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La cause palestinienne victime de son internationalisation

Publié le 11 juin 2010 par Tanjaawi
Le mouvement de libération palestinien a toujours été le jouet des puissances arabes ou occidentales.

L’odyssée tragique de la flottille internationale pour Gaza a soulevé une question. Qui parle aujourd’hui au nom des Palestiniens ? En théorie, les choses sont on ne peut plus claires. Depuis la défaite arabe de 1967 face à Israël, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) est leur représentant « légal », jouissant d’un statut d’observateur aux Nations unies. L’OLP a été reconnue comme tel par Israël en 1993. Depuis la même date, l’OLP dispose sur le terrain d’un bras exécutif, l’Autorité palestinienne, d’un président, Mahmoud Abbas, d’un premier ministre, Salam Fayyad, et même d’un gouvernement. Sauf que Ramallah, la ville palestinienne dans laquelle est confinée cette Autorité, a de plus en plus les allures de capitale (provisoire) Potemkine.

Alors qu’Israël mène la bataille contre les tentatives de délégitimation qu’il croit percevoir derrière les discours critiques de sa politique dans les territoires palestiniens, l’Autorité palestinienne et l’OLP luttent contre un effritement constant de leur propre légitimité. La contestation la plus directe vient des territoires palestiniens. Elle est portée par le Hamas, qui, depuis sa création, en 1987, n’a cessé de gagner en puissance, jusqu’à pouvoir expulser de Gaza, en juin 2007, un exécutif discrédité, en dépit de services de sécurité pléthoriques.

Si le triomphe du Hamas aux élections de 2006 pouvait surtout s’expliquer par un vote de rejet des « sortants », le mouvement islamiste n’en dispose pas moins d’un noyau dur qui représente sans doute entre un quart et un cinquième de la population de Gaza et de Cisjordanie.

L’Autorité a aussi de plus en plus de mal à convaincre de son utilité la fraction de la société que révulse tout autant le conservatisme du Hamas et son mode de fonctionnement. Une fraction silencieuse par défaut, qui n’a jamais pu s’incarner dans une « troisième voie », agglomérant les porte-parole les plus brillants d’une société civile dont l’influence culmina sans doute lors de la première Intifada, au zénith du mouvement national palestinien.

Le paradoxe est cruel. Ce mouvement national, né dans les camps de réfugiés qui ont essaimé sur le pourtour d’Israël, est aujourd’hui conduit par la génération qui s’y forgea mais qui leur tourne le dos. Depuis la disparition de Yasser Arafat, sans doute plus petit commun dénominateur pour des forces composites, mais dont la plasticité politique pouvait embrasser pratiquement toutes les postures, de celle de l’internationaliste à celle du musulman quasi bigot, la direction palestinienne, incarnée par Mahmoud Abbas, dont le mandat de président court par défaut, faute de pouvoir organiser des élections à Gaza comme en Cisjordanie, ne cesse de se rétracter.

Recroquevillée sur la Cisjordanie, elle ne peut mettre en avant que la reconnaissance que lui confèrent les parrains internationaux du processus de paix et le soutien budgétaire (notamment européen) qui va de pair. Les fonctionnaires palestiniens savent d’où proviennent leurs salaires. L’Autorité palestinienne, mal nommée, qui ne pourrait tenir sans cette aide massive en dépit d’une amélioration de l’économie en Cisjordanie, est ainsi un pouvoir durablement faible.

Cette faiblesse a libéré un espace pour tout acteur capable ou désireux de se saisir du dossier palestinien. Sans aller jusqu’à un retour aux années qui avaient suivi la création d’Israël, en 1948, pendant lesquelles la cause palestinienne fut le jouet presque exclusif des puissances arabes environnantes, la « dépalestinisation » de ce mouvement, selon l’expression de l’historien Jean-François Legrain, ne cesse de gagner du terrain.

Les pays occidentaux avaient ouvert la brèche en imposant à Arafat des aménagements institutionnels (la création d’un poste de premier ministre) à une époque (en 2002) où la création éventuelle d’un Etat palestinien passait officiellement, à Washington, par l’éviction de la direction historique.

Lorsque les deux principales factions palestiniennes s’affrontèrent dans une quasi-guerre civile, en 2007, ce fut le royaume saoudien qui intervint pour imposer une médiation indispensable à la relance de l’Initiative arabe, historique à plus d’un titre, du roi ­Abdallah en direction d’Israël. La gestion de la réconciliation interpalestinienne passa ensuite dans les mains de l’Egypte, avec le souci manifeste, vu les résultats, de contenir le mouvement islamiste, ­épigone des Frères musulmans égyptiens.

Aujourd’hui, c’est au tour du premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, de se poser en défenseur de la cause palestinienne à un moment où la Turquie ne fait plus mystère de ses ambitions régionales et joue de ses bonnes relations avec les poids lourds arabes proches des Occidentaux (Arabie saoudite et Egypte) comme avec la Syrie et l’Iran.

L’utilisation du mouvement national palestinien (que l’on constate également dans la rhétorique du Hezbollah, voire d’Al-Qaida) se fait à ses dépens, puisqu’elle s’inscrit dans une politique globale dans laquelle il n’est souvent qu’instrumentalisé. Et elle affaiblit encore plus une direction palestinienne qui doit composer avec des mots d’ordre qu’elle ne contrôle plus, comme on a pu le constater avec la flottille pour Gaza.

9 juin 2010 / Gilles Paris / France-Palestine
                                              


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