université à trente-quatre ans, il le dut uniquement à ses compétences gestionnaires et à la solidité de convictions progressistes.

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François Mitterrand ne pouvait ignorer des qualités aussi éminentes. Dès 1981, il fit de Cléobule le plus jeune recteur de France. Cléobule se montra un serviteur zélé du nouveau régime, se faisant particulièrement remarquer par son ardeur à prôner les nouveaux dogmes officiels. Il prêcha sans rougir que le savoir n’est rien au regard du bien être de l’Enfant (la majuscule ayant cette vertu qu’elle permet d’éviter de se soucier de ce qu’il advient des enfants avec une minuscule). Il imposa les Zones d’Education Prioritaire, ainsi appelées pour bien faire comprendre que l’instruction, cette vieillerie sclérosante, devait céder la place à l’éducation, notion éminemment moderne  et émancipatrice dont, trente ans après on ne peut que constater les merveilleux effets.  Il vanta la non directivité,  célébra l’autonomie, exalta la créativité et sut expédier avec à-propos sur des voies de garage ceux qui émettaient quelques doutes sur l’efficacité des idées nouvelles. Un poste d’Inspecteur Général récompensa son zèle.
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Il passa donc assez paisiblement les deux années du gouvernement Chirac. Aussitôt après la réélection de François Mitterrand, il redevint recteur puis, en 1992, il fut appelé par Lionel Jospin, au ministère de l’Education Nationale pour y être  Directeur des Lycées et Collèges. Il quitta ce poste en 1995 pour devenir, sous Bayrou, Directeur de l’Enseignement supérieur. En 1998, Allègre, qui, semble-t-il ne l’estimait que modérément, l’envoya dégraisser le mammouth dans un rectorat de la région parisienne. L’ineffable Jack Lang le tira de ce très relatif exil en en faisant son directeur de Cabinet.. L’alternance n’eut aucun effet sur sa carrière puisque Cléobule devint, en 2003, Président du Haut Conseil de l’Evaluation de l’Ecole. Il est aujourd’hui administrateur du Centre National des Arts et Métiers, membre du Comité directeur de l’Institut Montaigne et Luc Chatel vient de lui confier la direction de la réflexion sur l’évolution des rythmes scolaires.
Ainsi, depuis trente ans Cléobule fait partie de la petite caste des grands commis qui gouvernent, de fait, le ministère de l’Education Nationale. Il y côtoie d’autres personnalités aussi  insubmersibles que lui tel Théocrite, récemment passé du pédagogisme à l’écologisme, ou Ornuphle, peu connu du public, ce qui est bien dommage, car on lui doit  des pages d’anthologie sur la nécessaire réforme du système, question qu’il maîtrise à fond puisqu’il a rédigé la presque totalité des instructions officielles des trente dernières années.
Habiles à distinguer où se trouve le manche pour ne jamais se tromper de côté, maîtres dans l’art de plier leurs discours aux lubies du Prince, fournisseurs empressés d’arguments spécieux, Cléobule et  ses pareils règnent sur l’administration de l’Education Nationale. Bien plus que d’éphémères ministres, ils sont les vrais responsables d’une politique qui, en matière scolaire, a relégué la France aux derniers rangs des pays développés. Devant l’étendue du désastre on se demande avec angoisse quel Hercule politique sera en mesure de nettoyer un jour cette écurie d’Augias.

Chambolle


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